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Dégoût de la vie. Suicide.

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Extraits du Livre des Esprits d'Allan Kardec

943. D'où vient le dégoût de la vie qui s'empare de certains individus, sans motifs plausibles ?

" Effet de l'oisiveté, du manque de foi et souvent de la satiété.

Pour celui qui exerce ses facultés dans un but utile et selon ses aptitudes naturelles, le travail n'a rien d'aride, et la vie s'écoule plus rapidement ; il en supporte les vicissitudes avec d'autant plus de patience et de résignation, qu'il agit en vue du bonheur plus solide et plus durable qui l'attend. "


944. L'homme a-t-il le droit de disposer de sa propre vie ?

" Non, Dieu seul a ce droit. Le suicide volontaire est une transgression de cette loi. "

- Le suicide n'est il pas toujours volontaire ?

" Le fou qui se tue ne sait ce qu'il fait. "

945.Que penser du suicide qui a pour cause le dégoût de la vie ?

" Insensés ! pourquoi ne travaillaient-ils pas ? L'existence ne leur aurait pas été à charge ! "

946. Que penser du suicide qui a pour but d'échapper aux misères et aux déceptions de ce monde ?

" Pauvres Esprits, qui n'ont pas le courage de supporter les misères de l'existence ! Dieu aide ceux qui souffrent, et non pas ceux qui n'ont ni force, ni courage. Les tribulations de la vie sont des épreuves ou des expiations ; heureux ceux qui les supportent sans murmurer, car ils en seront récompensés ! Malheur au contraire à ceux qui attendent leur salut de ce que, dans leur impiété, ils appellent le hasard ou la fortune ! Le hasard ou la fortune, pour me servir de leur langage, peuvent en effet les favoriser un instant, mais c'est pour leur faire sentir plus tard et plus cruellement le néant de ces mots. "

- Ceux qui ont conduit le malheureux à cet acte de désespoir en subiront-ils les conséquences ?

" Oh ! ceux-là, malheur à eux ! car ils en répondront comme d'un meurtre. "

947. L'homme qui est aux prises avec le besoin et qui se laisse mourir de désespoir, peut-il être considéré comme se suicidant ?

" C'est un suicide, mais ceux qui en sont cause ou qui pourraient l'empêcher sont plus coupables que lui, et l'indulgence l'attend. Pourtant ne croyez pas qu'il soit entièrement absous s'il a manqué de fermeté et de persévérance, et s'il n'a pas fait usage de toute son intelligence pour se tirer du bourbier. Malheur surtout à lui si son désespoir naît de l'orgueil ; je veux dire s'il est de ces hommes en qui l'orgueil paralyse les ressources de l'intelligence, qui rougiraient de devoir leur existence au travail de leurs mains, et qui préfèrent mourir de faim plutôt que de déroger à ce qu'ils appellent leur position sociale ! N'y a-t-il pas cent fois plus de grandeur et de dignité à lutter contre l'adversité, à braver la critique d'un monde futile et égoïste qui n'a de bonne volonté que pour ceux qui ne manquent de rien, et vous tourne le dos dès que vous avez besoin de lui ? Sacrifier sa vie à la considération de ce monde est une chose stupide, car il n'en tient aucun compte. "

948. Le suicide qui a pour but d'échapper à la honte d'une mauvaise action est-il aussi répréhensible que celui qui est causé par le désespoir ?

" Le suicide n'efface pas la faute, au contraire, il y en a deux au lieu d'une. Quand on a eu le courage de faire le mal, il faut avoir celui d'en subir les conséquences. Dieu juge, et selon la cause peut quelquefois diminuer ses rigueurs. "

949. Le suicide est-il excusable lorsqu'il a pour but d'empêcher la honte de rejaillir sur les enfants ou la famille ?

" Celui qui agit ainsi ne fait pas bien, mais il le croit, et Dieu lui en tient compte, car c'est une expiation qu'il s'impose lui-même. Il atténue sa faute par l'intention, mais il n'en commet pas moins une faute. Du reste, abolissez les abus de votre société et vos préjugés, et vous n'aurez plus de ces suicides. "

Celui qui s'ôte la vie pour échapper à la honte d'une mauvaise action, prouve qu'il tient plus à l'estime des hommes qu'à celle de Dieu, car il va rentrer dans la vie spirituelle chargé de ses iniquités, et il s'est ôté les moyens de les réparer pendant la vie. Dieu est souvent moins inexorable que les hommes ; il pardonne au repentir sincère et nous tient compte de la réparation ; le suicide ne répare rien.

950. Que penser de celui qui s'ôte la vie dans l'espoir d'arriver plus tôt à une meilleure ?

" Autre folie ! qu'il fasse le bien et il sera plus sûr d'y arriver ; car il retarde son entrée dans un monde meilleur, et lui-même demandera à venir finir cette vie qu'il a tranchée par une fausse idée. Une faute, quelle qu'elle soit, n'ouvre jamais le sanctuaire des élus. "

951. Le sacrifice de sa vie n'est-il pas quelquefois méritoire quand il a pour but de sauver celle d'autrui ou d'être utile à ses semblables ?

" Cela est sublime, selon l'intention, et le sacrifice de sa vie n'est pas un suicide ; mais Dieu s'oppose à un sacrifice inutile et ne peut le voir avec plaisir s'il est terni par l'orgueil. Un sacrifice n'est méritoire que par le désintéressement, et celui qui l'accomplit a quelquefois une arrière-pensée qui en diminue la valeur aux yeux de Dieu. "

Tout sacrifice fait aux dépens de son propre bonheur est un acte souverainement méritoire aux yeux de Dieu, car c'est la pratique de la loi de charité. Or, la vie étant le bien terrestre auquel l'homme attache le plus de prix, celui qui y renonce pour le bien de ses semblables ne commet point un attentat : c'est un sacrifice qu'il accomplit. Mais avant de l'accomplir, il doit réfléchir si sa vie ne peut pas être plus utile que sa mort.

952. L'homme qui périt victime de l'abus de passions qu'il sait devoir hâter sa fin, mais auxquelles il n'a plus le pouvoir de résister, parce que l'habitude en a fait de véritables besoins physiques, commet-il un suicide ?

" C'est un suicide moral. Ne comprenez-vous pas que l'homme est doublement coupable dans ce cas ? Il y a chez lui défaut de courage et bestialité, et de plus oubli de Dieu. "

- Est-il plus ou moins coupable que celui qui s'ôte la vie par désespoir ?

" Il est plus coupable, parce qu'il a le temps de raisonner son suicide ; chez celui qui le fait instantanément, il y a quelquefois une sorte d'égarement qui tient de la folie ; l'autre sera beaucoup plus puni, car les peines sont toujours proportionnées à la conscience que l'on a des fautes commises. "

953. Lorsqu'une personne voit devant elle une mort inévitable et terrible, est-elle coupable d'abréger de quelques instants ses souffrances par une mort volontaire ?

" On est toujours coupable de ne pas attendre le terme fixé par Dieu. Est-on d'ailleurs bien certain que ce terme soit arrivé malgré les apparences, et ne peut-on recevoir un secours inespéré au dernier moment ? "

- On conçoit que dans les circonstances ordinaires le suicide soit répréhensible, mais nous supposons le cas où la mort est inévitable, et où la vie n'est abrégée que de quelques instants ?

" C'est toujours un manque de résignation et de soumission à la volonté du Créateur. "

- Quelles sont, dans ce cas, les conséquences de cette action ?

" Une expiation proportionnée à la gravité de la faute, selon les circonstances, comme toujours. "

954. Une imprudence qui compromet la vie sans nécessité est-elle répréhensible ?

" Il n'y a pas culpabilité quand il n'y a pas intention ou conscience positive de faire le mal. "

955. Les femmes qui, dans certains pays, se brûlent volontairement sur le corps de leur mari, peuvent-elles être considérées comme se suicidant, et en subissent-elles les conséquences ?

" Elles obéissent à un préjugé, et souvent plus à la force qu'à leur propre volonté. Elles croient accomplir un devoir, et ce n'est pas là le caractère du suicide. Leur excuse est dans la nullité morale de la plupart d'entre elles et dans leur ignorance. Ces usages barbares et stupides disparaissent avec la civilisation. "

956. Ceux qui, ne pouvant supporter la perte de personnes qui leur sont chères, se tuent dans l'espoir d'aller les rejoindre, atteignent-ils leur but ?

" Le résultat pour eux est tout autre que celui qu'ils attendent, et au lieu d'être réunis à l'objet de leur affection, ils s'en éloignent pour plus longtemps, car Dieu ne peut récompenser un acte de lâcheté, et l'insulte qui lui est faite en doutant de sa providence. Ils payeront cet instant de folie par des chagrins plus grands que ceux qu'ils croient abréger, et n'auront pas pour les compenser la satisfaction qu'ils espéraient. " (934 et suivants).

957. Quelles sont, en général, les conséquences du suicide sur l'état de l'Esprit ?

" Les conséquences du suicide sont très diverses ; il n'y a pas de peines fixées, et dans tous les cas elles sont toujours relatives aux causes qui l'ont amené ; mais une conséquence à laquelle le suicidé ne peut échapper, c'est le désappointement. Du reste, le sort n'est pas le même pour tous : il dépend des circonstances ; quelques-uns expient leur faute immédiatement, d'autres dans une nouvelle existence qui sera pire que celle dont ils ont interrompu le cours. "

L'observation montre, en effet, que les suites de suicide ne sont pas toujours les mêmes ; mais il en est qui sont communes à tous les cas de mort violente, et la conséquence de l'interruption brusque de la vie. C'est d'abord la persistance plus prolongée et plus tenace du lien qui unit l'Esprit et le corps, ce lien étant presque toujours dans toute sa force au moment où il a été brisé, tandis que dans la mort naturelle il s'affaiblit graduellement, et souvent est dénoué avant que la vie soit complètement éteinte. Les conséquences de cet état de choses sont la prolongation du trouble spirite, puis l'illusion qui, pendant un temps plus ou moins long, fait croire à l'Esprit qu'il est encore au nombre des vivants. (155 et 165)

L'affinité qui persiste entre l'Esprit et le corps produit, chez quelques suicidés, une sorte de répercussion de l'état du corps sur l'Esprit qui ressent ainsi malgré lui les effets de la décomposition, et en éprouve une sensation pleine d'angoisses et d'horreur, et cet état peut persister aussi longtemps qu'aurait dû durer la vie qu'ils ont interrompue. Cet effet n'est pas général ; mais dans aucun cas le suicidé n'est affranchi des conséquences de son manque de courage, et tôt ou tard il expie sa faute d'une manière ou d'une autre. C'est ainsi que certains Esprits, qui avaient été très malheureux sur la terre, ont dit s'être suicidés dans leur précédente existence, et s'être volontairement soumis à de nouvelles épreuves pour essayer de les supporter avec plus de résignation. Chez quelques-uns c'est une sorte d'attachement à la matière dont ils cherchent en vain à se débarrasser pour s'envoler vers des mondes meilleurs, mais dont l'accès leur est interdit ; chez la plupart c'est le regret d'avoir fait une chose inutile, puisqu'ils n'en éprouvent que de la déception.

La religion, la morale, toutes les philosophies condamnent le suicide comme contraire à la loi de nature ; toutes nous disent en principe qu'on n'a pas le droit d'abréger volontairement sa vie ; mais pourquoi n'a-t-on pas ce droit ? Pourquoi n'est-on pas libre de mettre un terme à ses souffrances ? Il était réservé au spiritisme de démontrer, par l'exemple de ceux qui ont succombé, que ce n'est pas seulement une faute comme infraction à une loi morale, considération de peu de poids pour certains individus, mais un acte stupide, puisqu'on n'y gagne rien, loin de là ; ce n'est pas la théorie qu'il nous enseigne, ce sont les faits qu'il met sous nos yeux.

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Extrait de La Revue Spirite de juin 1858 d'Allan Kardec

Le Suicidé de la Samaritaine.

Les journaux ont dernièrement rapporté le fait suivant : " Hier (7 avril 1858) vers les sept heures du soir, un homme d'une cinquantaine d'années, et vêtu convenablement, se présenta dans l'établissement de la Samaritaine et se fit préparer un bain. Le garçon de service s'étonnant, après un intervalle de deux heures, que cet individu n'appelât pas, se décida à entrer dans son cabinet pour voir s'il n'était pas indisposé. Il fut alors témoin d'un hideux spectacle : ce malheureux s'était coupé la gorge avec un rasoir, et tout son sang s'était mêlé à l'eau de la baignoire. L'identité n'ayant pu être établie, on a transporté le cadavre à la Morgue. "

Nous avons pensé que nous pourrions puiser un enseignement utile à notre instruction dans un entretien avec l'Esprit de cet homme. Nous l'avons donc évoqué le 13 avril, par conséquent six jours seulement après sa mort.

1. Je prie Dieu tout-puissant de permettre à l'Esprit de l'individu qui s'est suicidé le 7 avril 1858, dans les bains de la Samaritaine, de se communiquer à nous. - R. Attends... (Après quelques secondes :) Il est là.

Remarque. - Pour comprendre cette réponse, il faut savoir qu'il y a généralement, dans toutes les réunions régulières, un Esprit familier : celui du médium ou de la famille, qui est toujours présent sans qu'on l'appelle. C'est lui qui fait venir ceux qu'on évoque, et, selon qu'il est plus ou moins élevé, sert lui-même de messager ou donne des ordres aux Esprits qui lui sont inférieurs. Lorsque nos réunions ont pour interprète Mlle Ermance Dufaux, c'est toujours l'Esprit de saint Louis qui veut bien y assister d'office ; c'est lui qui a fait la réponse ci-dessus.

2. Où êtes-vous maintenant ? - R. Je ne sais... Dites-le-moi, où je suis.

3. Vous êtes rue de Valois (Palais-Royal), n° 35, dans une assemblée de personnes qui s'occupent d'études spirites, et qui sont bienveillantes pour vous. - R. Dites-moi si je vis... J'étouffe dans le cercueil.

4. Qui vous a engagé à venir à nous ? - R. Je me suis senti soulagé.

5. Quel est le motif qui vous a porté à vous suicider ? - R. Suis-je mort ?... Non pas... J'habite mon corps... Vous ne savez pas combien je souffre !... J'étouffe !... Qu'une main compatissante essaye de m'achever !

Remarque. Son âme, quoique séparée du corps, est encore complètement plongée dans ce que l'on pourrait appeler le tourbillon de la matière corporelle ; les idées terrestres sont encore vivaces ; il ne croit pas être mort.

6. Pourquoi n'avez-vous laissé aucune trace qui pût vous faire reconnaître ? - R. Je suis abandonné ; j'ai fui la souffrance pour trouver la torture.

7. Avez-vous maintenant les mêmes motifs de rester inconnu ? - R. Oui ; ne mettez pas un fer rouge dans la blessure qui saigne.

8. Voudriez-vous nous dire votre nom, votre âge, votre profession, votre domicile ? - R. Non... A tout : non...

9. Aviez-vous une famille, une femme, des enfants ? - R. J'étais abandonné ; nul être ne m'aimait.

10. Qu'aviez-vous fait pour n'être aimé de personne ? - R. Combien le sont comme moi !... Un homme peut être abandonné au milieu de sa famille, quand aucun coeur ne l'aime.

11. Au moment d'accomplir votre suicide, n'avez-vous éprouvé aucune hésitation ? - R. J'avais soif de la mort... j'attendais le repos.

12. Comment la pensée de l'avenir ne vous a-t-elle pas fait renoncer à votre projet ? - R. Je n'y croyais plus ; j'étais sans espérance. L'avenir, c'est l'espoir.

13. Quelles réflexions avez-vous faites au moment où vous avez senti la vie s'éteindre en vous ? - R. Je n'ai pas réfléchi ; j'ai senti... Mais ma vie n'est pas éteinte... mon âme est liée à mon corps... je ne suis pas mort, cependant je sens les vers qui me rongent.

14. Quel sentiment avez-vous éprouvé au moment où la mort a été complète ? - R. L'est-elle ?

15. Le moment où la vie s'éteignait en vous a-t-il été douloureux ? - R. Moins douloureux qu'après. Le corps seul a souffert. - Saint Louis continue : L'Esprit se déchargeait d'un fardeau qui l'accablait ; il ressentait la volupté de la douleur. (A Saint Louis.) Cet état est-il toujours la suite du suicide ? - R. Oui ; l'Esprit du suicidé est lié à son corps jusqu'au terme de sa vie. La mort naturelle est l'affaiblissement de la vie : le suicide la brise tout entière.

16. Cet état est-il le même dans toute mort accidentelle indépendante de la volonté, et qui abrège la durée naturelle de la vie ? - R. Non. Qu'entendez-vous par le suicide ? L'Esprit n'est coupable que de ses oeuvres.

Remarque. Nous avions préparé une série de questions que nous nous proposions d'adresser à l'Esprit de cet homme sur sa nouvelle existence ; en présence de ses réponses, elles devenaient sans objet ; il était évident pour nous qu'il n'avait nulle conscience de sa situation ; sa souffrance est la seule chose qu'il ait pu nous dépeindre.

Ce doute de la mort est très ordinaire chez les personnes décédées depuis peu, et surtout chez celles qui, pendant leur vie, n'ont pas élevé leur âme au-dessus de la matière. C'est un phénomène bizarre au premier abord, mais qui s'explique très naturellement. Si à un individu mis en somnambulisme pour la première fois on demande s'il dort, il répond presque toujours non, et sa réponse est logique : c'est l'interrogateur qui pose mal la question en se servant d'un terme impropre. L'idée de sommeil, dans notre langue usuelle, est liée à celle de la suspension de toutes nos facultés sensitives ; or, le somnambule, qui pense et qui voit, qui a conscience de sa liberté morale, ne croit pas dormir, et en effet il ne dort pas, dans l'acception vulgaire du mot. C'est pourquoi il répond non jusqu'à ce qu'il soit familiarisé avec cette nouvelle manière d'entendre la chose. Il en est de même chez l'homme qui vient de mourir ; pour lui la mort c'était le néant ; or, comme le somnambule, il voit, il sent, il parle ; donc pour lui il n'est pas mort, et il le dit jusqu'à ce qu'il ait acquis l'intuition de son nouvel état.

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Extrait de La Revue Spirite de septembre 1858 d'Allan Kardec

Problèmes moraux. Suicide par amour.

Depuis sept ou huit mois, le nommé Louis G..., ouvrier cordonnier, faisait la cour à une demoiselle Victorine R..., piqueuse de bottines, avec laquelle il devait se marier très prochainement, puisque les bans étaient en cours de publication. Les choses en étant à ce point, les jeunes gens se considéraient presque comme définitivement unis, et, par mesure d'économie, le cordonnier venait chaque jour prendre ses repas chez sa future.

Mercredi dernier, Louis étant venu, comme à l'ordinaire, souper chez la piqueuse de bottines, une contestation survint à propos d'une futilité ; on s'obstina de part et d'autre, et les choses en vinrent au point que Louis quitta la table et partit en jurant de ne plus jamais revenir.

Le lendemain pourtant, le cordonnier, tout penaud, venait mettre les pouces et demander pardon : la nuit porte conseil, on le sait ; mais l'ouvrière, préjugeant peut-être, d'après la scène de la veille, ce qui pourrait survenir quand il ne serait plus temps de se dédire, refusa de se réconcilier, et, protestations, larmes, désespoir, rien ne put la fléchir. Avant-hier au soir, cependant, comme plusieurs jours s'étaient écoulés depuis celui de la brouille, Louis, espérant que sa bien-aimée serait plus traitable, voulut tenter une dernière démarche : il arrive donc et frappe de façon à se faire connaître, mais on refuse de lui ouvrir ; alors nouvelles supplications de la part du pauvre évincé, nouvelles protestations à travers la porte, mais rien ne put toucher l'implacable prétendue. " Adieu donc, méchante ! s'écrie enfin le pauvre garçon, adieu pour toujours ! Tâchez de rencontrer un mari qui vous aime autant que moi ! " En même temps la jeune fille entend une sorte de gémissement étouffé, puis comme le bruit d'un corps qui tombe en glissant le long de sa porte, et tout rentre dans le silence ; alors elle s'imagine que Louis s'est installé sur le seuil pour attendre sa première sortie, mais elle se promet bien de ne pas mettre le pied dehors tant qu'il sera là.

Il y avait à peine un quart d'heure que ceci avait eu lieu, lorsqu'un locataire qui passait sur le palier avec de la lumière, pousse une exclamation et demande du secours. Aussitôt les voisins arrivent, et Mlle Victorine, ayant également ouvert sa porte, jette un cri d'horreur en apercevant étendu sur le carreau son prétendu pâle et inanimé. Chacun s'empresse de lui porter secours, on s'enquiert d'un médecin, mais on s'aperçoit bientôt que tout est inutile, et qu'il a cessé d'exister. Le malheureux jeune homme s'était plongé son tranchet dans la région du coeur, et le fer était resté dans la plaie.

Ce fait, que nous trouvons dans le Siècle du 7 avril dernier, a suggéré la pensée d'adresser à un Esprit supérieur quelques questions sur ses conséquences morales. Les voici, ainsi que les réponses qui nous ont été données par l'Esprit de saint Louis dans la séance de la Société du 10 août 1858.

1. La jeune fille, cause involontaire de la mort de son amant, en a-t-elle la responsabilité ? - R. Oui, car elle ne l'aimait pas.

2. Pour prévenir ce malheur devait-elle l'épouser malgré sa répugnance ? - R. Elle cherchait une occasion pour se séparer de lui ; elle a fait au commencement de sa liaison ce qu'elle aurait fait plus tard.

3. Ainsi sa culpabilité consiste à avoir entretenu chez lui des sentiments qu'elle ne partageait pas, sentiments qui ont été la cause de la mort du jeune homme ? - R. Oui, c'est cela.

4. Sa responsabilité, dans ce cas, doit être proportionnée à sa faute ; elle ne doit pas être aussi grande que si elle eût provoqué volontairement la mort ? - R. Cela saute aux yeux.

5. Le suicide de Louis trouve-t-il une excuse dans l'égarement où l'a plongé l'obstination de Victorine ? - R. Oui, car son suicide, qui provient de l'amour, est moins criminel aux yeux de Dieu que le suicide de l'homme qui veut s'affranchir de la vie par un motif de lâcheté.

Remarque. En disant que ce suicide est moins criminel aux yeux de Dieu, cela signifie évidemment qu'il y a criminalité, quoique moins grande. La faute consiste dans la faiblesse qu'il n'a pas su vaincre. C'était sans doute une épreuve sous laquelle il a succombé ; or, les Esprits nous apprennent que le mérite consiste à lutter victorieusement contre les épreuves de toutes sortes qui sont l'essence même de notre vie terrestre.

L'Esprit de Louis C... ayant été évoqué une autre fois, on lui adressa les questions suivantes :

1. Que pensez-vous de l'action que vous avez commise ? - R. Victorine est une ingrate ; j'ai eu tort de me tuer pour elle, car elle ne le méritait pas.

2. Elle ne vous aimait donc pas ? - R. Non ; elle l'a cru d'abord ; elle se faisait illusion ; la scène que je lui ai faite lui a ouvert les yeux ; alors elle a été contente de ce prétexte pour se débarrasser de moi.

3. Et vous, l'aimiez-vous sincèrement ? - R. J'avais de la passion pour elle ; voilà tout, je crois ; si je l'avais aimée d'un amour pur, je n'aurais pas voulu lui faire de la peine.

4. Si elle avait su que vous vouliez réellement vous tuer, aurait-elle persisté dans son refus ? - R. Je ne sais ; je ne crois pas, car elle n'est pas méchante ; mais elle aurait été malheureuse ; il vaut encore mieux pour elle que cela se soit passé ainsi.

5. En arrivant à sa porte aviez-vous l'intention de vous tuer en cas de refus ? - R. Non ; je n'y pensais pas ; je ne croyais pas qu'elle serait si obstinée ; ce n'est que quand j'ai vu son obstination, qu'alors un vertige m'a pris.

6. Vous semblez ne regretter votre suicide que parce que Victorine ne le méritait pas ; est-ce le seul sentiment que vous éprouvez ? - R. En ce moment, oui ; je suis encore tout troublé ; il me semble être à sa porte ; mais je sens autre chose que je ne puis définir.

7. Le comprendrez-vous plus tard ? - R. Oui, quand je serai débrouillé... C'est mal ce que j'ai fait ; j'aurais dû la laisser tranquille... J'ai été faible et j'en porte la peine... Voyez-vous, la passion aveugle l'homme et lui fait faire bien des sottises. Il les comprend quand il n'est plus temps.

8. Vous dites que vous en portez la peine ; quelle peine souffrez-vous ? - R. J'ai eu tort d'abréger ma vie ; je ne le devais pas ; je devais tout supporter plutôt que d'en finir avant le temps ; et puis je suis malheureux ; je souffre ; c'est toujours elle qui me fait souffrir ; il me semble être encore là, à sa porte ; l'ingrate ! Ne m'en parlez plus ; je n'y veux plus penser ; cela me fait trop de mal. Adieu.

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Extrait de La Revue Spirite de Novembre 1858 d'Allan Kardec

Problèmes moraux. Sur le Suicide

Questions adressées à saint Louis, par l'intermédiaire de M. C..., médium parlant et voyant, dans la Société parisienne des études spirites, séance du 12 octobre 1858.

1. Pourquoi l'homme qui a la ferme intention de se détruire se révolterait-il à l'idée d'être tué par un autre, et se défendrait-il contre les attaques au moment même où il va accomplir son dessein ? R. Parce que l'homme a toujours peur de la mort ; lorsqu'il se la donne lui-même, il est surexcité, il a la tête dérangée, et il accomplit cet acte sans courage ni crainte, et sans, pour ainsi dire, avoir la connaissance de ce qu'il fait, tandis que, s'il avait le choix, vous ne verriez pas autant de suicides. L'instinct de l'homme le porte à défendre sa vie, et, pendant le temps qui s'écoule entre l'instant où son semblable s'approche pour le tuer et celui où l'acte est commis, il y a toujours un mouvement de répulsion instinctif de la mort qui le porte à repousser ce fantôme, qui n'est effrayant que pour l'Esprit coupable. L'homme qui se suicide n'éprouve pas ce sentiment, parce qu'il est entouré d'Esprits qui le poussent, qui l'aident dans ses désirs, et lui font complètement perdre le souvenir de ce qui n'est pas lui, c'est-à-dire de ses parents et de ceux qui l'aiment, et d'une autre existence. L'homme dans ce moment est tout égoïsme.

2. Celui qui, dégoûté de la vie, mais ne veut pas se l'ôter et veut que sa mort serve à quelque chose, est-il coupable de la chercher sur un champ de bataille en défendant son pays ? - R. Toujours. L'homme doit suivre l'impulsion qui lui est donnée ; quelle que soit la carrière qu'il embrasse, quelle que soit la vie qu'il mène, il est toujours assisté d'Esprits qui le conduisent et le dirigent à son insu ; or chercher à aller contre leurs conseils est un crime, puisqu'ils sont placés là pour nous diriger, et que ces bons Esprits, lorsque nous voulons agir par nous-mêmes, sont là pour nous aider. Mais cependant, si l'homme entraîné par son Esprit à lui, veut quitter cette vie, on l'abandonne, et il reconnaît sa faute plus tard lorsqu'il se trouve obligé de recommencer une autre existence. L'homme doit être éprouvé pour s'élever ; arrêter ses actes, mettre une entrave à son libre arbitre, serait aller contre Dieu, et les épreuves, dans ce cas, deviendraient inutiles, puisque les Esprits ne commettraient pas de fautes. L'Esprit a été créé simple et ignorant ; il faut donc, pour arriver aux sphères heureuses, qu'il progresse, s'élève en science et en sagesse, et ce n'est que dans l'adversité que l'Esprit puise l'élévation du coeur et comprend mieux la grandeur de Dieu.

3. Un des assistants fait observer qu'il croit voir une contradiction entre ces dernières paroles de saint Louis et les précédentes, quand il a dit que l'homme peut être poussé au suicide par certains Esprits qui l'y excitent. Dans ce cas, il céderait à une impulsion qui lui serait étrangère. - R. Il n'y a pas de contradiction. Lorsque j'ai dit que l'homme poussé au suicide était entouré d'Esprits qui l'y sollicitent, je n'ai pas parlé des bons Esprits qui font tous leurs efforts pour l'en détourner ; cela devait être sous-entendu ; nous savons tous que nous avons un ange gardien, ou, si vous aimez mieux, un guide familier. Or l'homme a son libre arbitre ; si, malgré les bons conseils qui lui sont donnés, il persévère dans cette idée qui est un crime, il l'accomplit et il est aidé en cela par les Esprits légers et impurs qui l'entourent, qui sont heureux de voir que l'homme, ou l'Esprit incarné, manque aussi, lui, de courage pour suivre les conseils de son bon guide, et souvent de l'Esprit de ses parents morts qui l'entourent, surtout dans des circonstances semblables.

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