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Témoignages de l'Au-delà

Extraits de la 1ère Revue spirite de janvier 1858 (Allan Kardec)

1 - Mère, je suis là !

2 - Georges, Pharmacien (une conversation entre un père et son fils)

3 - Visions somnambuliques - L'idiode de Lyon et L'armateur

4 - Le revenant de mademoiselle Clairon

5 - Mlle CLARY D... - EVOCATION.

6 - L'Assassin Lemaire.

7 - La reine d'Oude.

8 - Le Docteur Xavier - Sur diverses questions Psycho-Physiologiques.

9 - L'Esprit frappeur de Bergzabern (3 articles).

10 - Méhémet-Ali, ancien pacha d'Egypte (2 articles)

11 - Un marin.

12 - Manifestations à l'Hôpital de Saintes

13 - M. Morisson, monomane

14 - Le Suicidé de la Samaritaine.

15 - Le Tambour de la Bérésina.

16 - L'Esprit frappeur de Dibbelsdorf (BASSE-SAXE) - RS d'Août 1858

17 - Un avertissement d'outre-tombe. - RS de Septembre 1858<

18 - Un avertissement d'outre-tombe 2 - RS de Septembre 1858<

19 - Madame Schwabenhaus. Léthargie extatique. - RS de Septembre 1858

20 - Problèmes moraux. Suicide par amour. - RS septembre 1858

21 - Meurtre de cinq enfants par un enfant de douze ans. - RS Octobre 1858

22 - Phénomène d'apparition. - RS d'Octobre 1858

23 - Le docteur Muhr. - Extrait le RS de Novembre 1858

24 - Madame de Staël. - RS de novembre 1858

25 - Un Esprit au convoi de son corps. - RS de Décembre 1858

26 - Une veuve du Malabar. (RS décembre 1858)

27 - La Belle Cordière - RS de Décembre 1858

28 - A la France, communication spirite (Message d'un Esprit élevé reçu par le Médium Adrien)

29 - Le Follet de Bayonne.

30 - Paul Gaimard. Médecin de la marine et voyageur naturaliste, décédé le 11 décembre 1858 ; évoqué le 24 du même mois, à l'âge de 64 ans, par un de ses amis, M. Sardou.

31 - Mme Reynaud, Somnambule, décédée à Annonay, il y a environ un an (Revue Spirite de mars 1859)

32 - Hitoti, chef tahitien. (Revue Spirite de mars 1859)

33 - Un Esprit follet. (Revue Spirite de mars 1859)

34 - Benvenuto Cellini.

35 - M. Girard de Codemberg, ancien élève de l'Ecole polytechnique, membre de plusieurs sociétés savantes, auteur d'un livre intitulé : Le Monde spirituel, ou science chrétienne de communiquer intimement avec les puissances célestes et les âmes heureuses. Mort en novembre 1858 ; évoqué dans la Société le 14 janvier suivant.

36 - M. Poitevin, aéronaute. Mort, il y a deux mois environ, d'une fièvre typhoïde contractée à la suite d'une descente qu'il fit en pleine mer. Séance de la Société parisienne des études spirites du 11 février 1859.

37 - Pierre Le Flamand, Scènes de la vie privée spirite - Revue Spirite de mai 1859

38 - Musique d'outre-tombe - Extrait le Revue Spirite de mai 1859

39 - M. Alexandre de Humboldt, Décédé le 6 mai 1859 ; appelé dans la Société parisienne des Etudes spirites les 13 et 20 du même mois et François Arago ayant été appelé dans la séance du 27 mai(RS juin 1859)

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Mère, je suis là !

Madame *** venait de perdre depuis quelques mois sa fille unique, âgée de quatorze ans, objet de toute sa tendresse, et bien digne de ses regrets par les qualités qui promettaient d'en faire une femme accomplie. Cette jeune personne avait succombé à une longue et douloureuse maladie. La mère, inconsolable de cette perte, voyait de jour en jour sa santé s'altérer, et répétait sans cesse qu'elle irait bientôt rejoindre sa fille. Instruite de la possibilité de communiquer avec les êtres d'outre-tombe, Madame *** résolut de chercher, dans un entretien avec son enfant, un adoucissement à sa peine. Une dame de sa connaissance était médium ; mais, peu expérimentées l'une et l'autre pour de semblables évocations, surtout dans une circonstance aussi solennelle, on me pria d'y assister. Nous n'étions que trois : la mère, le médium et moi. Voici le résultat de cette première séance.

LA MERE. Au nom de Dieu Tout-Puissant, Esprit de Julie ***, ma fille chérie, je te prie de venir si Dieu le permet.

JULIE. Mère ! je suis là.

LA MERE. Est-ce bien toi, mon enfant, qui me réponds ? Comment puis-je savoir que c'est toi ?

JULIE. Lili.

(C'était un petit nom familier donné à la jeune fille dans son enfance ; il n'était connu ni du médium ni de moi, attendu que depuis plusieurs années on ne l'appelait que par son nom de Julie. A ce signe, l'identité était évidente ; la mère, ne pouvant maîtriser son émotion, éclata en sanglots.)

JULIE. Mère ! pourquoi t'affliger ? Je suis heureuse, bien heureuse ; je ne souffre plus et je te vois toujours.

LA MERE. Mais moi je ne te vois pas. Où es-tu ?

JULIE. Là, à côté de toi, ma main sur Madame *** (le médium) pour lui faire écrire ce que je te dis. Vois mon écriture. (L'écriture était en effet celle de sa fille.)

LA MERE. Tu dis : ma main ; tu as donc un corps ?

JULIE. Je n'ai plus ce corps qui me faisait tant souffrir ; mais j'en ai l'apparence. N'es-tu pas contente que je ne souffre plus, puisque je puis causer avec toi ?

LA MERE. Si je te voyais je te reconnaîtrais donc !

JULIE. Oui, sans doute, et tu m'as déjà vue souvent dans tes rêves.

LA MERE. Je t'ai revue en effet dans mes rêves, mais j'ai cru que c'était un effet de mon imagination, un souvenir.

JULIE. Non ; c'est bien moi qui suis toujours avec toi et qui cherche à te consoler ; c'est moi qui t'ai inspiré l'idée de m'évoquer. J'ai bien des choses à te dire. Défie-toi de M. *** ; il n'est pas franc.

(Ce monsieur, connu de la mère seule, et nommé ainsi spontanément, était une nouvelle preuve de l'identité de l'Esprit qui se manifestait.)

LA MERE. Que peut donc faire contre moi Monsieur *** ?

JULIE. Je ne puis te le dire ; cela m'est défendu. Je ne puis que t'avertir de t'en méfier.

LA MERE. Es-tu parmi les anges ?

JULIE. Oh ! pas encore ; je ne suis pas assez parfaite.

LA MERE. Je ne te connaissais cependant aucun défaut ; tu étais bonne, douce, aimante et bienveillante pour tout le monde ; est-ce que cela, ne suffit pas ?

JULIE. Pour toi, mère chérie, je n'avais aucun défaut ; je le croyais : tu me le disais si souvent ! Mais à présent, je vois ce qui me manque pour être parfaite.

LA MERE. Comment acquerras-tu les qualités qui te manquent ?

JULIE. Dans de nouvelles existences qui seront de plus en plus heureuses.

LA MERE. Est-ce sur la terre que tu auras ces nouvelles existences ?

JULIE. Je n'en sais rien.

LA MERE. Puisque tu n'avais point fait de mal pendant ta vie, pourquoi as-tu tant souffert ?

JULIE. Epreuve ! Epreuve ! Je l'ai supportée avec patience, par ma confiance en Dieu ; j'en suis bien heureuse aujourd'hui. A bientôt, mère chérie !

En présence de pareils faits, qui oserait parler du néant de la tombe quand la vie future se révèle à nous pour ainsi dire palpable ? Cette mère, minée par le chagrin, éprouve aujourd'hui un bonheur ineffable à pouvoir s'entretenir avec son enfant ; il n'y a plus entre elles de séparation ; leurs âmes se confondent et s'épanchent dans le sein l'une de l'autre par l'échange de leurs pensées.

Malgré le voile dont nous avons entouré cette relation, nous ne nous serions pas permis de la publier, si nous n'y étions formellement autorisé. Puissent, nous disait cette mère, tous ceux qui ont perdu leurs affections sur la terre, éprouver la même consolation que moi !

Nous n'ajouterons qu'un mot à l'adresse de ceux qui nient l'existence des bons Esprits ; nous leur demanderons comment ils pourraient prouver que l'Esprit de cette jeune fille était un démon malfaisant.

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Georges, Pharmacien (une conversation entre un père et son fils)

Un monsieur que nous désignerons sous le nom de Georges, pharmacien dans une ville du midi, avait depuis peu perdu son père, objet de toute sa tendresse et d'une profonde vénération. M. Georges père joignait à une instruction fort étendue toutes les qualités qui font l'homme de bien, quoique professant des opinions très matérialistes. Son fils partageait à cet égard et même dépassait les idées de son père ; il doutait de tout, de Dieu, de l'âme, de la vie future. Le Spiritisme ne pouvait s'accorder avec de telles pensées. La lecture du Livre des Esprits produisit cependant chez lui une certaine réaction, corroborée par un entretien direct que nous eûmes avec lui. " Si, dit-il, mon père pouvait me répondre, je ne douterais plus. " C'est alors qu'eut lieu l'évocation que nous allons rapporter, et dans laquelle nous trouverons plus d'un enseignement.

- Au nom du Tout-Puissant, Esprit de mon père, je vous prie de vous manifester. Etes-vous près de moi ?
" Oui. "
- Pourquoi ne pas vous manifester à moi directement, lorsque nous nous sommes tant aimés ?
" Plus tard. "
- Pourrons-nous nous retrouver un jour ?
" Oui, bientôt. "
- Nous aimerons-nous comme dans cette vie ?
" Plus. "
- Dans quel milieu êtes-vous ?
" Je suis heureux. "
- Etes-vous réincarné ou errant ?
" Errant pour peu de temps. "
- Quelle sensation avez-vous éprouvée lorsque vous avez quitté votre enveloppe corporelle ?
" Du trouble. "
- Combien de temps a duré ce trouble ?
" Peu pour moi, beaucoup pour toi. "
- Pouvez-vous apprécier la durée de ce trouble selon notre manière de compter ?
" Dix ans pour toi, dix minutes pour moi. "
- Mais il n'y a pas ce temps que je vous ai perdu, puisqu'il n'y a que quatre mois ?
" Si toi, vivant, tu avais été à ma place, tu aurais ressenti ce temps. "
- Croyez-vous maintenant en un Dieu juste et bon ?
" Oui. "
- Y croyiez-vous de votre vivant sur la terre ?
" J'en avais la prescience, mais je n'y croyais pas. "
- Dieu est-il tout-puissant ?
" Je ne me suis pas élevé jusqu'à lui pour mesurer sa puissance ; lui seul connaît les bornes de sa puissance, car lui seul est son égal. "
- S'occupe-t-il des hommes ?
" Oui. "
- Serons-nous punis ou récompensés suivant nos actes ?
" Si tu fais le mal, tu en souffriras. "
- Serai-je récompensé si je fais bien ?
" Tu avanceras dans ta voie. "
- Suis-je dans la bonne voie ?
" Fais le bien et tu y seras. "
- Je crois être bon, mais je serais meilleur si je devais un jour vous retrouver comme récompense.
" Que cette pensée te soutienne et t'encourage ! "
- Mon fils sera-t-il bon comme son grand-père ?
" Développe ses vertus, étouffe ses vices. "
- Je ne puis croire que nous communiquions ainsi en ce moment, tant cela me paraît merveilleux.
" D'où vient ton doute ? "
- De ce qu'en partageant vos opinions philosophiques, je suis porté à tout attribuer à la matière.
" Vois-tu la nuit ce que tu vois le jour ? "
- Je suis donc dans la nuit, ô mon père ?
" Oui. "
- Que voyez-vous de plus merveilleux ?
" Explique-toi mieux. "
- Avez-vous retrouvé ma mère, ma soeur, et Anna, la bonne Anna ?
" Je les ai revues. "
- Les voyez-vous quand vous voulez ?
" Oui. "
- Vous est-il pénible ou agréable que je communique avec vous ?
" C'est un bonheur pour moi si je puis te porter au bien. "
- Comment pourrai-je faire, rentré chez moi, pour communiquer avec vous, ce qui me rend si heureux ? cela servirait à me mieux conduire et m'aiderait à mieux élever mes enfants.
" Chaque fois qu'un mouvement te portera au bien, suis-le ; c'est moi qui t'inspirerai. "
- Je me tais, de crainte de vous importuner.
" Parle encore si tu veux. "
- Puisque vous le permettez, je vous adresserai encore quelques questions. De quelle affection êtes-vous mort ?
" Mon épreuve était à son terme. "
- Où aviez-vous contracté le dépôt pulmonaire qui s'était produit ?
" Peu importe ; le corps n'est rien, l'Esprit est tout. "
- Quelle est la nature de la maladie qui me réveille si souvent la nuit ?
" Tu le sauras plus tard. "
- Je crois mon affection grave, et je voudrais encore vivre pour mes enfants.
" Elle ne l'est pas ; le coeur de l'homme est une machine à vie ; laisse faire la nature. "
- Puisque vous êtes ici présent, sous quelle forme y êtes-vous ?
" Sous l'apparence de ma forme corporelle. "
- Etes-vous à une place déterminée ?
" Oui, derrière Ermance " (le médium).
- Pourriez-vous nous apparaître visiblement ?
" A quoi bon ! Vous auriez peur. "
- Nous voyez-vous tous ici présents ?
" Oui. "
- Avez-vous une opinion sur chacun de nous ici présents ?
" Oui. "
- Voudriez-vous nous dire quelque chose à chacun de nous ?
" Dans quel sens me fais-tu cette question ? "
- J'entends au point de vue moral.
" Une autre fois ; assez pour aujourd'hui. "


L'effet produit sur M. Georges par cette communication fut immense, et une lumière toute nouvelle semblait déjà éclairer ses idées ; une séance qu'il eut le lendemain chez madame Roger, somnambule, acheva de dissiper le peu de doutes qui pouvaient lui rester. Voici un extrait de la lettre qu'il nous a écrite à ce sujet.

" Cette dame est entrée spontanément avec moi dans des détails si précis touchant mon père, ma mère, mes enfants, ma santé ; elle a décrit avec une telle exactitude toutes les circonstances de ma vie, rappelant même des faits qui étaient depuis longtemps sortis de ma mémoire ; elle me donna, en un mot, des preuves si patentes de cette merveilleuse faculté dont sont doués les somnambules lucides, que la réaction des idées a été complète chez moi dès ce moment. Dans l'évocation, mon père m'avait révélé sa présence ; dans la séance somnambulique, j'étais pour ainsi dire témoin oculaire de la vie extra-corporelle, de la vie de l'âme. Pour décrire avec tant de minutie et d'exactitude, et à deux cents lieues de distance, ce qui n'était connu que de moi, il fallait le voir ; or, puisque ce ne pouvait être avec les yeux du corps, il y avait donc un lien mystérieux, invisible, qui rattachait la somnambule aux personnes et aux choses absentes et qu'elle n'avait jamais vues ; il y avait donc quelque chose en dehors de la matière ; que pouvait être ce quelque chose, si ce n'est ce qu'on appelle l'âme, l'être intelligent dont le corps n'est que l'enveloppe, mais dont l'action s'étend bien au-delà de notre sphère d'activité ? "

Aujourd'hui M. Georges non seulement n'est plus matérialiste, mais c'est un des adeptes les plus fervents et les plus zélés du Spiritisme, ce dont il est doublement heureux, et par la confiance que lui inspire maintenant l'avenir, et par le plaisir motivé qu'il trouve à faire le bien.

Cette évocation, bien simple au premier abord, n'en est pas moins très remarquable à plus d'un égard. Le caractère de M. Georges père se reflète dans ces réponses brèves et sentencieuses qui étaient dans ses habitudes ; il parlait peu, il ne disait jamais une parole inutile ; mais ce n'est plus le sceptique qui parle : il reconnaît son erreur ; c'est son Esprit plus libre, plus clairvoyant, qui peint l'unité et la puissance de Dieu par ces admirables paroles : Lui seul est son égal ; c'est celui qui, de son vivant, rapportait tout à la matière, et qui dit maintenant : Le corps n'est rien, l'Esprit est tout ; et cette autre phrase sublime : Vois-tu la nuit ce que tu vois le jour ? Pour l'observateur attentif tout a une portée, et c'est ainsi qu'il trouve à chaque pas la confirmation des grandes vérités enseignées par les Esprits.

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Visions

On lit dans le Courrier de Lyon :

" Dans la nuit du 27 au 28 août 1857, un cas singulier de vision intuitive s'est produit à la Croix-Rousse, dans les circonstances suivantes :

Il y a trois mois environ, les époux B..., honnêtes ouvriers tisseurs, mus par un sentiment de louable commisération, recueillaient chez eux, en qualité de domestique, une jeune fille un peu idiote et qui habite les environs de Bourgoing.

Dimanche dernier, entre deux et trois heures du matin, les époux B... furent réveillés en sursaut par les cris perçants poussés par leur domestique, qui couchait sur une soupente contiguë à leur chambre.

Madame B..., allumant une lampe, monta sur la soupente et trouva sa domestique qui, fondant en larmes, et dans un état d'exaltation d'esprit difficile à décrire, appelait, en se tordant les bras dans d'affreuses convulsions, sa mère qu'elle venait de voir mourir, disait-elle, devant ses yeux.

Après avoir de son mieux consolé la jeune fille, Madame B... regagna sa chambre. Cet incident était presque oublié, lorsque hier mardi, dans l'après-midi, un facteur de la poste remit à M. B... une lettre du tuteur de la jeune fille, qui apprenait à cette dernière que, dans la nuit de dimanche à lundi, entre deux et trois heures du matin, sa mère était morte des suites d'une chute qu'elle avait faite en tombant du haut d'une échelle.

La pauvre idiote est partie hier matin même pour Bourgoing, accompagnée de M. B..., son patron, pour y recueillir la part de succession qui lui revient dans l'héritage de sa mère, dont elle avait si tristement vu en songe la fin déplorable. "


Les faits de cette nature ne sont pas rares, et nous aurons souvent occasion d'en rapporter, dont l'authenticité ne saurait être contestée. Ils se produisent quelquefois pendant le sommeil, dans l'état de rêve ; or, comme les rêves ne sont autre chose qu'un état de somnambulisme naturel incomplet, nous désignerons les visions qui ont lieu dans cet état sous le nom de visions somnambuliques, pour les distinguer de celles qui ont lieu à l'état de veille et que nous appellerons visions par double vue. Nous appellerons enfin visions extatiques celles qui ont lieu dans l'extase ; elles ont généralement pour objet les êtres et les choses du monde incorporel. Le fait suivant appartient à la seconde catégorie.

Un armateur de notre connaissance, habitant Paris, nous racontait il y a peu de jours ce qui suit : " Au mois d'avril dernier, étant un peu souffrant, je fus me promener aux Tuileries avec mon associé. Il faisait un temps superbe ; le jardin était rempli de monde. Tout à coup la foule disparaît à mes yeux ; je ne sens plus mon corps, je suis comme transporté, et je vois distinctement un navire entrant dans le port du Havre. Je le reconnais pour la Clémence, que nous attendions des Antilles ; je le vis s'amarrer au quai, distinguant clairement les mâts, les voiles, les matelots et tous les plus minutieux détails, comme si j'étais sur les lieux. Je dis alors à mon compagnon : " Voilà la Clémence qui arrive ; nous en recevrons la nouvelle aujourd'hui même ; sa traversée a été heureuse. " Rentré chez moi, on me remit une dépêche télégraphique. Avant d'en prendre connaissance, je dis : " C'est l'annonce de l'arrivée de la Clémence, qui est rentrée au Havre à trois heures. " La dépêche confirmait, en effet, cette entrée à l'heure même où je l'avais vue aux Tuileries. "

Lorsque les visions ont pour objet les êtres du monde incorporel, on pourrait, avec quelque apparence de raison, les mettre sur le compte de l'imagination, et les qualifier d'hallucinations, parce que rien ne peut en démontrer l'exactitude ; mais dans les deux faits que nous venons de rapporter, c'est la réalité la plus matérielle et la plus positive qui est apparue. Nous défions tous les physiologistes et tous les philosophes de nous les expliquer par les systèmes ordinaires. La doctrine spirite peut seule en rendre compte par le phénomène de l'émancipation de l'âme, qui, s'échappant momentanément de ses langes matériels, se transporte hors de la sphère d'activité corporelle. Dans le premier fait ci-dessus, il est probable que l'âme de la mère est venue trouver sa fille pour l'avertir de sa mort ; mais, dans le second, il est certain que ce n'est pas le navire qui est venu trouver l'armateur aux Tuileries ; il faut donc que ce soit l'âme de celui-ci qui soit allée le trouver au Havre.

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Le revenant de mademoiselle Clairon

Cette histoire fit beaucoup de bruit dans le temps, et par la position de l'héroïne, et par le grand nombre de personnes qui en furent témoins. Malgré sa singularité, elle serait probablement oubliée, si mademoiselle Clairon ne l'eût consignée dans ses Mémoires, d'où nous extrayons le récit que nous allons en faire. L'analogie qu'elle présente avec quelques-uns des faits qui se passent de nos jours lui donne une place naturelle dans ce Recueil.

Mademoiselle Clairon, comme on le sait, était aussi remarquable par sa beauté que par son talent comme cantatrice et tragédienne ; elle avait inspiré à un jeune Breton, M. de S..., une de ces passions qui décident souvent de la vie, lorsqu'on n'a pas assez de force de caractère pour en triompher. Mademoiselle Clairon n'y répondit que par de l'amitié ; toutefois les assiduités de M. de S... lui devinrent tellement importunes qu'elle résolut de rompre tout rapport avec lui. Le chagrin qu'il en ressentit lui causa une longue maladie dont il mourut. La chose se passait en 1743. Laissons parler mademoiselle Clairon.

" Deux ans et demi s'étaient écoulés entre notre connaissance et sa mort. Il me fit prier d'accorder, à ses derniers moments, la douceur de me voir encore ; mes entours m'empêchèrent de faire cette démarche. Il mourut, n'ayant auprès de lui que ses domestiques et une vieille dame, seule société qu'il eût depuis longtemps. Il logeait alors sur le Rempart, près la Chaussée d'Antin, où l'on commençait à bâtir ; moi, rue de Bussy, près la rue de Seine et l'abbaye Saint-Germain. J'avais ma mère, et plusieurs amis venaient souper avec moi... Je venais de chanter de fort jolies moutonnades, dont mes amis étaient dans le ravissement, lorsque au coup de onze heures succéda le cri le plus aigu. Sa sombre modulation et sa longueur étonnèrent tout le monde ; je me sentis défaillir, et je fus près d'un quart d'heure sans connaissance...

Tous mes gens, mes amis, mes voisins, la police même, ont entendu ce même cri, toujours à la même heure, toujours partant sous mes fenêtres, et ne paraissant sortir que du vague de l'air... Je soupais rarement en ville, mais les jours où j'y soupais, l'on n'entendait rien, et plusieurs fois, demandant de ses nouvelles à ma mère, à mes gens, lorsque je rentrais dans ma chambre, il partait au milieu de nous. Une fois, le président de B..., chez lequel j'avais soupé, voulut me reconduire pour s'assurer qu'il ne m'était rien arrivé en chemin. Comme il me souhaitait le bonsoir à ma porte, le cri partit entre lui et moi. Ainsi que tout Paris, il savait cette histoire : cependant on le remit dans son carrosse plus mort que vivant.

Une autre fois je priai mon camarade Rosely de m'accompagner rue Saint-Honoré pour choisir des étoffes. L'unique sujet de notre entretien fut mon revenant (c'est ainsi qu'on l'appelait). Ce jeune homme, plein d'esprit, ne croyant à rien, était cependant frappé de mon aventure ; il me pressait d'évoquer le fantôme, en me promettant d'y croire s'il me répondait. Soit par faiblesse, soit par audace, je fis ce qu'il me demandait : le cri partit à trois reprises, terribles par leur éclat et leur rapidité. A notre retour, il fallut le secours de toute la maison pour nous tirer du carrosse où nous étions sans connaissance l'un et l'autre. Après cette scène je restai quelques mois sans rien entendre. Je me croyais à jamais quitte, je me trompais.

Tous les spectacles avaient été mandés à Versailles pour le mariage du Dauphin. On m'avait arrangé, dans l'avenue de Saint-Cloud, une chambre que j'occupais avec madame Grandval. A trois heures du matin, je lui dis : Nous sommes au bout du monde ; le cri serait bien embarrassé d'avoir à nous chercher ici... Il partit ! Madame Grandval crut que l'enfer entier était dans la chambre ; elle courut en chemise du haut en bas de la maison, où personne ne put fermer l'oeil de la nuit ; mais ce fut au moins la dernière fois qu'il se fit entendre.

Sept ou huit jours après, causant avec ma société ordinaire, la cloche de onze heures fut suivie d'un coup de fusil tiré dans une de mes fenêtres. Tous nous entendimes le coup ; tous nous vîmes le feu ; la fenêtre n'avait aucune espèce de dommage. Nous conclûmes tous qu'on en voulait à ma vie, qu'on m'avait manquée, et qu'il fallait prendre des précautions pour l'avenir. M. de Marville, alors lieutenant de police, fit visiter les maisons vis-à-vis la mienne ; la rue fut remplie de tous les espions possibles ; mais, quelques soins que l'on prit, ce coup, pendant trois mois entiers, fut entendu, vu, frappant toujours à la même heure, dans le même carreau de vitre, sans que personne ait jamais pu voir de quel endroit il partait. Ce fait a été constaté sur les registres de la police.

Accoutumée à mon revenant, que je trouvais assez bon diable, puisqu'il s'en tenait à des tours de passe-passe, ne prenant pas garde à l'heure qu'il était, ayant fort chaud, j'ouvris la fenêtre consacrée, et l'intendant et moi nous appuyâmes sur le balcon. Onze heures sonnent, le coup part, et nous jette tous les deux au milieu de la chambre, où nous tombons comme morts. Revenus à nous-mêmes, sentant que nous n'avions rien, nous regardant, nous avouant que nous avions reçu, lui sur la joue gauche, moi sur la joue droite, le plus terrible soufflet qui se soit jamais appliqué, nous nous mîmes à rire comme deux fous.

Le surlendemain, priée par mademoiselle Dumesnil d'être d'une petite fête nocturne qu'elle donnait à sa maison de la barrière Blanche, je montai en fiacre à onze heures avec ma femme de chambre. Il faisait le plus beau clair de lune, et l'on nous conduisit par les boulevards qui commençaient à se garnir de maisons. Ma femme de chambre me dit : N'est-ce pas ici qu'est mort M. de S...? - D'après les renseignements qu'on m'a donnés, ce doit être, lui dis-je, en les désignant avec mon doigt, dans l'une des deux maisons que voilà devant nous. D'une des deux partit ce même coup de fusil qui me poursuivait : il traversa notre voiture ; le cocher doubla son train, se croyant attaqué par des voleurs. Nous, nous arrivâmes au rendez-vous, ayant à peine repris nos sens, et, pour ma part, pénétrée d'une terreur que j'ai gardée longtemps, je l'avoue ; mais cet exploit fut le dernier des armes à feu.

A leur explosion succéda un claquement de mains, ayant une certaine mesure et des redoublements. Ce bruit, auquel les bontés du public m'avaient accoutumée, ne me laissa faire aucune remarque pendant longtemps ; mes amis en firent pour moi. Nous avons guetté, me dirent-ils ; c'est à onze heures, presque sous votre porte, qu'il se fait ; nous l'entendons, nous ne voyons personne ; ce ne peut être qu'une suite de ce que vous avez éprouvé. Comme ce bruit n'avait rien de terrible, je ne conservai point la date de sa durée. Je ne fis pas plus d'attention aux sons mélodieux qui se firent entendre après ; il semblait qu'une voix céleste donnait le canevas de l'air noble et touchant qu'elle allait chanter ; cette voix commençait au carrefour de Bussy et finissait à ma porte ; et, comme il en avait été de tous les sons précédents, on entendait et l'on ne voyait rien. Enfin, tout cessa après un peu plus de deux ans et demi."


A quelque temps de là, mademoiselle Clairon apprit de la dame âgée qui était restée l'amie dévouée de M. de S..., le récit de ses derniers moments.

" Il comptait, lui dit-elle, toutes les minutes, lorsqu'à dix heures et demie son laquais vint lui dire que, décidément, vous ne viendriez pas. Après un moment de silence, il me prit la main avec un redoublement de désespoir qui m'effraya. La barbare !... elle n'y gagnera rien ; je la poursuivrai autant après ma mort que je l'ai poursuivie pendant ma vie !... Je voulus tâcher de le calmer ; il n'était plus. "

Dans l'édition que nous avons sous les yeux, ce récit est précédé de la note suivante sans signature :

" Voici une anecdote bien singulière dont on a porté et dont on portera sans doute bien des jugements différents. On aime le merveilleux, même sans y croire : mademoiselle Clairon paraît convaincue de la réalité des faits qu'elle raconte. Nous nous contenterons de remarquer que dans le temps où elle fut, ou se crut tourmentée par son revenant, elle avait de vingt-deux ans et demi à vingt-cinq ans ; que c'est l'âge de l'imagination, et que cette faculté était continuellement exercée et exaltée en elle par le genre de vie qu'elle menait au théâtre et hors du théâtre. On peut se rappeler encore qu'elle a dit, au commencement de ses Mémoires, que, dans son enfance, on ne l'entretenait que d'aventures de revenants et de sorciers, qu'on lui disait être des histoires véritables. "

Ne connaissant le fait que par le récit de mademoiselle Clairon, nous ne pouvons en juger que par induction ; or, voici notre raisonnement. Cet événement décrit dans ses plus minutieux détails par mademoiselle Clairon elle-même, a plus d'authenticité que s'il eût été rapporté par un tiers. Ajoutons que lorsqu'elle a écrit la lettre dans laquelle il se trouve relaté, elle avait environ soixante ans et passé l'âge de la crédulité dont parle l'auteur de la note. Cet auteur ne révoque pas en doute la bonne foi de mademoiselle Clairon sur son aventure, seulement il pense qu'elle a pu être le jouet d'une illusion. Qu'elle l'ait été une fois, cela n'aurait rien d'étonnant, mais qu'elle l'ait été pendant deux ans et demi, cela nous paraît plus difficile ; il nous paraît plus difficile encore de supposer que cette illusion ait été partagée par tant de personnes, témoins oculaires et auriculaires des faits, et par la police elle-même. Pour nous, qui connaissons ce qui peut se passer dans les manifestations spirites, l'aventure n'a rien qui puisse nous surprendre, et nous la tenons pour probable. Dans cette hypothèse, nous n'hésitons pas à penser que l'auteur de tous ces mauvais tours n'était autre que l'âme ou l'esprit de M. de S..., si nous remarquons surtout la coïncidence de ses dernières paroles avec la durée des phénomènes. Il avait dit : Je la poursuivrai autant après ma mort que pendant ma vie. Or, ses rapports avec mademoiselle Clairon avaient duré deux ans et demi, juste autant de temps que les manifestations qui suivirent sa mort.

Quelques mots encore sur la nature de cet Esprit. Il n'était pas méchant, et c'est avec raison que mademoiselle Clairon le qualifie d'assez bon diable ; mais on ne peut pas dire non plus qu'il fût la bonté même. La passion violente à laquelle il a succombé, comme homme, prouve que chez lui les idées terrestres étaient dominantes. Les traces profondes de cette passion, qui survit à la destruction du corps, prouvent que, comme Esprit, il était encore sous l'influence de la matière. Sa vengeance, tout inoffensive qu'elle était, dénote des sentiments peu élevés. Si donc on veut bien se reporter à notre tableau de la classification des Esprits, il ne sera pas difficile de lui assigner son rang ; l'absence de méchanceté réelle l'écarte naturellement de la dernière classe, celle des Esprits impurs ; mais il tenait évidemment des autres classes du même ordre ; rien chez lui ne pourrait justifier un rang supérieur.

Une chose digne de remarque, c'est la succession des différents modes par lesquels il a manifesté sa présence. C'est le jour même et au moment de sa mort qu'il se fait entendre pour la première fois, et cela au milieu d'un joyeux souper. De son vivant, il voyait mademoiselle Clairon par la pensée, entourée de l'auréole que prête l'imagination à l'objet d'une passion ardente ; mais une fois l'âme débarrassée de son voile matériel, l'illusion fait place à la réalité. Il est là, à ses côtés, il la voit entourée d'amis, tout devait exciter sa jalousie ; elle semble, par sa gaîté et par ses chants, insulter à son désespoir, et son désespoir se traduit par un cri de rage qu'il répète chaque jour à la même heure, comme pour lui reprocher son refus d'avoir été le consoler à ses derniers moments. Aux cris succèdent des coups de fusil, inoffensifs, il est vrai, mais qui n'en dénotent pas moins une rage impuissante et l'envie de troubler son repos. Plus tard, son désespoir prend un caractère plus calme ; revenu sans doute à des idées plus saines, il semble avoir pris son parti ; il lui reste le souvenir des applaudissements dont elle était l'objet, et il les répète. Plus tard enfin, il lui dit adieu en faisant entendre des sons qui semblaient comme l'écho de cette voix mélodieuse qui l'avait tant charmé de son vivant.

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Mlle CLARY D... - EVOCATION.

Nota. Mademoiselle Clary D..., intéressante enfant, morte en 1850, à l'âge de 13 ans, est depuis lors restée comme le génie de sa famille, où elle est fréquemment évoquée, et à laquelle elle a fait un grand nombre de communications du plus haut intérêt. L'entretien que nous rapportons ci-après a eu lieu entre elle et nous le 12 janvier 1857, par l'intermédiaire de son frère médium.

1. D. Avez-vous un souvenir précis de votre existence corporelle ?

- R. L'Esprit voit le présent, le passé et un peu de l'avenir selon sa perfection et son rapprochement de Dieu.

2. D. Cette condition de la perfection est-elle seulement relative à l'avenir, ou se rapporte-t-elle également au présent et au passé ?

- R. L'Esprit voit l'avenir plus clairement à mesure qu'il se rapproche de Dieu. Après la mort, l'âme voit et embrasse d'un coup d'oeil toutes ses émigrations passées, mais elle ne peut voir ce que Dieu lui prépare ; il faut pour cela qu'elle soit tout entière en Dieu après bien des existences.

3. D. Savez-vous à quelle époque vous serez réincarnée ?

- R. Dans 10 ans ou 100 ans.

4. D. Sera-ce sur cette terre, ou dans un autre monde ?

- R. Un autre monde.

5. D. Le monde où vous serez est-il, par rapport à la terre, dans des conditions meilleures, égales ou inférieures ?

- R. Beaucoup mieux que sur terre ; on y est heureux.

6. D. Puisque vous êtes ici parmi nous, y êtes-vous à une place déterminée et en quel endroit ?

- R. J'y suis en apparence éthéréenne ; je puis dire que mon Esprit proprement dit s'étend beaucoup plus loin ; je vois beaucoup de choses, et je me transporte bien loin d'ici avec la vitesse de la pensée ; mon apparence est à droite de mon frère et guide son bras.

7. D. Ce corps éthéréen dont vous êtes revêtue, vous permet-il d'éprouver des sensations physiques, comme par exemple celle du chaud ou du froid ?

- R. Quand je me souviens trop de mon corps, j'éprouve une sorte d'impression comme lorsqu'on quitte un manteau et que l'on croit encore le porter quelque temps après.

8. D. Vous venez de dire que vous pouvez vous transporter avec la rapidité de la pensée ; la pensée n'est-elle pas l'âme elle-même qui se dégage de son enveloppe ?

- R. Oui.

9. D. Lorsque votre pensée se porte quelque part, comment se fait la séparation de votre âme ?

- R. L'apparence s'évanouit ; la pensée marche seule.

10. D. C'est donc une faculté qui se détache ; l'être restant où il est ?

- R. La forme n'est pas l'être.

11. D. Mais comment cette pensée agit-elle ? N'agit-elle pas toujours par l'intermédiaire de la matière ?

- R. Non.

12. D. Lorsque votre faculté de penser se détache, vous n'agissez donc plus par l'intermédiaire de la matière ?

- R. L'ombre s'évanouit ; elle se reproduit où la pensée la guide.

13. D. Puisque vous n'aviez que 13 ans quand votre corps est mort, comment se fait-il que vous puissiez nous donner, sur des questions abstraites, des réponses qui sont hors de la portée d'un enfant de votre âge ?

- R. Mon âme est si ancienne !

14. D. Pouvez-vous nous citer, parmi vos existences antérieures, une de celles qui ont le plus élevé vos connaissances ?

- R. J'ai été dans le corps d'un homme que j'avais rendu vertueux ; après sa mort je suis allée dans le corps d'une jeune fille dont le visage était l'empreinte de l'âme ; Dieu me récompense.

15. D. Pourrait-il nous être donné de vous voir ici telle que vous êtes actuellement ?

- R. Vous le pourriez.

16. D. Comment le pourrions-nous ? Cela dépend-il de nous, de vous ou de personnes plus intimes ?

- R. De vous.

17. D. Quelles conditions devrions-nous remplir pour cela ?

- R. Vous recueillir quelque temps, avec foi et ferveur ; être moins nombreux, vous isoler un peu, et faire venir un médium dans le genre de Home.

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L'Assassin Lemaire

Condamné par la Cour d'assises de l'Aisne à la peine de mort et exécuté le 31 décembre 1857, évoqué le 29 janvier 1858.

1. Je prie Dieu tout-puissant de permettre à l'assassin Lemaire, exécuté le 31 décembre 1857, de venir parmi nous.

- Rép. Je suis là.

2. Comment se fait-il que tu sois venu si promptement à notre appel ?

- Rép. Rachel l'a dit .

3. Quel sentiment éprouves-tu à notre vue ?

- Rép. La honte.

4. Comment une jeune fille, douce comme un agneau, peut-elle servir d'intermédiaire à un être sanguinaire comme toi ?

- Rép. Dieu l'a permis.

5. As-tu conservé toute ta connaissance jusqu'au dernier moment ?

- Rép. Oui.

6. Et immédiatement après ton exécution, as-tu eu la conscience de ta nouvelle existence ?

- Rép. J'étais plongé dans un trouble immense dont je ne suis pas encore sorti. J'ai senti une immense douleur ; il m'a semblé que mon coeur la souffrait. J'ai vu je ne sais quoi rouler au pied de l'échafaud ; j'ai vu du sang couler, et ma douleur n'en est devenue que plus poignante.

7. Etait-ce une douleur purement physique, analogue à celle qui serait causée par une grave blessure : par l'amputation d'un membre, par exemple ?

- Rép. Non ; figure-toi un remords, une grande douleur morale.

8. Quand as-tu commencé à ressentir cette douleur ?

- Rép. Dès que j'ai été libre.

9. La douleur physique causée par le supplice était-elle ressentie par le corps ou par l'Esprit ?

- Rép. La douleur morale était dans mon esprit ; le corps a ressenti la douleur physique ; mais l'Esprit séparé s'en ressentait encore.

10. As-tu vu ton corps mutilé ?

- Rép. J'ai vu je ne sais quoi d'informe qu'il me semblait n'avoir pas quitté ; cependant je me sentais encore entier : j'étais moi-même.

11. Quelle impression cette vue a-t-elle faite sur toi ?

- Rép. Je sentais trop ma douleur ; j'étais perdu en elle.

12. Est-il vrai que le corps vive encore quelques instants après la décapitation, et que le supplicié ait la conscience de ses idées ?

- Rép. L'Esprit se retire peu à peu ; plus les liens de la matière l'enlacent, moins la séparation est prompte.

13. Combien de temps cela dure-t-il ?

- Rép. Plus ou moins. (Voir la réponse précédente.)

14. On dit avoir remarqué sur la figure de certains suppliciés l'expression de la colère, et des mouvements comme s'ils voulaient parler ; est-ce l'effet d'une contraction nerveuse, ou bien la volonté y avait-elle part ?

- Rép. La volonté ; car l'Esprit ne s'en était pas encore retiré.

15. Quel est le premier sentiment que tu as éprouvé en entrant dans ta nouvelle existence ?

- Rép. Une intolérable souffrance ; une sorte de remords poignant dont j'ignorais la cause.

16. T'es-tu trouvé réuni à tes complices exécutés en même temps que toi ?

- Rép. Pour notre malheur ; notre vue est un supplice continuel ; chacun de nous reproche à l'autre son crime.

17. Rencontres-tu tes victimes ?

- Rép. Je les vois... elles sont heureuses... leur regard me poursuit... je le sens qui plonge jusqu'au fond de mon être... en vain je veux le fuir.

18. Quel sentiment éprouves-tu à leur vue ?

- Rép. La honte et le remords. Je les ai élevées de mes propres mains, et je les hais encore.

19. Quel sentiment éprouvent-elles à ta vue ?

- Rép. La pitié !

20. Ont-elles de la haine et le désir de la vengeance ?

- Rép. Non ; leurs voeux appellent pour moi l'expiation. Vous ne sauriez sentir quel horrible supplice de tout devoir à qui l'on hait.

21. Regrettes-tu la vie terrestre ?

- Rép. Je ne regrette que mes crimes ; si l'événement était encore dans mes mains, je ne succomberais plus.

22. Comment as-tu été conduit à la vie criminelle que tu as menée ?

- Rép. Ecoute ! Je me suis cru fort ; j'ai choisi une rude épreuve ; j'ai cédé aux tentations du mal.

23. Le penchant au crime était-il dans ta nature, ou bien as-tu été entraîné par le milieu dans lequel tu as vécu ?

- Rép. Le penchant au crime était dans ma nature, car je n'étais qu'un Esprit inférieur. J'ai voulu m'élever promptement, mais j'ai demandé plus que mes forces.

24. Si tu avais reçu de bons principes d'éducation, aurais-tu pu être détourné de la vie criminelle ?

- Rép. Oui ; mais j'ai choisi la position où je suis né.

25. Aurais-tu pu faire un homme de bien ?

- Rép. Un homme faible, incapable du bien comme du mal. Je pouvais paralyser le mal de ma nature pendant mon existence, mais je ne pouvais m'élever jusqu'à faire le bien.

26. De ton vivant croyais-tu en Dieu ?

- Rép. Non.

27. On dit qu'au moment de mourir tu t'es repenti ; est-ce vrai ?

- Rép. J'ai cru à un Dieu vengeur... j'ai eu peur de sa justice.

28. En ce moment ton repentir est-il plus sincère ?

- Rép. Hélas ! je vois ce que j'ai fait.

29. Que penses-tu de Dieu maintenant ?

- Rép. Je le sens et ne le comprends pas.

30. Trouves-tu juste le châtiment qui t'a été infligé sur la terre ?

- Rép. Oui.

31. Espères-tu obtenir le pardon de tes crimes ?

- Rép. Je ne sais.

32. Comment espères-tu racheter tes crimes ?

- Rép. Par de nouvelles épreuves ; mais il me semble que l'Eternité est entre elles et moi.

33. Ces épreuves s'accompliront-elles sur la terre ou dans un autre monde ?

- Rép. Je ne sais pas.

34. Comment pourras-tu expier tes fautes passées dans une nouvelle existence si tu n'en as pas le souvenir ?

- Rép. J'en aurai la prescience.

35. Où es-tu maintenant ?

- Rép. Je suis dans ma souffrance.

36. Je demande dans quel lieu tu es ?

- Rép. Près d'Ermance.

37. Es-tu réincarné ou errant ?

- Rép. Errant ; si j'étais réincarné, j'aurais l'espoir. J'ai dit : l'Eternité me semble entre l'expiation et moi.

38. Puisque tu es ici, si nous pouvions te voir, sous quelle forme nous apparaîtrais-tu ?

- Rép. Sous ma forme corporelle, ma tête séparée du tronc.

39. Pourrais-tu nous apparaître ?

- Rép. Non ; laissez-moi.

40. Voudrais-tu nous dire comment tu t'es évadé de la prison de Montdidier ?

- Rép. Je ne sais plus... Ma souffrance est si grande que je n'ai plus que le souvenir du crime... Laissez-moi.

41. Pourrions-nous apporter quelque soulagement à tes souffrances ?

- Rép. Faites des voeux pour que l'expiation arrive.

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La reine d'Oude.



Nota. - Dans ces entretiens, nous supprimerons dorénavant la formule d'évocation, qui est toujours la même, à moins qu'elle ne présente, par la réponse, quelque particularité.

1. Quelle sensation avez-vous éprouvée en quittant la vie terrestre ?

- Rép. Je ne saurais le dire ; j'éprouve encore du trouble.

2. Etes-vous heureuse ?

- Rép. Non.

3. Pourquoi n'êtes-vous pas heureuse ?

- Rép. Je regrette la vie... je ne sais... j'éprouve une poignante douleur ; la vie m'en aurait délivrée... je voudrais que mon corps se levât de son sépulcre.

4. Regrettez-vous de n'avoir pas été ensevelie dans votre pays et de l'être parmi des chrétiens ?

- Rép. Oui ; la terre indienne pèserait moins sur mon corps.

5. Que pensez-vous des honneurs funèbres rendus à votre dépouille ?

- Rép. Ils ont été bien peu de chose ; j'étais reine, et tous n'ont pas ployé les genoux devant moi... Laissez-moi... On me force à parler... Je ne veux pas que vous sachiez ce que je suis maintenant... J'ai été reine, sachez-le bien.

6. Nous respectons votre rang, et nous vous prions de nous répondre pour notre instruction.

Pensez-vous que votre fils recouvrera un jour les Etats de son père ?


- Rép. Certes mon sang régnera ; il en est digne.

7. Attachez-vous à la réintégration de votre fils sur le trône d'Oude la même importance que de votre vivant ?

- Rép. Mon sang ne peut être confondu dans la foule.

8. Quelle est votre opinion actuelle sur la véritable cause de la révolte des Indes ?

- Rép. L'Indien est fait pour être maître chez lui.

9. Que pensez-vous de l'avenir qui est réservé à ce pays ?

- Rép. L'Inde sera grande parmi les nations.

10. On n'a pu inscrire sur votre acte de décès le lieu de votre naissance ; pourriez-vous le dire maintenant ?

- Rép. Je suis née du plus noble sang de l'Inde. Je crois que je suis née à Delhy.

11. Vous qui avez vécu dans les splendeurs du luxe et qui avez été entourée d'honneurs, qu'en pensez-vous maintenant ?

- Rép. Ils m'étaient dus.

12. Le rang que vous avez occupé sur la terre vous en donne-t-il un plus élevé dans le monde où vous êtes aujourd'hui ?

- Rép. Je suis toujours reine... Qu'on m'envoie des esclaves pour me servir !... Je ne sais ; on ne semble pas se soucier de moi ici... Pourtant, je suis toujours moi.

13. Apparteniez-vous à la religion musulmane, ou à une religion hindoue ?

- Rép. Musulmane ; mais j'étais trop grande pour m'occuper de Dieu.

14. Quelle différence faites-vous entre la religion que vous professiez et la religion chrétienne, pour le bonheur à venir de l'homme ?

- Rép. La religion chrétienne est absurde ; elle dit que tous sont frères.

15. Quelle est votre opinion sur Mahomet ?

- Rép. Il n'était pas fils de roi.

16. Avait-il une mission divine ?

- Rép. Que m'importe cela !

17. Quelle est votre opinion sur le Christ ?

- Rép. Le fils du charpentier n'est pas digne d'occuper ma pensée.

18. Que pensez-vous de l'usage, qui soustrait les femmes musulmanes aux regards des hommes ?

- Rép. Je pense que les femmes sont faites pour dominer : moi, j'étais femme.

19. Avez-vous quelquefois envié la liberté dont jouissent les femmes en Europe ?

- Rép. Non ; que m'importait leur liberté ! les sert-on à genoux ?

20. Quelle est votre opinion sur la condition de la femme en général dans l'espèce humaine ?

- Rép. Que m'importent les femmes ! Si tu me parlais des reines !

21. Vous rappelez-vous avoir eu d'autres existences sur la terre avant celle que vous venez de quitter ?

- Rép. J'ai dû toujours être reine.

22. Pourquoi êtes-vous venue si promptement à notre appel ?

- Rép. Je ne l'ai pas voulu ; on m'y a forcée... Penses-tu donc que j'eusse daigné répondre ? Qu'êtes-vous donc près de moi ?

23. Qui vous a forcée à venir ?

- Rép. Je ne le sais pas... Cependant, il ne doit pas y en avoir de plus grand que moi.

24. Dans quel endroit êtes-vous ici ?

- Rép. Près d'Ermance.

25. Sous quelle forme y êtes-vous ?

- Rép. Je suis toujours reine... Penses-tu donc que j'aie cessé de l'être ? Vous êtes peu respectueux... Sachez que l'on parle autrement à des reines.

26. Pourquoi ne pouvons-nous pas vous voir ?

- Rép. Je ne le veux pas.

27. Si nous pouvions nous voir, est-ce que nous vous verrions avec vos vêtements, vos parures et vos bijoux ?

- Rép. Certes !

28. Comment se fait-il qu'ayant quitté tout cela, votre Esprit en ait conservé l'apparence, surtout de vos parures ?

- Rép. Elles ne m'ont pas quittée... Je suis toujours aussi belle que j'étais... Je ne sais quelle idée vous vous faites de moi ! Il est vrai que vous ne m'avez jamais vue.

29. Quelle impression éprouvez-vous de vous trouver au milieu de nous ?

- Rép. Si je le pouvais, je n'y serais pas : vous me traitez avec si peu de respect ! Je ne veux pas que l'on me tutoie... Nommez-moi Majesté, ou je ne réponds plus.

30. Votre Majesté comprenait-elle la langue française ?

- Rép. Pourquoi ne l'aurais-je pas comprise ? Je savais tout.

31. Votre Majesté voudrait-elle nous répondre en anglais ?

- Rép. Non... Ne me laisserez-vous donc pas tranquille ?... Je veux m'en aller... Laissez-moi... Me pensez-vous soumise à vos caprices ?... Je suis reine et ne suis pas esclave.

32. Nous vous prions seulement de vouloir bien répondre encore à deux ou trois questions.

Réponse de saint Louis, qui était présent : Laissez-la, la pauvre égarée ; ayez pitié de son aveuglement. Qu'elle vous serve d'exemple ! Vous ne savez pas combien souffre son orgueil.

Remarque.

Cet entretien offre plus d'un enseignement. En évoquant cette grandeur déchue, maintenant dans la tombe, nous n'espérions pas des réponses d'une grande profondeur, vu le genre d'éducation des femmes de ce pays ; mais nous pensions trouver en cet Esprit, sinon de la philosophie, du moins un sentiment plus vrai de la réalité, et des idées plus saines sur les vanités et les grandeurs d'ici-bas. Loin de là : chez lui les idées terrestres ont conservé toute leur force ; c'est l'orgueil qui n'a rien perdu de ses illusions, qui lutte contre sa propre faiblesse, et qui doit en effet bien souffrir de son impuissance. Dans la prévision de réponses d'une tout autre nature, nous avions préparé diverses questions qui sont devenues sans objet. Ces réponses sont si différentes de celles que nous attendions, ainsi que les personnes présentes, qu'on ne saurait y voir l'influence d'une pensée étrangère. Elles ont en outre un cachet de personnalité si caractérisé, qu'elles accusent clairement l'identité de l'Esprit qui s'est manifesté.

On pourrait s'étonner avec raison de voir Lemaire, homme dégradé et souillé de tous les crimes, manifester par son langage d'outre-tombe des sentiments qui dénotent une certaine élévation et une appréciation assez exacte de sa situation, tandis que chez la reine d'Oude, dont le rang qu'elle occupait aurait dû développer le sens moral, les idées terrestres n'ont subi aucune modification. La cause de cette anomalie nous paraît facile à expliquer. Lemaire, tout dégradé qu'il était, vivait au milieu d'une société civilisée et éclairée qui avait réagi sur sa nature grossière ; il avait absorbé à son insu quelques rayons de la lumière qui l'entourait, et cette lumière a dû faire naître en lui des pensées étouffées par son abjection, mais dont le germe n'en subsistait pas moins. Il en est tout autrement de la reine d'Oude : le milieu où elle a vécu, les habitudes, le défaut absolu de culture intellectuelle, tout a dû contribuer à maintenir dans toute leur force les idées dont elle était imbue dès l'enfance ; rien n'est venu modifier cette nature primitive, sur laquelle les préjugés ont conservé tout leur empire.

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Le Docteur Xavier - Sur diverses questions Psycho-Physiologiques.

Un médecin de grand talent, que nous désignerons sous le nom de Xavier, mort il y a quelques mois, et qui s'était beaucoup occupé de magnétisme, avait laissé un manuscrit destiné, pensait-il, à faire une révolution dans la science. Avant de mourir il avait lu le Livre des Esprits et désiré se mettre en rapport avec l'auteur. La maladie à laquelle il a succombé ne lui en a pas laissé le temps. Son évocation a eu lieu sur la demande de sa famille, et les réponses, éminemment instructives, qu'elle renferme nous ont engagé à en insérer un extrait dans notre recueil, en supprimant tout ce qui est d'un intérêt privé.

1. Vous rappelez-vous le manuscrit que vous avez laissé ?

- Rép. J'y attache peu d'importance.

2. Quelle est votre opinion actuelle sur ce manuscrit ?

- Rép. Vaine oeuvre d'un être qui s'ignorait lui-même.

3. Vous pensiez cependant que cet ouvrage pourrait faire une révolution dans la science ?

- Rép. Je vois trop clair maintenant.

4. Pourriez-vous, comme Esprit, corriger et achever ce manuscrit ?

- Rép. Je suis parti d'un point que je connaissais mal ; peut-être faudrait-il tout refaire.

5. Etes-vous heureux ou malheureux ?

- Rép. J'attends et je souffre.

6. Qu'attendez-vous ?

- Rép. De nouvelles épreuves.

7. Quelle est la cause de vos souffrances ?

- Rép. Le mal que j'ai fait.

8. Vous n'avez cependant pas fait de mal avec intention ?

- Rép. Connais-tu bien le coeur de l'homme ?

9. Etes-vous errant ou incarné ?

- Rép. Errant.

10. Quel était, de votre vivant, votre opinion sur la Divinité ?

- Rép. Je n'y croyais pas.

11. Quelle est-elle maintenant ?

- Rép. Je n'y crois que trop.

12. Vous aviez le désir de vous mettre en rapport avec moi ; vous le rappelez-vous ?

- Rép. Oui.

13. Me voyez-vous et me reconnaissez-vous pour la personne avec qui vous vouliez entrer en relation ?

- Rép. Oui.

14. Quelle impression le Livre des Esprits a-t-il faite sur vous ?

- Rép. Il m'a bouleversé.

15. Qu'en pensez-vous maintenant ?

- Rép. C'est une grande oeuvre.

16. Que pensez-vous de l'avenir de la doctrine spirite ?

- Rép. Il est grand, mais certains disciples la gâtent.

17. Quels sont ceux qui la gâtent ?

- Rép. Ceux qui attaquent ce qui existe : les religions, les premières et les plus simples croyances des hommes.

18. Comme médecin, et en raison des études que vous avez faites, vous pourrez sans doute répondre aux questions suivantes :

Le corps peut-il conserver quelques instants la vie organique après la séparation de l'âme ?


- Rép. Oui.

19. Combien de temps ?

- Rép. Il n'y a pas de temps.

20. Précisez votre réponse, je vous prie.

- Rép. Cela ne dure que quelques instants.

21. Comment s'opère la séparation de l'âme du corps ?

- Rép. Comme un fluide qui s'échappe d'un vase quelconque.

22. Y a-t-il une ligne de démarcation réellement tranchée entre la vie et la mort ?

- Rép. Ces deux états se touchent et se confondent ; ainsi l'Esprit se dégage peu à peu de ses liens ; il se dénoue et ne se brise pas.

23. Ce dégagement de l'âme s'opère-t-il plus promptement chez les uns que chez les autres ?

- Rép. Oui : ceux qui, de leur vivant, se sont déjà élevés au-dessus de la matière, car alors leur âme appartient plus au monde des Esprits qu'au monde terrestre.

24. A quel moment s'opère l'union de l'âme et du corps chez l'enfant ?

- Rép. Lorsque l'enfant respire ; comme s'il recevait l'âme avec l'air extérieur.

Remarque. Cette opinion est la conséquence du dogme catholique. En effet, l'Eglise enseigne que l'âme ne peut être sauvée que par le baptême ; or, comme la mort naturelle intra-utérine est très fréquente, que deviendrait cette âme privée, selon elle, de cet unique moyen de salut, si elle existait dans le corps avant la naissance ? Pour être conséquent, il faudrait que le baptême eût lieu, sinon de fait, du moins d'intention, dès l'instant de la conception.

25. Comment expliquez-vous alors la vie intra-utérine ?

- Rép. Comme la plante qui végète. L'enfant vit de sa vie animale.

26. Y a-t-il crime à priver un enfant de la vie avant sa naissance, puisque, avant cette époque, l'enfant n'ayant pas d'âme n'est point en quelque sorte un être humain ?

- Rép. La mère, ou tout autre commettra toujours un crime en ôtant la vie à l'enfant avant sa naissance, car c'est empêcher l'âme de supporter les épreuves dont le corps devait être l'instrument.

27. L'expiation qui devait être subie par l'âme empêchée de s'incarner aura-t-elle lieu néanmoins ?

- Rép. Oui, mais Dieu savait que l'âme ne s'unirait pas à ce corps ; ainsi aucune âme ne devait s'unir à cette enveloppe corporelle : c'était l'épreuve de la mère.

28. Dans le cas où la vie de la mère serait en danger par la naissance de l'enfant, y a-t-il crime à sacrifier l'enfant pour sauver sa mère ?

- Rép. Non ; il faut sacrifier l'être qui n'existe pas à l'être qui existe.

29. L'union de l'âme et du corps s'opère-t-elle instantanément ou graduellement ; c'est-à-dire faut-il un temps appréciable pour que cette union soit complète ?

- Rép. L'Esprit n'entre pas brusquement dans le corps. Pour mesurer ce temps, imaginez-vous que le premier souffle que l'enfant reçoit est l'âme qui entre dans le corps : le temps que la poitrine se soulève et s'abaisse.

30. L'union d'une âme avec tel ou tel corps est-elle prédestinée, ou bien n'est-ce qu'au moment de la naissance que le choix se fait ?

- Rép. Dieu l'a marqué ; cette question demande de plus longs développements. L'Esprit en choisissant l'épreuve qu'il veut subir demande à s'incarner ; or Dieu, qui sait tout et voit tout, a su et vu d'avance que telle âme s'unirait à tel corps. Lorsque l'Esprit naît dans les basses classes de la société, il sait que sa vie ne sera que labeur et souffrances. L'enfant qui va naître a une existence qui résulte, jusqu'à un certain point, de la position de ses parents.

31. Pourquoi des parents bons et vertueux donnent-ils naissance à des enfants d'une nature perverse ? autrement dit, pourquoi les bonnes qualités des parents n'attirent-elles pas toujours, par sympathie, un bon Esprit pour animer leur enfant ?

- Rép. Un mauvais Esprit demande de bons parents, dans l'espérance que leurs conseils le dirigeront dans une voie meilleure.

32. Les parents peuvent-ils, par leurs pensées et leurs prières, attirer dans le corps de l'enfant un bon Esprit plutôt qu'un Esprit inférieur ?

- Rép. Non ; mais ils peuvent améliorer l'Esprit de l'enfant qu'ils ont fait naître : c'est leur devoir ; de mauvais enfants sont une épreuve pour les parents.

33. On conçoit l'amour maternel pour la conservation de la vie de l'enfant, mais puisque cet amour est dans la nature, pourquoi y a-t-il des mères qui haïssent leurs enfants, et cela souvent dès leur naissance ?

- Rép. Mauvais Esprits qui tâchent d'entraver l'Esprit de l'enfant, afin qu'il succombe sous l'épreuve qu'il a voulue.

34. Nous vous remercions des explications que vous avez bien voulu nous donner.

- Rép. Pour vous instruire, je ferai tout.

Remarque. La théorie donnée par cet Esprit sur l'instant de l'union de l'âme et du corps n'est pas tout à fait exacte. L'union commence dès la conception ; c'est-à-dire que, dès ce moment, l'Esprit, sans être incarné, tient au corps par un lien fluidique qui va se resserrant de plus en plus jusqu'à la naissance ; l'incarnation n'est complète que lorsque l'enfant respire. (Voy. le Livre des Esprits, n° 344 et suiv.)

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L'Esprit frappeur de Bergzabern (1er Article). Extrait de la Revue Spirite de Mai 1858 d'Allan Kardec.

Nous avions déjà entendu parler de certains phénomènes spirites qui firent beaucoup de bruit en 1852 dans la Bavière rhénane, aux environs de Spire, et nous savions qu'une relation authentique en avait été publiée dans une brochure allemande. Après des recherches longtemps infructueuses, une dame, parmi nos abonnés d'Alsace, et qui a déployé en cette circonstance un zèle et une persévérance dont nous lui savons un gré infini, est enfin parvenue à se procurer cette brochure, qu'elle a bien voulu nous adresser. Nous en donnons la traduction in extenso ; on la lira sans doute avec d'autant plus d'intérêt que c'est, parmi tant d'autres, une preuve de plus que les faits de ce genre sont de tous les temps et de tous les pays, puisque ceux dont il s'agit se passaient à une époque où l'on commençait à peine à parler des Esprits.

AVANT-PROPOS.

Un événement étrange est depuis plusieurs mois le sujet de toutes les conversations de notre ville et des environs. Nous voulons parler du Frappeur, comme on l'appelle, de la maison du maître tailleur Pierre Sanger.

Jusqu'alors nous nous sommes abstenu de toute relation dans notre feuille (Journal de Bergzabern) sur les manifestations qui se sont produites dans cette maison depuis le 1° janvier 1852 ; mais comme elles ont excité l'attention générale à un tel point que les autorités crurent devoir demander au docteur Beutner une explication à ce sujet, et que le docteur Dupping, de Spire, se rendit même sur les lieux pour observer les faits, nous ne pouvons différer plus longtemps de les livrer au public.

Nos lecteurs n'attendent pas de nous un jugement sur la question, nous en serions très embarrassé ; nous laissons ce soin à ceux qui, par la nature de leurs études et leur position, sont plus aptes à se prononcer, ce que d'ailleurs ils feront sans difficulté s'ils parviennent à découvrir la cause de ces effets. Quant à nous, nous nous bornerons au simple récit des faits, principalement de ceux dont nous avons été témoin ou que nous tenons de personnes dignes de foi, laissant au lecteur se former une opinion.

F.-A. BLANCK,

Rédacteur du Journal de Bergzabern.

Mai 1852.

Le 1° janvier de cette année (1852), la famille Pierre Sanger, à Bergzabern, entendit dans la maison qu'elle habitait et dans une chambre voisine de celle où l'on se tenait ordinairement, comme un martèlement qui commença d'abord par des coups sourds paraissant venir de loin, puis qui devint successivement plus fort et plus marqué. Ces coups semblaient être frappés contre le mur près duquel était placé le lit où dormait leur enfant, âgé de onze ans. Habituellement c'était entre neuf heures et demie et dix heures et demie que le bruit se faisait entendre. Les époux Sanger n'y firent point attention d'abord, mais comme cette singularité se renouvelait chaque soir, ils pensèrent que cela pouvait venir de la maison voisine où un malade se serait amusé, en guise de passe-temps, à battre le tambour contre le mur. On se convainquit bientôt que ce malade n'était pas et ne pouvait être la cause de ce bruit. On remua le sol de la chambre, on abattit le mur, mais sans résultat. Le lit fut transporté au côté opposé de la chambre ; alors, chose étonnante, c'est de ce côté que le bruit eut lieu, et aussitôt que l'enfant était endormi. Il était clair que l'enfant était pour quelque chose dans la manifestation du bruit, et on supposa, après que toutes les recherches de la police n'eurent rien fait découvrir, que ce fait devait être attribué à une maladie de l'enfant ou à une particularité de conformation. Cependant rien jusqu'alors n'est venu confirmer cette supposition. C'est encore une énigme pour les médecins.

En attendant, la chose ne fit que se développer ; le bruit se prolongea au-delà d'une heure et les coups frappés avaient plus de force. L'enfant fut changé de chambre et de lit, le frappeur se manifesta dans cette nouvelle chambre, sous le lit, dans le lit et dans le mur. Les coups frappés n'étaient pas identiques ; ils étaient tantôt forts, tantôt faibles et isolés, tantôt enfin ils se succédaient rapidement, et suivant le rythme des marches militaires et des danses.

L'enfant occupait depuis quelques jours la susdite chambre, lorsqu'on remarqua que, pendant son sommeil, il émettait des paroles brèves, incohérentes. Les mots devinrent bientôt plus distincts et plus intelligibles ; et il semblait que l'enfant s'entretenait avec un autre être sur lequel il avait de l'autorité. Parmi les faits qui se produisaient chaque jour, l'auteur de cette brochure en rapportera un dont il fut témoin : L'enfant était dans son lit, couché sur le côté gauche. A peine fut-il endormi, que les coups commencèrent et qu'il se mit à parler de la sorte :
" Toi, toi, bats une marche. " Et le frappeur battit une marche qui ressemblait assez à une marche bavaroise. Au commandement de " Halte ! " de l'enfant, le frappeur cessa. L'enfant dit alors : " Frappe trois, six, neuf fois, " et le frappeur exécuta l'ordre. Sur un nouvel ordre de frapper 19 coups, 20 coups s'étant fait entendre, l'enfant, tout endormi, dit : " Pas bien, ce sont 20 coups, " et aussitôt 19 coups furent comptés. Ensuite l'enfant demanda 30 coups ; on entendit 30 coups. " 100 coups. " On ne put compter que jusqu'à 40, tant les coups se succédaient rapidement. Au dernier coup, l'enfant dit : " Très bien ; maintenant 110. " Ici l'on ne put compter que jusqu'à 50 environ. Au dernier coup, le dormeur dit : " Ce n'est pas cela, il n'y en a que 106, " et aussitôt 4 autres coups se firent entendre pour compléter le nombre de 110. L'enfant demanda ensuite : " Mille ! " Il ne fut frappé que 15 coups. " Eh bien, allons ! " Il y eut encore 5 coups et le frappeur s'arrêta. Il vint alors à l'idée des assistants de commander eux-mêmes au frappeur, et il exécuta les ordres qu'ils lui donnèrent. Il se taisait au commandement de : " Halte ! silence ! paix ! " Puis, de lui-même et sans ordre, il recommença à frapper. L'un des assistants dit, tout bas, dans un coin de la chambre, qu'il voulait commander, seulement par la pensée, de frapper 6 fois. L'expérimentateur se plaça alors devant le lit et ne dit pas un seul mot : on entendit 6 coups. On commanda encore par la pensée 4 coups : 4 coups furent frappés. La même expérience a été tentée par d'autres personnes, mais elle n'a pas toujours réussi. Aussitôt l'enfant étendit les membres, rejeta la couverture et se leva.

Lorsqu'on lui demanda ce qui lui était arrivé, il répondit avoir vu un homme grand et de mauvaise mine qui se tenait devant son lit et lui serrait les genoux. Il ajouta qu'il ressentait aux genoux une douleur quand cet homme frappait. L'enfant s'endormit de nouveau et les mêmes manifestations se reproduisirent jusqu'au moment où la pendule de la chambre sonna onze heures. Tout à coup le frappeur se tut, l'enfant rentra dans un sommeil tranquille, ce que l'on reconnut à la régularité de la respiration, et ce soir-là il ne se fit plus rien entendre. Nous avons remarqué que le frappeur battait, sur l'ordre qu'il en recevait, des marches militaires. Plusieurs personnes affirment que lorsqu'on demandait une marche russe, autrichienne ou française, elle était battue très exactement.

Le 25 février, l'enfant étant endormi dit : " Tu ne veux plus frapper maintenant, tu veux gratter, eh bien ! je veux voir comment tu feras. " Et, en effet, le lendemain 26, au lieu de coups frappés, on entendit un grattement qui paraissait venir du lit et qui s'est manifesté jusqu'à ce jour. Les coups se mêlèrent au grattement, tantôt en alternant, tantôt simultanément, de telle sorte que dans les airs de marche ou de danse, le grattement fait la première partie, et les coups la seconde. Selon la demande, l'heure du jour, l'âge des personnes présentes sont indiqués par des grattements ou des coups secs. A l'égard de l'âge des personnes, il y a quelquefois erreur ; mais elle est rectifiée à la 2° ou 3° fois, quand on a dit que le nombre de coups frappés n'est pas exact. Maintes fois, au lieu de répondre à l'âge demandé, le frappeur exécute une marche.

Le langage de l'enfant, pendant son sommeil, devint de jour en jour plus parfait. Ce qui n'était d'abord que de simples mots ou des ordres très brefs au frappeur se changea, par la suite, en une conversation suivie avec ses parents. Ainsi un jour il s'entretint avec sa soeur aînée de sujets religieux et dans un ton d'exhortation et d'instruction, en lui disant qu'elle devrait aller à la messe, dire ses prières tous les jours, et montrer de la soumission et de l'obéissance à ses père et mère. Le soir, il reprit les mêmes sujets d'entretien ; dans ses enseignements, il n'y avait rien de théologique, mais seulement quelques notions que l'on apprend à l'école.

Avant ses entretiens, on entendait, au moins durant une heure, des coups et des grattements, non seulement pendant le sommeil de l'enfant, mais même quand celui-ci était à l'état de veille. Nous l'avons vu boire et manger pendant que les coups et les grattements se manifestaient, et nous l'avons vu aussi, à l'état de veille, donner au frappeur des ordres qui tous furent exécutés.

Samedi soir, 6 mars, l'enfant ayant dans la journée, et tout éveillé, prédit à son père que le frappeur apparaîtrait à neuf heures, plusieurs personnes se réunirent dans la maison de Sanger. A neuf heures sonnantes, quatre coups si violents furent frappés contre le mur que les assistants en furent effrayés. Aussitôt, et pour la première fois, les coups furent frappés sur le bois de lit et extérieurement ; tout le lit en fut ébranlé. Ces coups se manifestèrent de tous les côtés du lit, tantôt à un endroit, tantôt à un autre. Les coups et le grattement alternèrent sur le lit. Sur l'ordre de l'enfant et des personnes présentes, les coups se faisaient entendre soit à l'intérieur du lit, soit à l'extérieur. Tout à coup le lit se souleva en sens différents, pendant que les coups étaient frappés avec force. Plus de cinq personnes essayèrent, mais en vain, de faire retomber le lit soulevé ; l'ayant alors abandonné, il se balança encore quelques instants, puis reprit sa position naturelle. Ce fait avait eu lieu déjà une fois antérieurement à cette manifestation publique.

Chaque soir aussi l'enfant faisait une sorte de discours. Nous allons en parler très succinctement.

Avant toutes choses il faut remarquer que l'enfant, aussitôt qu'il laissait tomber sa tête, était endormi, et que les coups et le grattement commençaient. Aux coups, l'enfant gémissait, agitait ses jambes et paraissait mal à son aise. Il n'en était pas de même au grattement. Lorsque le moment de parler était venu, l'enfant se couchait sur le dos, sa figure devenait pâle, ainsi que ses mains et ses bras. Il faisait signe de la main droite et disait : " Allons ! viens devant mon lit et joins les mains, je vais te parler du Sauveur du monde. " Alors les coups et le grattement cessaient, et tous les assistants écoutaient avec une attention respectueuse le discours du dormeur.

Il parlait lentement, très intelligiblement et en pur allemand, ce qui surprenait d'autant plus que l'enfant était moins avancé que ses camarades dans ses classes, ce qui provenait surtout d'un mal d'yeux qui l'empêchait d'étudier. Ses entretiens roulaient sur la vie et les actions de Jésus depuis sa douzième année, de sa présence dans le temple avec les scribes, de ses bienfaits envers l'humanité et de ses miracles ; ensuite il s'étendait sur le récit de ses souffrances, et blâmait sévèrement les Juifs d'avoir crucifié Jésus malgré ses bontés nombreuses et ses bénédictions. En terminant, l'enfant adressait à Dieu une fervente prière " de lui accorder la grâce de supporter avec résignation les souffrances qu'il lui avait envoyées, puisqu'il l'avait choisi pour entrer en communication avec l'Esprit. " Il demandait à Dieu de ne pas le laisser encore mourir, qu'il n'était qu'un jeune enfant et qu'il ne voulait pas descendre dans la tombe noire. Ses discours terminés, il récitait d'une voix solennelle le Pater noster, après quoi il disait : " Maintenant tu peux revenir, " et aussitôt les coups et le grattement recommençaient. Il parla encore deux fois à l'Esprit, et, à chaque fois, l'Esprit frappeur s'arrêtait. Il disait encore quelques mots et puis : " Maintenant tu peux t'en aller, au nom de Dieu. " Et il se réveillait.

Pendant ces discours les yeux de l'enfant étaient bien fermés ; mais ses lèvres remuaient ; les personnes qui étaient le plus rapprochées du lit purent remarquer ce mouvement. La voix était pure et harmonieuse.

A son réveil, on lui demandait ce qu'il avait vu et ce qui s'était passé. Il répondait : " L'homme qui vient me voir. - Où se tient-il ?
- Près de mon lit, avec les autres personnes.
- As-tu vu les autres personnes ?
- J'ai vu toutes celles qui étaient près de mon lit. "


On comprendra facilement que de pareilles manifestations trouvèrent beaucoup d'incrédules, et qu'on supposa que toute cette histoire n'était qu'une mystification ; mais le père n'était pas capable de jonglerie, surtout d'une jonglerie qui aurait exigé toute l'habileté d'un prestidigitateur de profession ; il jouit de la réputation d'un brave et honnête homme.

Pour répondre à ces soupçons et les faire cesser, on transporta l'enfant dans une maison étrangère. A peine y fut-il que les coups et les grattements s'y firent entendre. De plus, quelques jours avant, l'enfant était allé avec sa mère dans un petit village nommé Capelle, à une demi-lieue de là, chez la veuve Klein ; il se dit fatigué ; on le coucha sur un canapé et aussitôt le même phénomène eut lieu. Plusieurs témoins peuvent affirmer le fait. Bien que l'enfant parût bien portant, il devait néanmoins être affecté d'une maladie, qui serait prouvée sinon par les manifestations relatées ci-dessus, du moins par les mouvements involontaires des muscles et des soubresauts nerveux.

Nous ferons remarquer, en terminant, que l'enfant a été conduit, il y a quelques semaines, chez le docteur Beutner, où il devait rester, pour que ce savant pût étudier de plus près les phénomènes en question. Depuis lors, tout bruit a cessé dans la maison de Sanger et il se produit dans celle du docteur Beutner.

Tels sont, dans toute leur authenticité, les faits qui se sont passés. Nous les livrons au public sans émettre de jugement. Puissent les hommes de l'art en donner bientôt une explication satisfaisante.

BLANCK.

Considérations sur l'Esprit frappeur de Bergzabern.

L'explication sollicitée par le narrateur que nous venons de citer est facile à donner ; il n'y en a qu'une, et la doctrine spirite seule peut la fournir. Ces phénomènes n'ont rien d'extraordinaire pour quiconque est familiarisé avec ceux auxquels nous ont habitués les Esprits. On sait quel rôle certaines personnes font jouer à l'imagination ; sans doute si l'enfant n'avait eu que des visions, les partisans de l'hallucination auraient beau jeu ; mais ici il y avait des effets matériels d'une nature non équivoque qui ont eu un grand nombre de témoins, et il faudrait supposer que tous étaient hallucinés au point de croire qu'ils entendaient ce qu'ils n'entendaient pas, et voyaient remuer des meubles immobiles ; or il y aurait là un phénomène plus extraordinaire encore. Il ne reste aux incrédules qu'une ressource, celle de nier ; c'est plus facile, et cela dispense de raisonner.

En examinant la chose au point de vue spirite, il demeure évident que l'Esprit qui s'est manifesté était inférieur à celui de l'enfant, puisqu'il lui obéissait ; il était même subordonné aux assistants, puisque eux aussi pouvaient lui commander. Si nous ne savions par la doctrine que les Esprits dits frappeurs sont au bas de l'échelle, ce qui s'est passé en serait une preuve. On ne concevrait pas, en effet, qu'un Esprit élevé, pas plus que nos savants et nos philosophes, vînt s'amuser à battre des marches et des valses, à jouer, en un mot, le rôle de jongleur, ni se soumettre aux caprices d'êtres humains. Il se présente sous les traits d'un homme de mauvaise mine, circonstance qui ne peut que corroborer cette opinion ; le moral se reflète en général sur l'enveloppe. Il est donc avéré pour nous que le frappeur de Bergzabern est un Esprit inférieur, de la classe des Esprits légers, qui s'est manifesté comme tant d'autres l'ont fait et le font tous les jours.

Maintenant, dans quel but est-il venu ? La notice ne dit pas qu'on le lui ait demandé ; aujourd'hui, qu'on est plus expérimenté sur ces sortes de choses, on ne laisserait pas venir un visiteur si étrange sans s'informer de ce qu'il veut. Nous ne pouvons donc qu'établir une conjecture. Il est certain qu'il n'a rien fait qui dévoilât de la méchanceté ou une mauvaise intention ; l'enfant n'en a éprouvé aucun trouble ni physique ni moral ; les hommes seuls auraient pu troubler son moral en frappant son imagination par des contes ridicules, et il est heureux qu'ils ne l'aient point fait. Cet Esprit, tout inférieur qu'il était, n'était donc ni mauvais ni malveillant ; c'était simplement un de ces Esprits si nombreux dont nous sommes sans cesse entourés à notre insu. Il a pu agir en cette circonstance par un simple effet de son caprice, comme aussi il a pu le faire à l'instigation d'Esprits élevés en vue d'éveiller l'attention des hommes et de les convaincre de la réalité d'une puissance supérieure en dehors du monde corporel.

Quant à l'enfant, il est certain que c'était un de ces médiums à influence physique, doués à leur insu de cette faculté, et qui sont aux autres médiums ce que les somnambules naturels sont aux somnambules magnétiques. Cette faculté dirigée avec prudence par un homme expérimenté dans la nouvelle science eût pu produire des choses plus extraordinaires encore et de nature à jeter un nouveau jour sur ces phénomènes, qui ne sont merveilleux que parce qu'on ne les comprend pas.



(DEUXIEME ARTICLE.) - Extrait de la Revue Spirite de Juin 1858.

Nous extrayons les passages suivants d'une nouvelle brochure allemande, publiée en 1853, par M. Blanck, rédacteur du journal de Bergzabern, sur l'Esprit frappeur dont nous avons parlé dans notre numéro du mois de mai. Les phénomènes extraordinaires qui y sont relatés, et dont l'authenticité ne saurait être révoquée en doute, prouvent que nous n'avons rien à envier, sous ce rapport, à l'Amérique. On remarquera dans ce récit le soin minutieux avec lequel les faits ont été observés. Il serait à désirer qu'on apportât toujours, en pareil cas, la même attention et la même prudence. On sait aujourd'hui que les phénomènes de ce genre ne sont point le résultat d'un état pathologique, mais ils dénotent toujours chez ceux en qui ils se manifestent une excessive sensibilité facile à surexciter. L'état pathologique n'est point la cause efficiente, mais il peut être consécutif. La manie de l'expérimentation, dans les cas analogues, a plus d'une fois causé des accidents graves qui n'auraient point eu lieu si l'on eût laissé la nature à elle-même. On trouvera dans notre Instruction pratique sur les manifestations spirites, les conseils nécessaires à cet effet. Nous suivons M. Blanck dans son compte rendu.

" Les lecteurs de notre brochure intitulée les Esprits frappeurs ont vu que les manifestations de Philippine Senger ont un caractère énigmatique et extraordinaire. Nous avons raconté ces faits merveilleux depuis leur début jusqu'au moment où l'enfant fut conduite au médecin royal du canton. Maintenant nous allons examiner ce qui s'est passé depuis jusqu'à ce jour.

Lorsque l'enfant quitta la demeure du docteur Bentner pour entrer à la maison paternelle, le frappement et le grattement recommencèrent chez le père Senger ; jusqu'à cette heure, et même depuis la guérison complète de la jeune fille, les manifestations ont été plus marquées, et ont changé de nature . Dans ce mois de novembre (1852), l'Esprit commença à siffler ; ensuite on entendit un bruit comparable à celui de la roue d'une brouette tournant sur son axe sec et rouillé ; mais le plus extraordinaire de tout, c'est sans contredit le bouleversement des meubles dans la chambre de Philippine, désordre qui dura pendant quinze jours. Une courte description des lieux me paraît nécessaire. Cette chambre a environ 18 pieds de long sur 8 de large ; on y arrive par la chambre commune. La porte qui fait communiquer ces deux pièces s'ouvre à droite. Le lit de l'enfant était placé à droite ; au milieu une armoire, et dans le coin de gauche la table de travail de Senger, dans laquelle sont pratiquées deux cavités circulaires, fermées par des couvercles.

Le soir où commença le remue-ménage, madame Senger et sa fille aînée Francisque étaient assises dans la première chambre, près d'une table, et occupées à écosser des haricots ; tout à coup un petit rouet lancé de la chambre à coucher tomba près d'elles. Elles en furent d'autant plus effrayées qu'elles savaient que personne autre que Philippine, alors plongée dans le sommeil, ne se trouvait dans la chambre ; de plus, le rouet avait été lancé du côté gauche, tandis qu'il se trouvait sur le rayon d'un petit meuble placé à droite. S'il fût parti du lit, il aurait dû rencontrer la porte et s'y arrêter ; il demeurait donc évident que l'enfant n'était pour rien dans ce fait. Pendant que la famille Senger exprimait sa surprise sur cet événement, quelque chose tomba de la table sur le sol : c'était un morceau de drap qui, auparavant, trempait dans une cuvette pleine d'eau. A côté du rouet gisait aussi une tête de pipe, l'autre moitié était restée sur la table. Ce qui rendait la chose encore plus incompréhensible, c'est que la porte de l'armoire où était le rouet avant d'être lancé se trouvait fermée, que l'eau de la cuvette n'était point agitée, et qu'aucune goutte n'avait été répandue sur la table. Tout à coup l'enfant, toujours endormie, crie de son lit : Père, va-t'en, il jette ! Sortez ! il vous jetterait aussi. Ils obéirent à cette injonction ; à peine furent-ils dans la première chambre que la tête de pipe y fut lancée avec une grande force, sans pourtant qu'elle se brisât. Une règle dont Philippine se servait à l'école prit le même chemin. Le père, la mère et leur fille aînée se regardaient avec effroi, et, comme ils réfléchissaient au parti à prendre, un long rabot de Senger et un très gros morceau de bois furent lancés de son établi dans l'autre chambre. Sur la table de travail, les couvercles étaient à leur place, et malgré cela les objets qu'ils recouvraient avaient pareillement été jetés au loin. Le même soir, les oreillers du lit furent lancés sur une armoire et la couverture contre la porte.

Un autre jour, on avait mis aux pieds de l'enfant, sous la couverture, un fer à repasser du poids de six livres environ ; bientôt il fut jeté dans la première pièce ; la poignée en était enlevée, et on la retrouva sur une chaise de la chambre à coucher.

Nous fûmes témoins que des chaises placées à trois pieds du lit environ furent renversées, et des fenêtres ouvertes, bien qu'elles fussent fermées auparavant, et cela à peine nous avions tourné le dos pour rentrer dans la première pièce. Une autre fois, deux chaises furent transportées sur le lit, sans déranger la couverture. Le 7 octobre, on avait solidement fermé la fenêtre et tendu devant un drap blanc. Dès que nous eûmes quitté la chambre, on frappa à coups redoublés et avec tant de violence, que tout en fut ébranlé, et que des gens qui passaient dans la rue s'enfuirent épouvantés. On accourut dans la chambre : la fenêtre était ouverte, le drap jeté sur la petite armoire à côté, la couverture du lit et les oreillers par terre, les chaises culbutées, et l'enfant dans le lit, protégée par sa seule chemise. Pendant quatorze jours la femme Senger ne fut occupée qu'à réparer le lit.

Une fois on avait laissé un harmonica sur un siège : des sons se firent entendre ; étant entré précipitamment dans la chambre, on trouva, comme toujours, l'enfant tranquille dans son lit ; l'instrument était sur la chaise, mais ne vibrait plus. Un soir, le père Senger sortait de la chambre de sa fille quand il reçut dans le dos le coussin d'un siège. Une autre fois, c'est une paire de vieilles pantoufles, des souliers qui étaient sous le lit, des sabots, qui viennent à sa rencontre. Maintes fois aussi la chandelle allumée, placée sur la table de travail, fut soufflée. Les coups et le grattement alternaient avec cette démonstration du mobilier. Le lit semblait être mis en mouvement par une main invisible. Au commandement de : " Balancez le lit ", ou " Bercez l'enfant ", le lit allait et venait, en long et en large, avec bruit ; au commandement de : " Halte ! " il s'arrêtait. Nous pouvons affirmer, nous qui avons vu, que quatre hommes s'assirent sur le lit, et même s'y suspendirent, sans pouvoir arrêter le mouvement ; ils étaient soulevés avec le meuble. Au bout de quatorze jours le bouleversement du mobilier cessa, et à ces manifestations en succédèrent d'autres.

Le 26 octobre au soir, se trouvaient entre autres personnes, dans la chambre, MM. Louis Soëhnée, licencié en droit, le capitaine Simon, tous deux de Wissembourg, ainsi que M. Sievert, de Bergzabern. Philippine Senger était à ce moment plongée dans le sommeil magnétique . M. Sievert présenta à celle-ci un papier renfermant des cheveux, pour voir ce qu'elle en ferait. Elle ouvrit le papier, sans cependant mettre les cheveux à découvert, les appliqua sur ses paupières closes, puis les éloigna, comme pour les examiner à distance et dit : " Je voudrais bien savoir ce que contient ce papier... Ce sont des cheveux d'une dame que je ne connais pas... Si elle veut venir, qu'elle vienne... Je ne puis pas l'inviter, je ne la connais pas. " Aux questions que lui adressa M. Sievert, elle ne répondit pas ; mais ayant placé le papier dans le creux de sa main, qu'elle étendait et retournait, il y resta suspendu. Elle le plaça ensuite au bout de l'index et fit décrire à sa main pendant assez longtemps un demi-cercle, en disant : " Ne tombe pas ", et le papier resta au bout du doigt ; puis, au commandement de : " Maintenant tombe ", il se détacha sans qu'elle fît le moindre mouvement pour déterminer la chute. Soudain, se tournant du côté du mur, elle dit : " A présent, je veux t'attacher au mur " ; elle y appliqua le papier, qui y resta fixé environ 5 à 6 minutes, après quoi elle l'enleva. Un examen minutieux du papier et du mur n'y fit découvrir aucune cause d'adhérence. Nous croyons devoir faire remarquer que la chambre était parfaitement éclairée, ce qui nous permit de nous rendre un compte exact de toutes ces particularités.

Le lendemain soir on lui donna d'autres objets : des clefs, des pièces de monnaie, des porte-cigares, des montres, des anneaux d'or et d'argent ; et tous, sans exception, restaient suspendus à sa main. On a remarqué que l'argent y adhérait plus que les autres matières, car on eut de la peine à en enlever les pièces de monnaie, et cette opération lui causait de la douleur. Un des faits les plus curieux en ce genre est le suivant : Le samedi 11 novembre, un officier qui était présent lui donna son sabre avec le ceinturon, et le tout, qui pesait 4 livres, d'après constatation, resta suspendu au doigt médium en se balançant assez longtemps. Ce qui n'est pas moins singulier, c'est que tous les objets, quelle qu'en fût la matière, restaient également suspendus. Cette propriété magnétique se communiquait par le simple contact des mains aux personnes susceptibles de la transmission du fluide ; nous en avons eu plusieurs exemples.

Un capitaine, M. le chevalier de Zentner, en garnison à cette époque à Bergzabern, témoin de ces phénomènes, eut l'idée de mettre une boussole près de l'enfant, pour en observer les variations. Au premier essai, l'aiguille dévia de 15 degrés, mais aux suivants elle resta immobile, quoique l'enfant eût la boîte dans une main et la caressât de l'autre. Cette expérience nous a prouvé que ces phénomènes ne sauraient s'expliquer par l'action du fluide minéral, d'autant moins que l'attraction magnétique ne s'exerce pas sur tous les corps indifféremment.

D'habitude, lorsque la petite somnambule se disposait à commencer ses séances, elle appelait dans la chambre toutes les personnes qui se trouvaient là. Elle disait simplement : " Venez ! venez ! " ou bien " Donnez ! donnez ! " Souvent elle n'était tranquille que lorsque tout le monde, sans exception, était près de son lit. Elle demandait alors avec empressement et impatience un objet quelconque ; à peine le lui avait-on donné, qu'il s'attachait à ses doigts. Il arrivait fréquemment que dix, douze personnes et plus étaient présentes, et que chacune d'elles lui remettait plusieurs objets. Pendant la séance elle ne souffrait pas qu'on lui en reprît aucun ; elle paraissait surtout tenir aux montres ; elle les ouvrait avec une grande adresse, examinait le mouvement, les refermait, puis les plaçait près d'elle pour examiner autre chose. A là fin, elle rendait à chacun ce qu'on lui avait confié ; elle examinait les objets les yeux fermés, et jamais ne se trompait de propriétaire. Si quelqu'un tendait la main pour prendre ce qui ne lui appartenait pas, elle le repoussait. Comment expliquer cette distribution multiple à un si grand nombre de personnes sans erreur ? On essayerait en vain de le faire soi-même les yeux ouverts. La séance terminée et les étrangers partis, les coups et le grattement, momentanément interrompus, recommençaient. Il faut ajouter que l'enfant ne voulait pas que personne se tînt au pied de son lit près de l'armoire, ce qui laissait entre les deux meubles un espace d'environ un pied. Si quelqu'un s'y mettait, elle le renvoyait du geste. S'y refusait-on, elle montrait une grande inquiétude et ordonnait par des gestes impérieux de quitter la place. Une fois elle engagea les assistants à ne jamais se tenir à l'endroit défendu, parce qu'elle ne voulait pas, dit-elle, qu'il arrivât malheur à quelqu'un. Cet avertissement était si positif, que nul à l'avenir ne l'oublia.

A quelque temps de là, au frappement et au grattement se joignit un bourdonnement que l'on peut comparer au son produit par une grosse corde de basse ; un certain sifflement se mêlait à ce bourdonnement. Quelqu'un demandait-il une marche ou une danse, son désir était satisfait : le musicien invisible se montrait fort complaisant. A l'aide du grattement, il appelle nominativement les gens de la maison ou les étrangers présents ; ceux-ci comprennent facilement à qui il s'adresse. A l'appel par le grattement, la personne désignée répond oui, pour donner à entendre qu'elle sait qu'il s'agit d'elle : alors il exécute à son intention un morceau de musique qui donne parfois lieu à des scènes plaisantes. Si une autre personne que celle appelée répondait oui, le gratteur faisait comprendre par un non exprimé à sa manière qu'il n'avait rien à lui dire pour le moment. C'est le soir du 10 novembre que ces faits se sont produits pour la première fois, et ils ont continué à se manifester jusqu'à ce jour.

Voici maintenant comment l'Esprit frappeur s'y prenait pour désigner les personnes. Depuis plusieurs nuits, on avait remarqué qu'aux diverses invitations de faire telle ou telle chose il répondait par un coup sec ou par un grattement prolongé. Aussitôt que le coup sec était donné, le frappeur commençait à exécuter ce qu'on désirait de lui ; quand, au contraire, il grattait, il ne satisfaisait pas à la demande. Un médecin eut alors l'idée de prendre pour un oui le premier bruit, et le second pour un non, et depuis lors cette interprétation a toujours été confirmée. On remarqua aussi que par une série de grattements plus ou moins forts l'Esprit exigeait certaines choses des personnes présentes. A force d'attention, et en remarquant la manière dont le bruit se produisait, on put comprendre l'intention du frappeur. Ainsi, par exemple, le père Senger a raconté que le matin, au point du jour, il entendait des bruits modulés d'une certaine façon ; sans y attacher d'abord aucun sens, il remarqua qu'ils ne cessaient que lorsqu'il était hors du lit, d'où il comprit qu'ils signifiaient : " Lève-toi. " C'est ainsi que peu à peu on se familiarisa avec ce langage, et qu'à certains signes les personnes désignées purent se reconnaître.

Arriva l'anniversaire du jour où l'Esprit frappeur s'était manifesté pour la première fois ; des changements nombreux s'opérèrent dans l'état de Philippine Senger. Les coups, le grattement et le bourdonnement continuèrent, mais à toutes ces manifestations se joignit un cri particulier, qui ressemblait tantôt à celui d'une oie, tantôt à celui d'un perroquet ou de tout autre gros oiseau ; en même temps on entendit une sorte de picotement contre le mur, semblable au bruit que ferait un oiseau en becquetant. A cette époque, Philippine Senger parlait beaucoup pendant son sommeil, et paraissait surtout préoccupée d'un certain animal, qui ressemblait à un perroquet, se tenant au pied du lit, criant et donnant des coups de bec contre le mur. Sur le désir d'entendre crier le perroquet, celui-ci jetait des cris perçants. On posa diverses questions auxquelles il fut répondu par des cris du même genre ; plusieurs personnes lui commandèrent de dire : Kakatoès, et l'on entendit très distinctement le mot Kakatoès comme s'il eût été prononcé par l'oiseau lui-même. Nous passerons sous silence les faits les moins intéressants, et nous nous bornerons à rapporter ce qu'il y eut de plus remarquable sous le rapport des changements survenus dans l'état corporel de la jeune fille.

Quelque temps avant Noël, les manifestations se renouvelèrent avec plus d'énergie ; les coups et le grattement devinrent plus violents et durèrent plus longtemps. Philippine, plus agitée que de coutume, demandait souvent à ne plus coucher dans son lit, mais dans celui de ses parents ; elle se roulait dans le sien en criant : " Je ne peux plus rester ici ; je vais étouffer : ils vont me loger dans le mur ; au secours ! " Et son calme ne revenait que lorsqu'on l'avait transportée dans l'autre lit. A peine s'y trouvait-elle, que des coups très forts se faisaient entendre d'en haut ; ils semblaient partir du grenier, comme si un charpentier eût frappé sur les poutres ; ils étaient même quelquefois si vigoureux, que la maison en était ébranlée, que les fenêtres vibraient, et que les personnes présentes sentaient le sol trembler sous leurs pieds ; des coups semblables étaient également frappés contre le mur, près du lit. Aux questions posées, les mêmes coups répondaient comme d'habitude, alternant toujours avec le grattement. Les faits suivants, non moins curieux, se sont maintes fois reproduits.

Lorsque tout bruit avait cessé et que la jeune fille reposait tranquillement dans son petit lit, on la vit souvent se prosterner tout à coup et joindre les mains tout en ayant les yeux fermés ; puis elle tournait la tête de tous côtés, tantôt à droite, tantôt à gauche, comme si quelque chose d'extraordinaire eût attiré son attention. Un sourire aimable courait alors sur ses lèvres ; on eût dit qu'elle s'adressait à quelqu'un ; elle tendait les mains, et à ce geste on comprenait qu'elle serrait celles de quelques amis ou connaissances. On la vit aussi, après de semblables scènes, reprendre sa première attitude suppliante, joindre de nouveau les mains, courber la tête jusqu'à toucher la couverture, puis se redresser et verser des larmes. Elle soupirait alors et paraissait prier avec une grande ferveur. Dans ces moments, sa figure était transformée ; elle était pâle et avait l'expression d'une femme de 24 à 25 ans. Cet état durait souvent plus d'une demi-heure, état pendant lequel elle ne prononça que des ah ! ah ! Les coups, le grattement, le bourdonnement et les cris cessaient jusqu'au moment du réveil ; alors le frappeur se faisait entendre de nouveau, cherchant l'exécution d'airs gais propres à dissiper l'impression pénible produite sur l'assistance. Au réveil, l'enfant était très abattue ; elle pouvait à peine lever les bras, et les objets qu'on lui présentait ne restaient plus suspendus à ses doigts.

Curieux de connaître ce qu'elle avait éprouvé, on l'interrogea plusieurs fois. Ce n'est que sur des instances réitérées quelle se décida à dire qu'elle avait vu conduire et crucifier le Christ sur le Golgotha ; que la douleur des saintes femmes prosternées au pied de la croix et le crucifiement avaient produit sur elle une impression qu'elle ne pouvait rendre. Elle avait vu aussi une foule de femmes et de jeunes vierges en robes noires, et des jeunes gens en longues robes blanches parcourir processionnellement les rues d'une belle ville, et enfin elle s'était trouvée transportée dans une vaste église, où elle avait assisté à un service funèbre.

En peu de temps l'état de Philippine Senger changea de façon à donner des inquiétudes sur sa santé, car à l'état de veille elle divaguait et rêvait tout haut ; elle ne reconnaissait ni son père, ni sa mère, ni sa soeur, ni aucune autre personne, et cet état vint encore s'aggraver d'une surdité complète qui persista pendant quinze jours. Nous ne pouvons passer sous silence ce qui eut lieu durant ce laps de temps.

La surdité de Philippine se manifesta de midi à trois heures, et elle-même déclara quelle resterait sourde pendant un certain temps et qu'elle tomberait malade. Ce qu'il y a de singulier, c'est que parfois elle recouvrait l'ouïe pendant une demi-heure, ce dont elle se montrait heureuse. Elle prédisait elle-même le moment où la surdité devait la prendre et la quitter. Une fois, entre autres, elle annonça que le soir, à huit heures et demie, elle entendrait clairement pendant une demi-heure ; en effet, à l'heure dite, l'ouïe était revenue, et cela dura jusqu'à neuf heures.

Pendant sa surdité ses traits étaient changés ; son visage prenait une expression de stupidité qu'il perdait aussitôt qu'elle était rentrée dans son état normal. Rien alors ne faisait impression sur elle ; elle se tenait assise, regardant les personnes présentes d'un oeil fixe et sans les reconnaître. On ne pouvait se faire comprendre que par des signes auxquels le plus souvent elle ne répondait pas, se bornant à fixer les yeux sur celui qui lui adressait la parole. Une fois elle saisit tout à coup par le bras une des personnes présentes et lui dit en la poussant : Qui es-tu donc ? Dans cette situation, elle restait quelquefois plus d'une heure et demie immobile sur son lit. Ses yeux étaient à demi ouverts et arrêtés sur un point quelconque ; de temps à autre on les voyait se tourner à droite et à gauche, puis revenir au même endroit. Toute sensibilité paraissait alors émoussée en elle ; son pouls battait à peine, et lorsqu'on lui plaçait une lumière devant les yeux, elle ne faisait aucun mouvement : on l'eût dit morte.

Il arriva pendant sa surdité qu'un soir, étant couchée, elle demanda une ardoise et de la craie, puis elle écrivit : " A onze heures je dirai quelque chose, mais j'exige qu'on se tienne tranquille et silencieux. " Après ces mots elle ajouta cinq signes qui ressemblaient à de l'écriture latine, mais qu'aucun des assistants ne put déchiffrer. On écrivit sur l'ardoise qu'on ne comprenait pas ces signes. En réponse à cette observation, elle écrivit : " N'est-ce pas que vous ne pouvez pas lire ! " Et plus bas : " Ce n'est pas de l'allemand, c'est une langue étrangère. " Ensuite ayant retourné l'ardoise, elle écrivit sur l'autre côté : " Francisque (sa soeur aînée) s'assiéra à cette table et écrira ce que je lui dicterai. " Elle accompagna ces mots de cinq signes semblables aux premiers, et rendit l'ardoise. Remarquant que ces signes n'étaient pas encore compris, elle redemanda l'ardoise et ajouta : " Ce sont des ordres particuliers. "

Un peu avant onze heures, elle dit : " Tenez-vous tranquilles, que tout le monde s'assoie et prête attention ! " et au coup de onze heures, elle se renversa sur son lit et tomba dans son sommeil magnétique ordinaire. Quelques instants après elle se mit à parler, ce qui dura sans discontinuer pendant une demi-heure. Entre autres choses, elle déclara que dans le courant de l'année il se produirait des faits que personne ne pourrait comprendre, et que toutes les tentatives faites pour les expliquer resteraient infructueuses.

Pendant la surdité de la jeune Senger, le bouleversement du mobilier, l'ouverture inexpliquée des fenêtres, l'extinction des lumières placées sur la table de travail, se renouvelèrent plusieurs fois. Il arriva un soir que deux bonnets accrochés à un portemanteau de la chambre à coucher furent lancés sur la table de l'autre chambre, et renversèrent une tasse pleine de lait, qui se répandit à terre. Les coups frappés contre le lit étaient si violents, que ce meuble en était déplacé ; quelquefois même il était dérangé avec fracas sans que les coups se fissent entendre.

Comme il y avait encore des gens incrédules, ou qui attribuaient ces singularités à un jeu de l'enfant, qui, selon eux, frappait ou grattait avec ses pieds ou ses mains, bien que les faits eussent été constatés par plus de cent témoins, et qu'il fût avéré que la jeune fille avait les bras étendus sur la couverture pendant que les bruits se produisaient, le capitaine Zentner imagina un moyen de les convaincre. Il fit apporter de la caserne deux couvertures très épaisses qu'on mit l'une sur l'autre, et dont on enveloppa les matelas et les draps de lit ; elles étaient à longs poils, de telle sorte qu'il était impossible d'y produire le moindre bruit par le frottement. Philippine, vêtue d'une simple chemise et d'une camisole de nuit, fut mise sur ces couvertures ; à peine placée, le grattement et les coups eurent lieu comme auparavant, tantôt contre le bois du lit, tantôt contre l'armoire voisine, selon le désir qui était exprimé.

Il arrive souvent que, lorsque quelqu'un fredonne ou siffle un air quelconque, le frappeur l'accompagne, et les sons que l'on perçoit semblent provenir de deux, trois ou quatre instruments : on entend gratter, frapper, siffler et gronder en même temps, suivant le rythme de l'air chanté. Souvent aussi le frappeur demande à l'un des assistants de chanter une chanson ; il le désigne par le procédé que nous connaissons, et, quand celui-ci a compris que c'est à lui que l'Esprit s'adresse, il lui demande à son tour s'il doit chanter tel ou tel air ; il lui est répondu par oui ou par non. L'air indiqué étant chanté, un accompagnement de bourdonnements et de sifflements se fait entendre parfaitement en mesure. Après un air joyeux, l'Esprit demandait souvent l'air : Grand Dieu, nous te louons, ou la chanson de Napoléon I°. Si on lui disait de jouer tout seul cette dernière chanson ou toute autre, il la faisait entendre depuis le commencement jusqu'à la fin.

Les choses allèrent ainsi dans la maison de Senger, soit le jour, soit la nuit, pendant le sommeil ou dans l'état de veille de l'enfant, jusqu'au 4 mars 1853, époque à laquelle les manifestations entrèrent dans une autre phase. Ce jour fut marqué par un fait plus extraordinaire encore que les précédents. "

(La suite au prochain numéro.)

Remarque. - Nos lecteurs ne nous sauront pas mauvais gré sans doute de l'étendue que nous avons donnée à ces curieux détails, et nous pensons qu'ils en liront la suite avec non moins d'intérêt. Nous ferons remarquer que ces faits ne nous viennent pas des contrées transatlantiques, dont la distance est un grand argument pour certains sceptiques quand même ; ils ne viennent même pas d'outre-Rhin, car c'est sur nos frontières qu'ils se sont passés, et presque sous nos yeux, puisqu'ils ont à peine six ans de date.

Philippine Senger était, comme on le voit, un médium naturel très complexe ; outre l'influence qu'elle exerçait sur les phénomènes bien connus des bruits et des mouvements, elle était somnambule extatique. Elle conversait avec des êtres incorporels qu'elle voyait ; elle voyait en même temps les assistants, et leur adressait la parole, mais ne leur répondait pas toujours, ce qui prouve qu'à certains moments elle était isolée. Pour ceux qui connaissent les effets de l'émancipation de l'âme, les visions que nous avons rapportées n'ont rien qui ne puisse aisément s'expliquer ; il est probable que, dans ces moments d'extase, l'Esprit de l'enfant se trouvait transporté dans quelque contrée lointaine, où il assistait, peut-être en souvenir, à une cérémonie religieuse. On peut s'étonner de la mémoire qu'il en gardait au réveil, mais ce fait n'est point insolite ; du reste, on peut remarquer que le souvenir était confus, et qu'il fallait insister beaucoup pour le provoquer.

Si l'on observe attentivement ce qui se passait pendant la surdité, on y reconnaîtra sans peine un état cataleptique. Puisque cette surdité n'était que temporaire, il est évident qu'elle ne tenait point à l'altération des organes de l'ouïe. Il en est de même de l'oblitération momentanée des facultés mentales, oblitération qui n'avait rien de pathologique, puisque, à un instant donné, tout rentrait dans l'état normal. Cette sorte de stupidité apparente tenait à un dégagement plus complet de l'âme, dont les excursions se faisaient avec plus de liberté, et ne laissaient aux sens que la vie organique. Qu'on juge donc de l'effet désastreux qu'eût pu produire un traitement thérapeutique en pareille circonstance ! Des phénomènes du même genre peuvent se produire à chaque instant ; nous ne saurions, dans ce cas, recommander trop de circonspection ; une imprudence peut compromettre la santé et même la vie.

(TROISIEME ARTICLE.) - Extrait de la Revue Spirite de Juillet 1858 d'Allan Kardec.

Nous continuons à citer la brochure de M. Blanck, rédacteur du Journal de Bergzabern .

" Les faits que nous allons relater eurent lieu du vendredi 4 au mercredi 9 mars 1853 ; depuis, rien de semblable ne s'est produit. Philippine à cette époque ne couchait plus dans la chambre que l'on connaît : son lit avait été transféré dans la pièce voisine où il se trouve encore maintenant. Les manifestations ont pris un tel caractère d'étrangeté, qu'il est impossible d'admettre l'explication de ces phénomènes par l'intervention des hommes. Ils sont d'ailleurs si différents de ceux qui furent observés antérieurement, que toutes les suppositions premières ont été renversées.

On sait que dans la chambre où couchait la jeune fille, les chaises et les autres meubles avaient souvent été bouleversés, que les fenêtres s'étaient ouvertes avec fracas sous des coups redoublés. Depuis cinq semaines elle se tient dans la chambre commune, où, une fois la nuit venue et jusqu'au lendemain, il y a toujours de la lumière ; on peut donc parfaitement voir ce qui s'y passe. Voici le fait qui fut observé le vendredi 4 mars.

Philippine n'était pas encore couchée ; elle était au milieu d'un certain nombre de personnes qui s'entretenaient de l'Esprit frappeur, lorsque tout à coup le tiroir d'une table très grande et très lourde, placée dans la chambre, fut tiré et repoussé avec un grand bruit et une promptitude extraordinaire. Les assistants furent fort surpris de cette nouvelle manifestation ; dans le même moment la table elle-même se mit en mouvement dans tous les sens, et s'avança vers la cheminée près de laquelle Philippine était assise. Poursuivie pour ainsi dire par ce meuble, elle dut quitter sa place et s'enfuir dans le milieu de la chambre ; mais la table revint dans cette direction et s'arrêta à un demi-pied du mur. On la remit à sa place ordinaire, d'où elle ne bougea plus ; mais des bottes qui se trouvaient dessous, et que tout le monde put voir, furent lancées au milieu de la chambre, au grand effroi des personnes présentes. L'un des tiroirs recommença à glisser dans ses coulisses, s'ouvrant et se refermant par deux fois, d'abord très vivement, puis de plus en plus lentement ; lorsqu'il était entièrement ouvert, il lui arrivait d'être secoué avec fracas. Un Paquet de tabac laissé sur la table changeait de place à chaque instant. Le frappement et le grattement se firent entendre dans la table. Philippine, qui jouissait alors d'une très bonne santé, se tenait au milieu de la réunion et ne paraissait nullement inquiète de toutes ces étrangetés, qui se renouvelaient chaque soir depuis le vendredi ; mais le dimanche elles furent encore plus remarquables.

Le tiroir fut plusieurs fois violemment tiré et refermé. Philippine, après avoir été dans son ancienne chambre à coucher, revint subitement prise du sommeil magnétique, se laissa tomber sur un siège, où le grattement se fit plusieurs fois entendre. Les mains de l'enfant étaient sur ses genoux et la chaise se mouvait tantôt à droite, tantôt à gauche, en avant ou en arrière. On voyait les pieds de devant du siège se lever, tandis que la chaise se balançait dans un équilibre étonnant sur les pieds de derrière. Philippine ayant été transportée au milieu de la chambre, il fut plus facile d'observer ce nouveau phénomène. Alors, au commandement, la chaise tournait, avançait ou reculait plus ou moins vite, tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre. Pendant cette danse singulière, les pieds de l'enfant, comme paralysés, traînaient à terre ; celle-ci se plaignit de maux de tête par des gémissements et en portant à diverses reprises la main à son front ; puis, s'étant réveillée tout à coup, elle se mit à regarder de tous côtés, ne pouvant comprendre sa situation : son malaise l'avait quittée. Elle se coucha ; alors les coups et le grattement qui s'étaient produits dans la table se firent entendre dans le lit avec force et d'une façon joyeuse.

Quelque temps auparavant, une sonnette ayant fait entendre des sons spontanés, on eut l'idée d'en attacher une au lit, aussitôt elle se mit à tinter et à s'agiter. Ce qu'il y eut de plus curieux dans cette circonstance, c'est que, le lit étant soulevé et déplacé, la sonnette resta immobile et muette. Vers minuit environ tout bruit cessa, et l'assemblée se retira.

Le lundi soir, 15 mai, on fixa au lit une grosse sonnette ; aussitôt elle fit entendre un bruit assourdissant et désagréable. Le même jour, dans l'après-midi, les fenêtres et la porte de la chambre à coucher s'étaient ouvertes, mais silencieusement.

Nous devons rapporter aussi que la chaise sur laquelle Philippine s'était assise le vendredi et le samedi, ayant été portée par le père Senger au milieu de la chambre, paraissait beaucoup plus légère que de coutume : on eût dit qu'une force invisible la soutenait. Un des assistants, voulant la pousser, n'éprouva aucune résistance : la chaise paraissait glisser d'elle-même sur le sol.

L'Esprit frappeur resta silencieux pendant les trois jours : jeudi, vendredi et samedi saints. Ce ne fût que le jour de Pâques que ses coups recommencèrent avec le son des cloches, coups rythmés qui composaient un air. Le 1° avril les troupes, changeant de garnison, quittèrent la ville musique en tête. Lorsqu'elles passèrent devant la maison Senger, l'Esprit frappeur exécuta à sa manière, contre le lit, le même morceau qu'on jouait dans la rue. Quelque temps avant on avait entendu dans la chambre comme les pas d'une personne, et comme si l'on eût jeté du sable sur les planches.

Le gouvernement du Palatinat s'est préoccupé des faits que nous venons de rapporter, et proposa au père Senger de placer son enfant dans une maison de santé à Frankenthal, proposition qui fut acceptée. Nous apprenons que dans sa nouvelle résidence, la présence de Philippine a donné lieu aux prodiges de Bergzabern, et que les médecins de Frankenthal, pas plus que ceux de notre ville, n'en peuvent déterminer la cause. Nous sommes informés en outre que les médecins ont seuls accès auprès de la jeune fille. Pourquoi a-t-on pris cette mesure ? Nous l'ignorons, et nous ne nous permettrons pas de la blâmer ; mais si ce qui y a donné lieu n'est pas le résultat de quelque circonstance particulière, nous croyons qu'on aurait pu laisser pénétrer près de l'intéressante enfant, sinon tout le monde, au moins les personnes recommandables. "

Remarque. - Nous n'avons eu connaissance des différents faits que nous avons rapportés que par la relation qu'en a publiée M. Blanck ; mais une circonstance vient de nous mettre en rapport avec une des personnes qui ont le plus figuré dans toute cette affaire, et qui a bien voulu nous fournir à ce sujet des documents circonstanciés du plus haut intérêt. Nous avons également eu, par l'évocation, des explications fort curieuses et fort instructives sur cet Esprit frappeur lui-même qui s'est manifesté à nous. Ces documents nous étant parvenus trop tard, nous en ajournons la publication au prochain numéro.

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Méhémet-Ali, ancien pacha d'Egypte (16 mars 1858) - 1er Article.

1. Qui vous a engagé à venir à notre appel ?

- R. Pour vous instruire.

2. Etes-vous contrarié d'être venu parmi nous, et de répondre aux questions que nous désirons vous adresser ?

- R. Non ; celles qui auront pour but votre instruction, je le veux bien.

3. Quelle preuve pouvons-nous avoir de votre identité, et comment pouvons-nous savoir que ce n'est pas un autre Esprit qui prend votre nom ?

- R. A quoi cela servirait-il ?

4. Nous savons par expérience que des Esprits inférieurs empruntent souvent des noms supposés, et c'est pour cela que nous vous avons fait cette demande.

- R. Ils en empruntent aussi les preuves ; mais l'Esprit qui prend un masque se dévoile aussi lui-même par ses paroles.

5. Sous quelle forme et à quelle place êtes-vous parmi nous ?

- R. Sous celle qui porte le nom de Méhémet-Ali, près d'Ermance.

6. Seriez-vous satisfait si nous vous cédions une place spéciale ?

- R. Sur la chaise vide.

Remarque. Il y avait près de là une chaise vacante à laquelle on n'avait pas fait attention.

7. Avez-vous un souvenir précis de votre dernière existence corporelle ?

- R. Je ne l'ai pas encore précis ; la mort m'a laissé son trouble.

8. Etes-vous heureux ?

- R. Non ; malheureux.

9. Etes-vous errant ou réincarné ?

- R. Errant.

10. Vous rappelez-vous ce que vous étiez avant votre dernière existence ?

- R. J'étais pauvre sur la terre ; j'ai envié les terrestres grandeurs : je suis monté pour souffrir.

11. Si vous pouviez renaître sur la terre, quelle condition choisiriez-vous de préférence ?

- R. Obscure ; les devoirs sont moins grands.

12. Que pensez-vous maintenant du rang que vous avez occupé en dernier lieu sur la terre ?

- R. Vanité du néant ! J'ai voulu conduire les hommes ; savais-je me conduire moi-même !

13. On dit que votre raison était altérée depuis quelque temps ; cela est-il vrai ?

- R. Non.

14. L'opinion publique apprécie ce que vous avez fait pour la civilisation de l'Egypte, et elle vous place au rang des plus grands princes. En éprouvez-vous de la satisfaction ?

- R. Que m'importe ! L'opinion des hommes est le vent du désert qui soulève la poussière.

15. Voyez-vous avec plaisir vos descendants marcher dans la même voie, et vous intéressez-vous à leurs efforts ?

- R. Oui, puisqu'ils ont pour but le bien commun.

16. On vous reproche cependant des actes d'une grande cruauté : les blâmez-vous maintenant ?

- R. Je les expie.

17. Voyez-vous ceux que vous avez fait massacrer ?

- R. Oui.

18. Quel sentiment éprouvent-ils pour vous ?

- R. La haine et la pitié.

19. Depuis que vous avez quitté cette vie avez-vous revu le sultan Mahmoud ?

- R. Oui : en vain nous nous fuyons.

20. Quel sentiment éprouvez-vous l'un pour l'autre maintenant ?

- R. L'aversion.

21. Quelle est votre opinion actuelle sur les peines et les récompenses qui nous attendent après la mort ?

- R. L'expiation est juste.

22. Quel est le plus grand obstacle que vous avez eu à combattre pour l'accomplissement de vos vues progressives ?

- R. Je régnais sur des esclaves.

23. Pensez-vous que si le peuple que vous aviez à gouverner eût été chrétien, il eût été moins rebelle à la civilisation ?

- R. Oui ; la religion chrétienne élève l'âme ; la religion mahométane ne parle qu'à la matière.

24. De votre vivant, votre foi en la religion musulmane était-elle absolue ?

- R. Non ; je croyais Dieu plus grand.

25. Qu'en pensez-vous maintenant ?

- R. Elle ne fait pas des hommes.

26. Mahomet avait-il, selon vous, une mission divine ?

- R. Oui, mais qu'il a gâtée.

27. En quoi l'a-t-il gâtée ?

- R. Il a voulu régner.

28. Que pensez-vous de Jésus ?

- R. Celui-là venait de Dieu.

29. Quel est celui des deux, de Jésus ou de Mahomet, qui, selon vous, a le plus fait pour le bonheur de l'humanité ?

- R. Pouvez-vous le demander ? Quel peuple Mahomet a-t-il régénéré ? La religion chrétienne est sortie pure de la main de Dieu : la religion mahométane est l'oeuvre d'un homme.

30. Croyez-vous l'une de ces deux religions destinée à s'effacer de dessus la terre ?

- R. L'homme progresse toujours ; la meilleure restera.

31. Que pensez-vous de la polygamie consacrée par la religion musulmane ?

- R. C'est un des liens qui retiennent dans la barbarie les peuples qui la professent.

32. Croyez-vous que l'asservissement de la femme soit conforme aux vues de Dieu ?

- R. Non ; la femme est l'égale de l'homme, puisque l'esprit n'a pas de sexe.

33. On dit que le peuple arabe ne peut être conduit que par la rigueur ; ne croyez-vous pas que les mauvais traitements l'abrutissent plus qu'ils ne le soumettent ?

- R. Oui, c'est la destinée de l'homme ; il s'avilit lorsqu'il est esclave.

34. Pouvez-vous vous reporter aux temps de l'antiquité où l'Egypte était florissante, et nous dire quelles ont été les causes de sa décadence morale ?

- R. La corruption des moeurs.

35. Il paraît que vous faisiez peu de cas des monuments historiques qui couvrent le sol de l'Egypte ; nous ne nous expliquons pas cette indifférence de la part d'un prince ami du progrès ?

- R. Qu'importe le passé ! Le présent ne le remplacerait pas.

36. Veuillez-vous expliquer plus clairement.

- R. Oui. Il ne fallait pas rappeler à l'Egyptien dégradé un passé trop brillant : il ne l'eût pas compris. J'ai dédaigné ce qui m'a paru inutile ; ne pouvais-je me tromper ?

37. Les prêtres de l'ancienne Egypte avaient-ils connaissance de la doctrine spirite ?

- R. C'était la leur.

38. Recevaient-ils des manifestations ?

- R. Oui.

39. Les manifestations qu'obtenaient les prêtres égyptiens avaient-elles la même source que celles qu'obtenait Moïse ?

- R. Oui, il fut initié par eux.

40. D'où vient que les manifestations de Moïse étaient plus puissantes que celles des prêtres égyptiens ?

- R. Moïse voulait révéler ; les prêtres égyptiens ne tendaient qu'à cacher.

41. Pensez-vous que la doctrine des prêtres Egyptiens eût quelques rapports avec celle des Indiens ?

- R. Oui ; toutes les religions mères sont reliées entre elles par des liens presque invisibles ; elles découlent d'une même source.

42. Quelle est celle de ces deux religions, celle des Egyptiens et celle des indiens, qui est la mère de l'autre ?

- R. Elles sont soeurs.

43. Comment se fait-il que vous, de votre vivant si peu éclairé sur ces questions, puissiez y répondre avec autant de profondeur ?

- R. D'autres existences me l'ont appris.

44. Dans l'état errant où vous êtes maintenant, vous avez donc une pleine connaissance de vos existences antérieures ?

- R. Oui, sauf de la dernière.

45. Vous avez donc vécu du temps des Pharaons ?

- R. Oui ; trois fois j'ai vécu sur le sol égyptien : prêtre, gueux et prince.

46. Sous quel règne avez-vous été prêtre ?

- R. C'est si vieux ! Le prince était votre Sésostris.

47. Il semblerait, d'après cela, que vous n'avez pas progressé, puisque vous expiez maintenant les erreurs de votre dernière existence ?

- R. Si, j'ai progressé lentement ; étais-je parfait pour être prêtre ?

48. Est-ce parce que vous avez été prêtre dans ce temps-là que vous avez pu nous parler en connaissance de cause de l'antique religion des Egyptiens ?

- R. Oui ; mais je ne suis pas assez parfait pour tout savoir ; d'autres lisent dans le passé comme dans un livre ouvert.

49. Pourriez-vous nous donner une explication sur le motif de la construction des pyramides ?

- R. Il est trop tard.

(NOTA. - Il était près de onze heures du soir.)

50. Nous ne vous ferons plus que cette demande ; veuillez y répondre, je vous prie.

- R. Non, il est trop tard, cette question en entraînerait d'autres.

51. Aurez-vous la bonté de nous y répondre une autre fois ?

- R. Je ne m'engage pas.

52. Nous vous remercions néanmoins de la complaisance avec laquelle vous avez bien voulu répondre aux autres questions.

- R. Bien ! Je reviendrai.

Méhémet-Ali (Deuxième entretien.) - RS de Novembre 1858



1. Au nom de Dieu tout-puissant, je prie l'Esprit de Méhémet-Ali de vouloir bien se communiquer à nous. - R. Oui ; je sais pourquoi.

2. Vous nous avez promis de revenir parmi nous pour nous instruire ; serez-vous assez bon pour nous écouter et nous répondre ? - R. Non pas promis ; je ne me suis pas engagé.

3. Soit ; au lieu de promis, mettons que vous nous avez fait espérer. - R. C'est-à-dire pour contenter votre curiosité ; n'importe ! je m'y prêterai un peu.

4. Puisque vous avez vécu du temps des Pharaons, pourriez-vous nous dire dans quel but ont été construites les Pyramides ? - R. Ce sont des sépulcres ; sépulcres et temples : là avaient lieu les grandes manifestations.

5. Avaient-elles aussi un but scientifique ? - R. Non ; l'intérêt religieux absorbait tout.

6. Il fallait que les Egyptiens fussent dès ce temps-là très avancés dans les arts mécaniques pour accomplir des travaux qui exigeaient des forces si considérables. Pourriez-vous nous donner une idée des moyens qu'ils employaient ? - R. Des masses d'hommes ont gémi sous le faix de ces pierres qui ont traversé des siècles : l'homme était la machine.

7. Quelle classe d'hommes occupait-on à ces grands travaux ? - R. Ce que vous appelez le peuple.

8. Le peuple était-il à l'état d'esclavage, ou recevait-il un salaire ? - R. La force.

9. D'où venait aux Egyptiens le goût des choses colossales plutôt que celui des choses gracieuses qui distinguait les Grecs quoique ayant la même origine. - R. L'Egyptien était frappé de la grandeur de Dieu ; il cherchait à s'égaler à lui en surpassant ses forces. Toujours l'homme !

10. Puisque vous étiez prêtre à cette époque, veuillez nous dire quelque chose de la religion des anciens Egyptiens. Quelle était la croyance du peuple à l'égard de la Divinité ? - R. Corrompus, ils croyaient à leurs prêtres ; c'étaient des dieux pour eux, ceux-là qui les tenaient courbés.

11. Que pensait-il de l'état de l'âme après la mort ? - R. Il en croyait ce que lui disaient les prêtres.

12. Les prêtres avaient-ils, au double point de vue de Dieu et de l'âme, des idées plus saines que le peuple ? - R. Oui, ils avaient la lumière entre leurs mains ; en la cachant aux autres, ils la voyaient encore.

13. Les grands de l'Etat partageaient-ils les croyances du peuple ou celles des prêtres ? - R. Entre les deux.

14. Quelle était l'origine du culte rendu aux animaux ? - R. Ils voulaient détourner l'homme de Dieu, l'abaisser sous lui-même en lui donnant pour dieux des êtres inférieurs.

15. On conçoit, jusqu'à un certain point, le culte des animaux utiles, mais on ne comprend pas celui des animaux immondes et nuisibles, tels que les serpents, les crocodiles, etc. ! - R. L'homme adore ce qu'il craint. C'était un joug pour le peuple. Les prêtres pouvaient-ils croire à des dieux faits de leurs mains !

16. Par quelle bizarrerie adoraient-ils à la fois le crocodile ainsi que les reptiles, et l'ichneumon et l'ibis qui les détruisaient ? - R. Aberration de l'esprit ; l'homme cherche partout des dieux pour se cacher celui qui est.

17. Pourquoi Osiris était-il représenté avec une tête d'épervier et Anubis avec une tête de chien ? - R. L'Egyptien aimait à personnifier sous de clairs emblèmes : Anubis était bon ; l'épervier qui déchire représentait le cruel Osiris.

18. Comment concilier le respect des Egyptiens pour les morts, avec le mépris et l'horreur qu'ils avaient pour ceux qui les ensevelissaient et les momifiaient ? - R. Le cadavre était un instrument de manifestations : l'Esprit, selon eux, revenait dans le corps qu'il avait animé. Le cadavre, l'un des instruments du culte, était sacré, et le mépris poursuivait celui qui osait violer la sainteté de la mort.

19. La conservation des corps donnait-elle lieu à des manifestations plus nombreuses ?- R. Plus longues ; c'est-à-dire que l'Esprit revenait plus longtemps, tant que l'instrument était docile.

20. La conservation des corps n'avait-elle pas aussi une cause de salubrité, en raison des débordements du Nil ? - R. Oui, pour ceux du peuple.

21. L'initiation aux mystères se faisait-elle en Egypte avec des pratiques aussi rigoureuses qu'en Grèce ? - R. Plus rigoureuses.

22. Dans quel but imposait-on aux initiés des conditions aussi difficiles à remplir ? - R. Pour n'avoir que des âmes supérieures : celles-là savaient comprendre et se taire.

23. L'enseignement donné dans les mystères avait-il pour but unique la révélation des choses extra-humaines, ou bien y enseignait-on aussi les préceptes de la morale et de l'amour du prochain ? - R. Tout cela était bien corrompu. Le but des prêtres était de dominer : ce n'était pas d'instruire.

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Un Marin

Extrait du Livre des Médiums. Témoignage prouvant que les connaissances du médium n'influent pas sur les réponses données par les esprits.

Sur un navire de la marine impériale française, en station dans les mers de la Chine, tout l'équipage, depuis les matelots jusqu'à l'état-major, s'occupait de faire parler les tables. On eut l'idée d'évoquer l'Esprit d'un lieutenant de ce même vaisseau, mort depuis deux ans. Il vint, et, après diverses communications qui frappèrent tout le monde d'étonnement, il dit ce qui suit, par coups frappés : "Je vous prie instamment de faire payer au capitaine la somme de... (il indiquait le chiffre), que je lui dois, et que je regrette de n'avoir pu lui rembourser avant ma mort." Personne ne connaissait le fait ; le capitaine lui-même avait oublié cette créance, assez minime du reste ; mais en cherchant dans ses comptes, il y trouva la mention de la dette du lieutenant, et dont le chiffre indiqué était parfaitement exact. Nous demandons de la pensée de qui cette indication pouvait être le reflet.

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Manifestations à l'Hôpital de Saintes

L'Indépendant de la Charente-Inférieure citait, au mois de mars dernier, le fait suivant qui se serait passé à l'hôpital civil de Saintes :

" On raconte les histoires les plus merveilleuses, et on ne parle d'autre chose en ville, depuis huit jours, que des bruits singuliers qui, toutes les nuits, imitent tantôt le trot d'un cheval, tantôt la marche d'un chien ou d'un chat. Des bouteilles placées sur une cheminée sont lancées à l'autre bout de la chambre. Un paquet de chiffons a été trouvé, un matin, tordu en mille noeuds, qu'il a été impossible de dénouer. Un papier sur lequel on avait écrit : " Que veux-tu ? Que demandes-tu ? " a été laissé, un soir, sur une cheminée ; le lendemain matin, la réponse était inscrite, mais en caractères inconnus et indéchiffrables. Des allumettes placées sur une table de nuit disparaissent comme par enchantement ; enfin, tous les objets changent de place et sont dispersés dans tous les coins. Ces sortilèges ne s'accomplissent jamais que dans l'obscurité de la nuit. Aussitôt qu'une lumière paraît, tout rentre dans le silence ; l'éteint-on, les bruits recommencent aussitôt. C'est un Esprit ami des ténèbres. Plusieurs personnes, des ecclésiastiques, d'anciens militaires, ont couché dans cette chambre ensorcelée, et il leur a été impossible de rien découvrir ni de se rendre compte de ce qu'ils entendaient.

" Un homme de service à l'hôpital, soupçonné d'être l'auteur de ces espiègleries, vient d'être renvoyé. Mais on assure qu'il n'est pas le coupable et qu'il en a, au contraire, été maintes fois la victime lui-même.

" Il paraît qu'il y a plus d'un mois que ce manège a commencé. On a été longtemps sans en rien dire, chacun se méfiant de ses sens et craignant de se faire moquer de soi. Ce n'est que depuis quelques jours qu'on a commencé à en parler. "


REMARQUE. - Nous n'avons pas encore eu le temps de nous assurer de l'authenticité des faits ci-dessus ; nous ne les donnons donc que sous toute réserve ; nous ferons seulement observer que, s'ils sont controuvés, ils n'en sont pas moins possibles et ne présentent rien de plus extraordinaire que beaucoup d'autres du même genre et qui sont parfaitement constatés.

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M. Morisson, monomane



Un journal anglais donnait, au mois de mars dernier, la notice suivante sur M. Morisson, qui vient de mourir en Angleterre laissant une fortune de cent millions de Francs. Il était, dit ce journal, pendant les deux dernières années de sa vie, en proie à une singulière monomanie. Il s'imaginait qu'il était réduit à une pauvreté extrême et devait gagner son pain quotidien par un travail manuel. Sa famille et ses amis avaient reconnu qu'il était inutile de chercher à le détromper ; il était pauvre, il n'avait pas un shilling, il lui fallait travailler pour vivre : c'était sa conviction. On lui mettait donc une bêche en main chaque matin, et on l'envoyait travailler dans ses jardins. On retournait bientôt le chercher, sa tâche était censée finie ; on lui payait alors un modeste salaire pour son travail, et il était content ; son esprit était tranquillisé, sa manie satisfaite. Il eût été le plus malheureux des hommes si on eût cherché à le contrarier.

1. Je prie Dieu tout-puissant de permettre à l'Esprit de Morisson, qui vient de mourir en Angleterre en laissant une fortune considérable, de se communiquer à nous. - R. Il est là.

2. Vous rappelez-vous l'état dans lequel vous étiez pendant les deux dernières années de votre existence corporelle ? - R. Il est toujours le même.

3. Après votre mort, votre Esprit s'est-il ressenti de l'aberration de vos facultés pendant votre vie ? - R. Oui. - Saint Louis complète la réponse en disant spontanément : L'Esprit dégagé du corps se ressent quelque temps de la compression de ses liens.

4. Ainsi, une fois mort, votre Esprit n'a donc pas immédiatement recouvré la plénitude de ses facultés ? - R. Non.

5. Où êtes-vous maintenant ? - R. Derrière Ermance.

6. Etes-vous heureux ou malheureux ? - R. Il me manque quelque chose... Je ne sais quoi... Je cherche... Oui, je souffre.

7. Pourquoi souffrez-vous ? - R. Il souffre du bien qu'il n'a pas fait. (Saint Louis.)

8. D'où vous venait cette manie de vous croire pauvre avec une aussi grande fortune ? - R. Je l'étais ; le vrai riche est celui qui n'a pas de besoins.

9. D'où vous venait surtout cette idée qu'il vous fallait travailler pour vivre ? - R. J'étais fou ; je le suis encore.

10. D'où vous était venue cette folie ? - R. Qu'importe ! j'avais choisi cette expiation.

11. Quelle était la source de votre fortune ? - R. Que t'importe ?

12. Cependant l'invention que vous avez faite n'avait-elle pas pour but de soulager l'humanité ? - R. Et de m'enrichir.

13. Quel usage faisiez-vous de votre fortune quand vous jouissiez de toute votre raison ? - R. Rien ; je le crois : j'en jouissais.

14. Pourquoi Dieu vous avait-il accordé la fortune, puisque vous ne deviez pas en faire un usage utile pour les autres ? - R. J'avais choisi l'épreuve.

15. Celui qui jouit d'une fortune acquise par son travail n'est-il pas plus excusable d'y tenir que celui qui est né au sein de l'opulence et n'a jamais connu le besoin ? - R. Moins. - Saint Louis ajoute : Celui-là connaît la douleur qu'il ne soulage pas.

16. Vous rappelez-vous l'existence qui a précédé celle que vous venez de quitter ? - R. Oui.

17. Qu'étiez-vous alors ? - R. Un ouvrier.

18. Vous nous avez dit que vous êtes malheureux ; voyez-vous un terme à votre souffrance ? - R. Non. - Saint Louis ajoute : Il est trop tôt.

19. De qui cela dépend-il ? - R. De moi. Celui qui est là me l'a dit.

20. Connaissez-vous celui qui est là ? - R. Vous le nommez Louis.

21. Savez-vous ce qu'il a été en France dans le XIII° siècle ? - R. Non... Je le connais par vous... Merci, pour ce qu'il m'a appris.

22. Croyez-vous à une nouvelle existence corporelle ? - R. Oui.

23. Si vous devez renaître à la vie corporelle, de qui dépendre la position sociale que vous aurez ? - R. De moi, je crois. J'ai tant de fois choisi que cela ne peut dépendre que de moi.

Remarque. - Ces mots : J'ai tant de fois choisi, sont caractéristiques. Son état actuel prouve que, malgré ses nombreuses existences, il a peu progressé, et que c'est toujours à recommencer pour lui.

24. Quelle position sociale choisiriez-vous si vous pouviez recommencer ? - R. Basse ; on marche plus sûrement ; on n'est chargé que de soi.

25. (A Saint Louis.) N'y a-t-il pas un sentiment d'égoïsme dans le choix d'une position inférieure où l'on ne doit être chargé que de soi ? - R. Nulle part on n'est chargé que de soi ; l'homme répond de ceux qui l'entourent, non seulement des âmes dont l'éducation lui est confiée, mais même encore des autres : l'exemple fait tout le mal.

26. (A Morisson.) Nous vous remercions d'avoir bien voulu répondre à nos questions, et nous prions Dieu de vous donner la force de supporter de nouvelles épreuves. - R. Vous m'avez soulagé ; j'ai appris.

Remarque. - On reconnaît aisément dans les réponses ci-dessus l'état moral de cet Esprit ; elles sont brèves, et, quand elles ne sont pas monosyllabiques, elles ont quelque chose de sombre et de vague : un fou mélancolique ne parlerait pas autrement. Cette persistance de l'aberration des idées après la mort est un fait remarquable, mais qui n'est pas constant, ou qui présente quelquefois un tout autre caractère. Nous aurons occasion d'en citer plusieurs exemples, ayant été à même d'étudier les différents genres de folie.

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Le Suicidé de la Samaritaine.

Les journaux ont dernièrement rapporté le fait suivant : " Hier (7 avril 1858) vers les sept heures du soir, un homme d'une cinquantaine d'années, et vêtu convenablement, se présenta dans l'établissement de la Samaritaine et se fit préparer un bain. Le garçon de service s'étonnant, après un intervalle de deux heures, que cet individu n'appelât pas, se décida à entrer dans son cabinet pour voir s'il n'était pas indisposé. Il fut alors témoin d'un hideux spectacle : ce malheureux s'était coupé la gorge avec un rasoir, et tout son sang s'était mêlé à l'eau de la baignoire. L'identité n'ayant pu être établie, on a transporté le cadavre à la Morgue. "

Nous avons pensé que nous pourrions puiser un enseignement utile à notre instruction dans un entretien avec l'Esprit de cet homme. Nous l'avons donc évoqué le 13 avril, par conséquent six jours seulement après sa mort.

1. Je prie Dieu tout-puissant de permettre à l'Esprit de l'individu qui s'est suicidé le 7 avril 1858, dans les bains de la Samaritaine, de se communiquer à nous. - R. Attends... (Après quelques secondes :) Il est là.

Remarque. - Pour comprendre cette réponse, il faut savoir qu'il y a généralement, dans toutes les réunions régulières, un Esprit familier : celui du médium ou de la famille, qui est toujours présent sans qu'on l'appelle. C'est lui qui fait venir ceux qu'on évoque, et, selon qu'il est plus ou moins élevé, sert lui-même de messager ou donne des ordres aux Esprits qui lui sont inférieurs. Lorsque nos réunions ont pour interprète Mlle Ermance Dufaux, c'est toujours l'Esprit de saint Louis qui veut bien y assister d'office ; c'est lui qui a fait la réponse ci-dessus.

2. Où êtes-vous maintenant ? - R. Je ne sais... Dites-le-moi, où je suis.

3. Vous êtes rue de Valois (Palais-Royal), n° 35, dans une assemblée de personnes qui s'occupent d'études spirites, et qui sont bienveillantes pour vous. - R. Dites-moi si je vis... J'étouffe dans le cercueil.

4. Qui vous a engagé à venir à nous ? - R. Je me suis senti soulagé.

5. Quel est le motif qui vous a porté à vous suicider ? - R. Suis-je mort ?... Non pas... J'habite mon corps... Vous ne savez pas combien je souffre !... J'étouffe !... Qu'une main compatissante essaye de m'achever !

Remarque. Son âme, quoique séparée du corps, est encore complètement plongée dans ce que l'on pourrait appeler le tourbillon de la matière corporelle ; les idées terrestres sont encore vivaces ; il ne croit pas être mort.

6. Pourquoi n'avez-vous laissé aucune trace qui pût vous faire reconnaître ? - R. Je suis abandonné ; j'ai fui la souffrance pour trouver la torture.

7. Avez-vous maintenant les mêmes motifs de rester inconnu ? - R. Oui ; ne mettez pas un fer rouge dans la blessure qui saigne.

8. Voudriez-vous nous dire votre nom, votre âge, votre profession, votre domicile ? - R. Non... A tout : non...

9. Aviez-vous une famille, une femme, des enfants ? - R. J'étais abandonné ; nul être ne m'aimait.

10. Qu'aviez-vous fait pour n'être aimé de personne ? - R. Combien le sont comme moi !... Un homme peut être abandonné au milieu de sa famille, quand aucun coeur ne l'aime.

11. Au moment d'accomplir votre suicide, n'avez-vous éprouvé aucune hésitation ? - R. J'avais soif de la mort... j'attendais le repos.

12. Comment la pensée de l'avenir ne vous a-t-elle pas fait renoncer à votre projet ? - R. Je n'y croyais plus ; j'étais sans espérance. L'avenir, c'est l'espoir.

13. Quelles réflexions avez-vous faites au moment où vous avez senti la vie s'éteindre en vous ? - R. Je n'ai pas réfléchi ; j'ai senti... Mais ma vie n'est pas éteinte... mon âme est liée à mon corps... je ne suis pas mort, cependant je sens les vers qui me rongent.

14. Quel sentiment avez-vous éprouvé au moment où la mort a été complète ? - R. L'est-elle ?

15. Le moment où la vie s'éteignait en vous a-t-il été douloureux ? - R. Moins douloureux qu'après. Le corps seul a souffert. - Saint Louis continue : L'Esprit se déchargeait d'un fardeau qui l'accablait ; il ressentait la volupté de la douleur. (A Saint Louis.) Cet état est-il toujours la suite du suicide ? - R. Oui ; l'Esprit du suicidé est lié à son corps jusqu'au terme de sa vie. La mort naturelle est l'affaiblissement de la vie : le suicide la brise tout entière.

16. Cet état est-il le même dans toute mort accidentelle indépendante de la volonté, et qui abrège la durée naturelle de la vie ? - R. Non. Qu'entendez-vous par le suicide ? L'Esprit n'est coupable que de ses oeuvres.

Remarque. Nous avions préparé une série de questions que nous nous proposions d'adresser à l'Esprit de cet homme sur sa nouvelle existence ; en présence de ses réponses, elles devenaient sans objet ; il était évident pour nous qu'il n'avait nulle conscience de sa situation ; sa souffrance est la seule chose qu'il ait pu nous dépeindre.

Ce doute de la mort est très ordinaire chez les personnes décédées depuis peu, et surtout chez celles qui, pendant leur vie, n'ont pas élevé leur âme au-dessus de la matière. C'est un phénomène bizarre au premier abord, mais qui s'explique très naturellement. Si à un individu mis en somnambulisme pour la première fois on demande s'il dort, il répond presque toujours non, et sa réponse est logique : c'est l'interrogateur qui pose mal la question en se servant d'un terme impropre. L'idée de sommeil, dans notre langue usuelle, est liée à celle de la suspension de toutes nos facultés sensitives ; or, le somnambule, qui pense et qui voit, qui a conscience de sa liberté morale, ne croit pas dormir, et en effet il ne dort pas, dans l'acception vulgaire du mot. C'est pourquoi il répond non jusqu'à ce qu'il soit familiarisé avec cette nouvelle manière d'entendre la chose. Il en est de même chez l'homme qui vient de mourir ; pour lui la mort c'était le néant ; or, comme le somnambule, il voit, il sent, il parle ; donc pour lui il n'est pas mort, et il le dit jusqu'à ce qu'il ait acquis l'intuition de son nouvel état.

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Le Tambour de la Bérésina

Quelques personnes étant réunies chez nous à l'effet de constater certaines manifestations, les faits suivants se produisirent pendant plusieurs séances et donnèrent lieu à l'entretien que nous allons rapporter, et qui présente un haut intérêt au point de vue de l'étude.

L'Esprit se manifesta par des coups frappés, non avec le pied de la table, mais dans le tissu même du bois. L'échange de pensées qui eut lieu en cette circonstance entre les assistants et l'être invisible ne permettait pas de douter de l'intervention d'une intelligence occulte. Outre les réponses faites à diverses questions, soit par oui et par non, soit au moyen de la typtologie alphabétique, les coups battaient à volonté une marche quelconque, le rythme d'un air, imitaient la fusillade et la canonnade d'une bataille, le bruit du tonnelier, du cordonnier, faisaient l'écho avec une admirable précision, etc. Puis eut lieu le mouvement d'une table et sa translation sans aucun contact des mains, les assistants se tenant écartés ; un saladier ayant été placé sur la table, au lieu de tourner, se mit à glisser en ligne droite, également sans le contact des mains. Les coups se faisaient entendre pareillement dans divers meubles de la chambre, quelquefois simultanément, d'autres fois comme s'ils se fussent répondus.

L'Esprit paraissait avoir une prédilection marquée pour les batteries de tambour, car il y revenait à chaque instant sans qu'on les lui demandât ; souvent à certaines questions, au lieu de répondre, il battait la générale ou le rappel. Interrogé sur plusieurs particularités de sa vie, il dit s'appeler Célima, être né a Paris, mort depuis quarante-cinq ans, et avoir été tambour.

Parmi les assistants, outre le médium spécial à influences physiques qui servait aux manifestations, il y avait un excellent médium écrivain qui put servir d'interprète à l'Esprit, ce qui permit d'obtenir des réponses plus explicites. Ayant confirmé, par la psychographie, ce qu'il avait dit au moyen de la typtologie sur son nom, le lieu de sa naissance et l'époque de sa mort, on lui adressa la série des questions suivantes, dont les réponses offrent plusieurs traits caractéristiques et qui corroborent certaines parties essentielles de la théorie.

1. Ecris-nous quelque chose, ce que tu voudras ? - R. Ran plan plan, ran plan plan.

2. Pourquoi écris-tu cela ? - R. J'étais tambour.

3. Avais-tu reçu quelque instruction ? - R. Oui.

4. Où as-tu fait tes études ? - R. Aux Ignorantins.

5. Tu nous parais être jovial ? - R. Je le suis beaucoup.

6. Tu nous as dit une fois que, de ton vivant, tu aimais un peu trop à boire ; est-ce vrai ? - R. J'aimais tout ce qui était bon.

7. Etais-tu militaire ? - R. Mais oui, puisque j'étais tambour.

8. Sous quel gouvernement as-tu servi ? - R. Sous Napoléon le Grand.

9. Peux-tu nous citer une des batailles auxquelles tu as assisté ? - R. La Bérésina.

10. Est-ce là que tu es mort ? - R. Non.

11. Etais-tu à Moscou ? - R. Non.

12. Où es-tu mort ? - R. Dans les neiges.

13. Dans quel corps servais-tu ? - R. Dans les fusiliers de la garde.

14. Aimais-tu bien Napoléon le Grand ? - R. Comme nous l'aimions tous, sans savoir pourquoi.

15. Sais-tu ce qu'il est devenu depuis sa mort ? - R. Je ne me suis plus occupé que de moi depuis ma mort.

16. Es-tu réincarné ? - R. Non, puisque je viens causer avec vous.

17. Pourquoi te manifestes-tu par des coups sans qu'on t'ait appelé ? - R. Il faut faire du bruit pour ceux dont le coeur ne croit pas. Si vous n'en avez pas assez, je vais vous en donner encore.

18. Est-ce de ta propre volonté que tu es venu frapper, ou bien un autre Esprit t'a-t-il forcé de le faire ? - R. C'est de ma bonne volonté que je viens ; il y en a bien un que vous appelez Vérité qui peut m'y forcer aussi ; mais il y a longtemps que j'avais voulu venir.

19. Dans quel but voulais-tu venir ? - R. Pour m'entretenir avec vous ; c'est ce que je voulais ; mais il y avait quelque chose qui m'en empêchait. J'y ai été forcé par un Esprit familier de la maison qui m'a engagé à me rendre utile aux personnes qui me demanderaient de faire des réponses. - Cet Esprit a donc beaucoup de pouvoir, puisqu'il commande ainsi aux autres Esprits ? - R. Plus que vous ne croyez, et il n'en use que pour le bien.

Remarque. L'Esprit familier de la maison se fait connaître sous le nom allégorique de la Vérité, circonstance ignorée du médium.

20. Qu'est-ce qui t'en empêchait ? - R. Je ne sais pas ; quelque chose que je ne comprends pas.

21. Regrettes-tu la vie ? - R. Non, je ne regrette rien.

22. Laquelle préfères-tu de ton existence actuelle ou de ton existence terrestre ? - R. Je préfère l'existence des Esprits à l'existence du corps.

23. Pourquoi cela ? - R. Parce qu'on est bien mieux que sur la terre ; c'est le purgatoire sur la terre, et tout le temps que j'y ai vécu, je désirais toujours la mort.

24. Souffres-tu dans ta nouvelle situation ? - R. Non ; mais je ne suis pas encore heureux.

25. Serais-tu satisfait d'avoir une nouvelle existence corporelle ? - R. Oui, parce que je sais que je dois monter.

26. Qui te l'a dit ? - R. Je le sens bien.

27. Seras-tu bientôt réincarné ? - R. Je ne sais pas.

28. Vois-tu d'autres Esprits autour de toi ? - R. Oui, beaucoup.

29. Comment sais-tu que ce sont des Esprits ? - R. Entre nous, nous nous voyons tels que nous sommes.

30. Sous quelle apparence les vois-tu ? - R. Comme on peut voir des Esprits, mais non par les yeux.

31. Et toi, sous quelle forme es-tu ici ? - R. Sous celle que j'avais de mon vivant ; c'est-à-dire en tambour.

32. Et les autres Esprits, les vois-tu sous la forme qu'ils avaient de leur vivant ? - R. Non, nous ne prenons une apparence que lorsque nous sommes évoqués, autrement nous nous voyons sans forme.

33. Nous vois-tu aussi nettement que si tu étais vivant ? - R. Oui, parfaitement.

34. Est-ce par les yeux que tu nous vois ? - R. Non ; nous avons une forme, mais nous n'avons pas de sens ; notre forme n'est qu'apparente.

Remarque. - Les Esprits ont assurément des sensations, puisqu'ils perçoivent, autrement ils seraient inertes ; mais leurs sensations ne sont point localisées comme lorsqu'ils ont un corps : elles sont inhérentes à tout leur être.

35. Dis-nous positivement à quelle place tu es ici ? - R. Je suis près de la table, entre le médium et vous.

36. Quand tu frappes, es-tu sous la table, ou dessus, ou dans l'épaisseur du bois ? - R. Je suis à côté ; je ne me mets pas dans le bois : il suffit que je touche la table.

37. Comment produis-tu les bruits que tu fais entendre ? - R. Je crois que c'est par une sorte de concentration de notre force.

38. Pourrais-tu nous expliquer la manière dont se produisent les différents bruits que tu imites, les grattements, par exemple ? - R. Je ne saurais trop préciser la nature des bruits ; c'est difficile à expliquer. Je sais que je gratte, mais je ne puis expliquer comment je produis ce bruit que vous appelez grattement.

39. Pourrais-tu produire les mêmes bruits avec tout médium quelconque ? - R. Non, il y a des spécialités dans tous les médiums ; tous ne peuvent pas agir de la même façon.

40. Vois-tu parmi nous quelqu'un, autre que le jeune S... (le médium à l'influence physique par lequel cet Esprit se manifeste), qui pourrait t'aider à produire les mêmes effets ? - R. Je n'en vois pas pour le moment ; avec lui je suis très disposé à le faire.

41. Pourquoi avec lui plutôt qu'avec un autre ? - R. Parce que je le connais davantage, et qu'ensuite il est plus apte qu'un autre à ce genre de manifestations.

42. Le connaissais-tu d'ancienne date ; avant son existence actuelle ? - R. Non ; je ne le connais que depuis peu de temps ; j'ai été en quelque sorte attiré vers lui pour en faire mon instrument.

43. Quand une table se soulève en l'air sans point d'appui, qu'est-ce qui la soutient ? - R. Notre volonté qui lui a ordonné d'obéir, et aussi le fluide que nous lui transmettons.

Remarque. - Cette réponse vient à l'appui de la théorie qui nous a été donnée, et que nous avons rapportée dans les n° 5 et 6 de cette Revue, sur la cause des manifestations physiques.

44. Pourrais-tu le faire ? - R. je le pense ; j'essayerai lorsque le médium sera venu. (Il était absent en ce moment.)

45. De qui cela dépend-il ? - R. Cela dépend de moi, puisque je me sers du médium comme instrument.

46. Mais la qualité de l'instrument n'est-elle pas pour quelque chose ? - R. Oui, elle m'aide beaucoup, puisque j'ai dit que je ne pouvais le faire avec d'autres aujourd'hui.

Remarque. - Dans le courant de la séance on essaya l'enlèvement de la table, mais on ne réussit pas, probablement parce qu'on n'y mit pas assez de persévérance ; il y eut des efforts évidents et des mouvements de translation sans contact ni imposition des mains. Au nombre des expériences qui furent faites, fut celle de l'ouverture de la table à l'endroit des rallonges ; cette table offrant beaucoup de résistance par sa mauvaise construction, on la tenait d'un côté, tandis que l'Esprit tirait de l'autre et la faisait ouvrir.

47. Pourquoi, l'autre jour, les mouvements de la table s'arrêtaient-ils chaque fois que l'un de nous prenait la lumière pour regarder dessous ? - R. Parce que je voulais punir votre curiosité.

48. De quoi t'occupes-tu dans ton existence d'Esprit, car enfin tu ne passes pas ton temps à frapper ? - R. J'ai souvent des missions à remplir ; nous devons obéir à des ordres supérieurs, et surtout lorsque nous avons du bien à faire par notre influence sur les humains.

49. Ta vie terrestre n'a sans doute pas été exempte de fautes ; les reconnais-tu maintenant ? - R. Oui, je les expie justement en restant stationnaire parmi les Esprits inférieurs ; je ne pourrai me purifier davantage que lorsque je prendrai un autre corps.

50. Quand tu faisais entendre des coups dans un autre meuble en même temps que dans la table, est-ce toi qui les produisais ou un autre Esprit ? - R. C'était moi.

51. Tu étais donc seul ? - R. Non, mais je remplissais seul la mission de frapper.

52. Les autres Esprits qui étaient là t'aidaient-ils à quelque chose ? - R. Non pour frapper, mais pour parler.

53. Alors ce n'étaient pas des Esprits frappeurs ? - R. Non, la Vérité n'avait permis qu'à moi de frapper.

54. Les Esprits frappeurs ne se réunissent-ils pas quelquefois en nombre afin d'avoir plus de puissance pour produire certains phénomènes ? - R. Oui, mais pour ce que je voulais faire je pouvais suffire seul.

55. Dans ton existence spirite, es-tu toujours sur la terre ? - R. Le plus souvent dans l'espace.

56. Vas-tu quelquefois dans d'autres mondes, c'est-à-dire dans d'autres globes ? - R. Non dans de plus parfaits, mais dans des mondes inférieurs.

57. T'amuses-tu quelquefois à voir et à entendre ce que font les hommes ? - Non ; quelquefois pourtant j'en ai pitié.

58. Quels sont ceux vers lesquels tu vas de préférence ? - R. Ceux qui veulent croire de bonne foi.

59. Pourrais-tu lire dans nos pensées ? - R. Non, je ne lis pas dans les âmes ; je ne suis pas assez parfait pour cela.

60. Cependant tu dois connaître nos pensées, puisque tu viens parmi nous ; autrement comment pourrais-tu savoir si nous croyons de bonne foi ? - R. je ne lis pas, mais j'entends.

Remarque. - La question 58 avait pour but de lui demander quels sont ceux vers lesquels il va de préférence spontanément, dans sa vie d'Esprit, sans être évoqué ; par l'évocation il peut, comme Esprit d'un ordre peu élevé, être contraint de venir même dans un milieu qui lui déplairait. D'un autre côté, sans lire à proprement parler dans nos pensées, il pouvait certainement voir que les personnes n'étaient réunies que dans un but sérieux, et, par la nature des questions et des conversations qu'il entendait, juger que l'assemblée était composée de personnes sincèrement désireuses de s'éclairer.

61. As-tu retrouvé dans le monde des Esprits quelques-uns de tes anciens camarades de l'armée ? - R. Oui, mais leurs positions étaient si différentes que je ne les ai pas tous reconnus.

62. En quoi consistait cette différence ? - R. Dans l'ordre heureux ou malheureux de chacun.

62. Que vous êtes-vous dit en vous retrouvant ? - R. Je leur disais : Nous allons monter vers Dieu qui le permet.

63. Comment entendais-tu monter vers Dieu ? - R. Un degré de plus de franchi, c'est un degré de plus vers lui.

64. Tu nous as dit que tu es mort dans les neiges, par conséquent tu es mort de froid ? - R. De froid et de besoin.

65. As-tu eu immédiatement la conscience de ta nouvelle existence ? - R. Non, mais je n'avais plus froid.

66. Es-tu quelquefois retourné vers l'endroit où tu as laissé ton corps ? - R. Non, il m'avait trop fait souffrir.

67. Nous te remercions des explications que tu as bien voulu nous donner ; elles nous ont fourni d'utiles sujets d'observation pour nous perfectionner dans la science spirite ? - R. Je suis tout à vous.

Remarque. - Cet Esprit, comme on le voit, est peu avancé dans la hiérarchie spirite : il reconnaît lui-même son infériorité. Ses connaissances sont bornées ; mais il y a chez lui du bon sens, des sentiments honorables et de la bienveillance. Sa mission, comme Esprit, est assez infime, puisqu'il remplit le rôle d'Esprit frappeur pour appeler les incrédules à la foi ; mais, au théâtre même, l'humble costume de comparse ne peut-il couvrir un coeur honnête ? Ses réponses ont la simplicité de l'ignorance ; mais, pour n'avoir pas l'élévation du langage philosophique des Esprits supérieurs, elles n'en sont pas moins instructives comme étude de moeurs spirites, si nous pouvons nous exprimer ainsi. C'est seulement en étudiant toutes les classes de ce monde qui nous attend, qu'on peut arriver à le connaître, et y marquer en quelque sorte d'avance la place que chacun de nous peut y occuper. En voyant la situation que s'y sont faite par leurs vices et leurs vertus les hommes qui ont été nos égaux ici-bas, c'est un encouragement pour nous élever le plus possible dès celui-ci : c'est l'exemple à côté du précepte. Nous ne saurions trop le répéter, pour bien connaître une chose et s'en faille une idée exempte d'illusions, il faut la voir sous toutes ses faces, de même que le botaniste ne peut connaître le règne végétal qu'en l'observant depuis l'humble cryptogame caché sous la mousse jusqu'au chêne qui s'élève dans les airs.

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L'Esprit frappeur de Dibbelsdorf (BASSE-SAXE) - Extrait le Revue Spirite d'Août 1858



Traduit de l'allemand, du docteur KERNER, par M. Alfred PIREAUX.

L'histoire de l'Esprit frappeur de Dibbelsdorf renferme à côté de sa partie comique une partie instructive, ainsi que cela ressort des extraits de vieux documents publiés en 1811 par le prédicateur Capelle.

Dans le dernier mois de l'année 1761, le 2 décembre, à six heures du soir, une sorte de martèlement paraissant venir d'en bas se fit entendre dans une chambre habitée par Antoine Kettelhut. Celui-ci l'attribuant à son domestique qui voulait s'égayer aux dépens de la servante, alors dans la chambre des fileuses, sortit pour jeter un seau d'eau sur la tête du plaisant ; mais il ne trouva personne dehors. Une heure après, le même bruit recommence et l'on pense qu'un rat peut bien en être la cause. Le lendemain donc on sonde les murs, le plafond, le parquet, et pas la moindre trace de rats.

Le soir, même bruit ; on juge alors la maison dangereuse à habiter, et les servantes ne veulent plus rester dans la chambre aux veillées. Bientôt après le bruit cesse, mais pour se reproduire à cent pas de là, dans la maison de Louis Kettelhut, frère d'Antoine, et avec une force inusitée. C'était dans un coin de la chambre que la chose frappante se manifestait.

A la fin cela devint suspect aux paysans, et le bourgmestre en fit part à la justice qui d'abord ne voulut pas s'occuper d'une affaire qu'elle regardait comme ridicule ; mais, sur les pressantes instances des habitants, elle se transporta, le 6 janvier 1762, à Dibbelsdorf pour examiner le fait avec attention. Les murs et les plafonds démolis n'amenèrent aucun résultat, et la famille Kettelhut jura qu'elle était tout à fait étrangère à la chose.

Jusqu'alors on ne s'était pas encore entretenu avec le frappeur. Un individu de Naggam s'armant de courage demande : Esprit frappeur, es-tu encore là ? Et un coup se fit entendre. - Peux-tu me dire comment je m'appelle ? Parmi plusieurs noms qu'on lui désigna l'Esprit frappa à celui de l'interrogateur. - Combien y a-t-il de boutons à mon vêtement ? 36 coups furent frappés. On compte les boutons, il en a juste 36.

A partir de ce moment, l'histoire de l'Esprit frappeur se répandit dans les environs, et tous les soirs des centaines de Brunswickois se rendaient à Dibbelsdorf, ainsi que des Anglais et une foule de curieux étrangers ; la foule devint telle que la milice locale ne pouvait la contenir ; les paysans durent renforcer la garde de nuit et l'on fut obligé de ne laisser pénétrer les visiteurs que les uns après les autres.

Ce concours de monde parut exciter l'Esprit à des manifestations plus extraordinaires, et il s'éleva à des marques de communication qui prouvaient son intelligence. Jamais il ne fut embarrassé dans ses réponses : désirait-on savoir le nombre et la couleur des chevaux qui stationnaient devant la maison ? il l'indiquait très exactement ; ouvrait-on un livre de chant en posant à tout hasard le doigt sur une page et en demandant le numéro du morceau de chant inconnu même de l'interrogateur, aussitôt une série de coups indiquait parfaitement le numéro désigné. L'Esprit ne faisait pas attendre sa réponse, car elle suivait immédiatement la question. Il annonçait aussi combien il y avait de personnes dans la chambre, combien il y en avait dehors, désignait la couleur des cheveux, des vêtements, la position et la profession des individus.

Parmi les curieux se trouvait un jour un homme de Hettin, tout à fait inconnu à Dibbelsdorf et habitant depuis peu Brunswick. Il demanda à l'Esprit le lieu de sa naissance, et, afin de l'induire en erreur, lui cita un grand nombre de villes ; quand il arriva au nom de Hettin un coup se fit entendre. Un bourgeois rusé, croyant mettre l'Esprit en défaut, lui demanda combien il avait de pfennigs dans sa poche ; il lui fut répondu 681, nombre exact. Il dit à un pâtissier combien il avait fait de biscuits le matin, à un marchand combien il avait vendu d'aunes de rubans la veille ; à un autre la somme d'argent qu'il avait reçue l'avant-veille par la poste. Il était d'humeur assez gaie, battait la mesure quand on le désirait, et quelquefois si fort que le bruit en était assourdissant. Le soir, au moment du repas, après le bénédicité, il frappa à Amen. Cette marque de dévotion n'empêcha pas qu'un sacristain, revêtu du grand costume d'exerciseur, n'essayât de déloger l'Esprit de son coin : la conjuration échoua.

L'Esprit ne redoutait rien, et il se montra aussi sincère dans ses réponses au duc régnant Charles et à son frère Ferdinand qu'à toute autre personne de moindre condition. L'histoire prend alors une tournure plus sérieuse. Le duc charge un médecin et des docteurs en droit de l'examen du fait. Les savants expliquèrent le frappement par la présence d'une source souterraine. Ils firent creuser à huit pieds de profondeur, et naturellement trouvèrent l'eau, attendu que Dibbelsdorf est situé dans un fond ; l'eau jaillissante inonda la chambre, mais l'Esprit continua à frapper dans son coin habituel. Les hommes de science crurent alors être dupes d'une mystification, et ils firent au domestique l'honneur de le prendre pour l'Esprit si bien instruit. Son intention, disaient-ils, est d'ensorceler la servante. Tous les habitants du village furent invités à rester chez eux à un jour fixe ; le domestique fut gardé à vue, car, d'après l'opinion des savants, il devait être le coupable ; mais l'Esprit répondit de nouveau à toutes les questions. Le domestique, reconnu innocent, fut rendu à la liberté. Mais la justice voulait un auteur du méfait ; elle accusa les époux Kettelhut du bruit dont ils se plaignaient, bien que ce fussent des personnes très bienveillantes, honnêtes et irréprochables en toutes choses, et que les premiers ils se fussent adressés à l'autorité dès l'origine des manifestations. On força, par des promesses et des menaces, une jeune personne à témoigner contre ses maîtres. En conséquence ceux-ci furent mis en prison, malgré les rétractations ultérieures de la jeune fille, et l'aveu formel que ses premières déclarations étaient fausses et lui avaient été arrachées par les juges. L'Esprit continuant à frapper, les époux Kettelhut n'en furent pas moins tenus en prison pendant trois mois, au bout desquels on les renvoya sans indemnité, bien que les membres de la commission eussent résumé ainsi leur rapport : " Tous les moyens possibles pour découvrir la cause du bruit ont été infructueux ; l'avenir peut-être nous éclairera à ce sujet. " - L'avenir n'a encore rien appris.

L'Esprit frappeur se manifesta depuis le commencement de décembre jusqu'en mars, époque à laquelle il cessa de se faire entendre. On revint à l'opinion que le domestique, déjà incriminé, devait être l'auteur de tous ces tours ; mais comment aurait-il pu éviter les pièges que lui tendaient des ducs, des médecins, des juges et tant d'autres personnes qui l'interrogeaient ?

Remarque. - Si l'on veut bien se reporter à la date où se passaient les choses que nous venons de rapporter, et les comparer à celles qui ont lieu de nos jours, on y trouvera une identité parfaite, dans le mode des manifestations et jusque dans la nature des questions et des réponses. L'Amérique et notre époque n'ont donc pas découvert les Esprits frappeurs, non plus que les autres, ainsi que nous le démontrerons par d'innombrables faits authentiques plus ou moins anciens. Il y a pourtant entre les phénomènes actuels et ceux d'autrefois une différence capitale : c'est que ces derniers étaient presque tous spontanés, tandis que les nôtres se produisent presque à la volonté de certains médiums spéciaux. Cette circonstance a permis de les mieux étudier et d'en approfondir la cause. A cette conclusion des juges : " L'avenir peut-être nous éclairera à ce sujet, " l'auteur ne répondrait pas aujourd'hui : L'avenir n'a rien appris. Si cet auteur vivait, il saurait que l'avenir, au contraire, a tout appris, et la justice de nos jours, plus éclairée qu'il y a un siècle, ne commettrait pas, à propos des manifestations spirites, des bévues qui rappellent celles du moyen âge. Nos savants eux-mêmes ont pénétré trop avant dans les mystères de la nature pour ne pas savoir faire la part des causes inconnues ; ils ont trop de sagacité pour s'exposer, comme ont fait leurs devanciers, à recevoir les démentis de la postérité au détriment de leur réputation. Si une chose vient à poindre à l'horizon, ils ne se hâtent pas de dire : " Ce n'est rien, " de peur que ce rien ne soit un navire ; s'ils ne le voient pas, ils se taisent et attendent : c'est la vraie sagesse.

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Un avertissement d'outre-tombe. - Extrait le Revue Spirite de Septembre 1858

Le fait suivant est rapporté par la Patrie du 15 août 1858 :

" Mardi dernier, je me suis engagé, assez imprudemment peut-être, à vous conter une histoire émouvante. J'aurais dû songer à une chose : c'est qu'il n'y a pas d'histoires émouvantes, il n'y a que des histoires bien contées, et le même récit, fait par deux narrateurs différents, peut endormir un auditoire ou lui donner la chair de poule. Que ne me suis-je entendu avec mon compagnon de voyage de Cherbourg à Paris, M. B..., de qui je tiens l'anecdote merveilleuse ! si j'avais sténographié sa narration, j'aurais vraiment quelque chance de vous faire frissonner.

" Mais j'ai eu le tort de m'en rapporter à ma détestable mémoire, et je le regrette vivement. Enfin, vaille que vaille, voici l'aventure, et le dénouement vous prouvera qu'aujourd'hui, 15 août, elle est tout à l'ait de circonstance.

" M. de S... (un nom historique porté aujourd'hui encore avec honneur) était officier sous le Directoire. Pour son plaisir ou pour les besoins de son service il faisait route vers l'Italie.

" Dans un de nos départements du centre, il fut surpris par la nuit et s'estima heureux de trouver un gîte sous le toit d'une espèce de baraque de mine suspecte, où on lui offrit un mauvais souper et un grabat dans un grenier.

" Habitué à la vie d'aventures et au rude métier de la guerre, M. de S... mangea de bon appétit, se coucha sans murmurer et s'endormit profondément.

" Son sommeil fut troublé par une apparition redoutable. Il vit un spectre se dresser dans l'ombre, marcher d'un pas lourd vers son grabat et s'arrêter à la hauteur de son chevet. C'était un homme d'une cinquantaine d'années, dont les cheveux gris et hérissés étaient rouges de sang ; il avait la poitrine nue, et sa gorge ridée était coupée de blessures béantes. Il resta un moment silencieux, fixant ses yeux noirs et profonds sur le voyageur endormi ; puis sa pâle figure s'anima, ses prunelles rayonnèrent comme deux charbons ardents ; il parut faire un violent effort, et, d'une voix sourde et tremblante, il prononça ces paroles étranges :

" - Je te connais, tu es soldat comme moi, comme moi homme de coeur et incapable de manquer à ta parole. Je viens te demander un service que d'autres m'ont promis et qu'ils ne m'ont point rendu. Il y a trois semaines que je suis mort ; l'hôte de cette maison, aidé par sa femme, m'a surpris pendant mon sommeil et m'a coupé la gorge. Mon cadavre est caché sous un tas de fumier, à droite, au fond de la basse-cour. Demain, va trouver l'autorité du lieu, amène deux gendarmes et fais-moi ensevelir. L'hôte et sa femme se trahiront d'eux-mêmes et tu les livreras à la justice. Adieu, je compte sur ta pitié ; n'oublie pas la prière d'un ancien compagnon d'armes.

" M. de S..., en s'éveillant, se souvint de son rêve. La tête appuyée sur le coude, il se prit à méditer ; son émotion était vive, mais elle se dissipa devant les premières clartés du jour, et il se dit comme Athalie :

Un songe ! me devrais-je inquiéter d'un songe ?

Il fit violence à son coeur, et, n'écoutant que sa raison, il boucla sa valise et continua sa route.

" Le soir, il arriva à sa nouvelle étape et s'arrêta pour passer la nuit dans une auberge. Mais à peine avait-il fermé les yeux, que le spectre lui apparut une seconde fois, triste et presque menaçant.

" - Je m'étonne et je m'afflige, dit le fantôme, de voir un homme comme toi se parjurer et faillir à son devoir. J'attendais mieux de ta loyauté. Mon corps est sans sépulture, mes assassins vivent en paix. Ami, ma vengeance est dans ta main ; au nom de l'honneur, je te somme de revenir sur tes pas.

" M. de S... passa le reste de la nuit dans une grande agitation ; le jour venu, il eut honte de sa frayeur et continua son voyage.

" Le soir, troisième halte, troisième apparition. Cette fois, le fantôme était plus livide et plus terrible ; un sourire amer errait sur ses lèvres blanches ; il parla d'une voix rude :

" - Il paraît que je t'avais mal jugé : il paraît que ton coeur, comme celui des autres, est insensible aux prières des infortunés. Une dernière fois je viens invoquer ton aide et faire appel à ta générosité. Retourne à X..., venge-moi, ou sois maudit.

" Cette fois, M. de S... ne délibéra plus : il rebroussa chemin jusqu'à l'auberge suspecte où il avait passé la première de ces nuits lugubres. Il se rendit chez le magistrat, et demanda deux gendarmes. A sa vue, à la vue des deux gendarmes, les assassins pâlirent, et avouèrent leur crime, comme si une force supérieure leur eût arraché cette confession fatale.

" Leur procès s'instruisit rapidement, et ils furent condamnés à mort. Quant au pauvre officier, dont on retrouva le cadavre sous le tas de fumier, à droite, au fond de la basse-cour, il fut enseveli en terre sainte, et les prêtres prièrent pour le repos de son âme.

" Ayant accompli sa mission, M. de S... se hâta de quitter le pays et courut vers les Alpes sans regarder derrière lui.

" La première fois qu'il se reposa dans un lit, le fantôme se dressa encore devant ses yeux, non plus farouche et irrité, mais doux et bienveillant.

" - Merci, dit-il, merci, frère. Je veux reconnaître le service que tu m'as rendu : je me montrerai à toi une fois encore, une seule ; deux heures avant ta mort, je viendrai t'avertir. Adieu.

" M. de S... avait alors trente ans environ ; pendant trente ans, aucune vision ne vint troubler la quiétude de sa vie. Mais en 182., le 14 août, veille de la fête de Napoléon, M. de S..., qui était resté fidèle au parti bonapartiste, avait réuni dans un grand dîner une vingtaine d'anciens soldats de l'empire. La fête avait été fort gaie, l'amphitryon, bien que vieux, était vert et bien portant. On était au salon et l'on prenait le café.

" M. de S... eut envie de priser et s'aperçut qu'il avait oublié sa tabatière dans sa chambre. Il avait l'habitude de se servir lui-même ; il quitta un moment ses hôtes et monta au premier étage de sa maison, où se trouvait sa chambre à coucher.

" Il n'avait point pris de lumière.

" Quand il entra dans un long couloir qui conduisait à sa chambre, il s'arrêta tout à coup, et fut forcé de s'appuyer contre la muraille. Devant lui, à l'extrémité de la galerie, se tenait le fantôme de l'homme assassiné ; le fantôme ne prononça aucune parole, ne fit aucun geste, et, après une seconde, disparut.

" C'était l'avertissement promis.

" M. de S..., qui avait l'âme forte, après un moment de défaillance, retrouva son courage et son sang-froid, marcha vers sa chambre, y prit sa tabatière et redescendit au salon.

" Quand il y entra, aucun signe d'émotion ne parut sur son visage. Il se mêla à la conversation, et, pendant une heure, montra tout son esprit et tout son enjouement ordinaires.

" A minuit, ses invités se retirèrent. Alors, il s'assit et passa trois quarts d'heure dans le recueillement ; puis, ayant mis ordre à ses affaires, bien qu'il ne se sentît aucun malaise, il regagna sa chambre à coucher.

" Quand il en ouvrit la porte, un coup de feu l'étendit raide mort, deux heures juste après l'apparition du fantôme.

" La balle qui lui fracassa le crâne était destinée à son domestique.

" HENRY D'AUDIGIER. "

L'auteur de l'article a-t-il voulu, à tout prix, tenir la promesse qu'il avait faite au journal de raconter quelque chose d'émouvant, et a-t-il à cet effet puisé l'anecdote qu'il rapporte dans sa féconde imagination, ou bien est-elle réelle ? C'est ce que nous ne saurions affirmer. Du reste, là n'est pas le plus important ; vrai ou supposé, l'essentiel est de savoir si le fait est possible. Eh bien ! nous n'hésitons pas à dire : Oui, les avertissements d'outre-tombe sont possibles, et de nombreux exemples, dont l'authenticité ne saurait être révoquée en doute, sont là pour l'attester. Si donc l'anecdote de M. Henry d'Audigier est apocryphe, beaucoup d'autres du même genre ne le sont pas, nous dirons même que celle-ci n'offre rien que d'assez ordinaire. L'apparition a eu lieu en rêve, circonstance très vulgaire, tandis qu'il est notoire qu'elles peuvent se produire à la vue pendant l'état de veille. L'avertissement de l'instant de la mort n'est point non plus insolite, mais les faits de ce genre sont beaucoup plus rares, parce que la Providence, dans sa sagesse, nous cache ce moment fatal. Ce n'est donc qu'exceptionnellement qu'il peut nous être révélé, et par des motifs qui nous sont inconnus. En voici un autre exemple plus récent, moins dramatique, il est vrai, mais dont nous pouvons garantir l'exactitude.

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Un avertissement d'outre-tombe 2. - Extrait le Revue Spirite de Septembre 1858

M. Watbled, négociant, président du tribunal de commerce de Boulogne, est mort le 12 juillet dernier dans les circonstances suivantes : Sa femme, qu'il avait perdue depuis douze ans, et dont la mort lui causait des regrets incessants, lui apparut pendant deux nuits consécutives dans les premiers jours de juin et lui dit : " Dieu prend pitié de nos peines et veut que nous soyons bientôt réunis. " Elle ajouta que le 12 juillet suivant était le jour marqué pour cette réunion, et qu'il devait en conséquence s'y préparer. De ce moment, en effet, un changement remarquable s'opéra en lui : il dépérissait de jour en jour, bientôt il prit le lit, et, sans souffrance aucune, au jour marqué, il rendit le dernier soupir entre les bras de ses amis.

Le fait en lui-même n'est pas contestable ; les sceptiques ne peuvent qu'argumenter sur la cause, qu'ils ne manqueront pas d'attribuer à l'imagination. On sait que de pareilles prédictions, faites par des diseurs de bonne aventure, ont été suivies d'un dénouement fatal ; on conçoit, dans ce cas, que l'imagination étant frappée de cette idée, les organes puissent en éprouver une altération radicale : la peur de mourir a plus d'une fois causé la mort ; mais ici les circonstances ne sont plus les mêmes. Ceux qui ont approfondi les phénomènes du Spiritisme peuvent parfaitement se rendre compte du fait ; quant aux sceptiques, ils n'ont qu'un argument : " Je ne crois pas, donc cela n'est pas. " Les Esprits, interrogés à ce sujet, ont répondu : " Dieu a choisi cet homme, qui était connu de tous, afin que cet événement s'étendît au loin et donnât à réfléchir. " - Les incrédules demandent sans cesse des preuves ; Dieu leur en donne à chaque instant par les phénomènes qui surgissent de toutes parts ; mais à eux s'appliquent ces paroles : " Ils ont des yeux et ne verront point ; ils ont des oreilles et n'entendront point. "

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Madame Schwabenhaus. Léthargie extatique. - Extrait le Revue Spirite de Septembre 1858



Plusieurs journaux, d'après le Courrier des Etats-Unis, ont rapporté le fait suivant, qui nous a paru de nature à fournir le sujet d'une étude intéressante :

" Une famille allemande de Baltimore vient, dit le Courrier des Etats-Unis, d'être vivement émue par un singulier cas de mort apparente. Madame Schwabenhaus, malade depuis longtemps, paraissait avoir rendu le dernier soupir dans la nuit du lundi au mardi. Les personnes qui la soignaient purent observer sur elle tous les symptômes de la mort : son corps était glacé, ses membres raides. Après avoir rendu au cadavre les derniers devoirs, et quand tout fut prêt dans la chambre mortuaire pour l'enterrement, les assistants allèrent prendre quelque repos. M. Schwabenhaus, épuisé de fatigue, les suivit bientôt. Il était livré à un sommeil agité, quand, vers six heures du matin, la voix de sa femme vint frapper son oreille. Il crut d'abord être le jouet d'un rêve ; mais son nom, répété à plusieurs reprises, ne lui laissa bientôt aucun doute, et il se précipita dans la chambre de sa femme. Celle qu'on avait laissée pour morte était assise dans son lit, paraissant jouir de toutes ses facultés, et plus forte qu'elle ne l'avait jamais été depuis le commencement de sa maladie.

" Madame Schwabenhaus demanda de l'eau, puis désira ensuite boire du thé et du vin. Elle pria son mari d'aller endormir leur enfant, qui pleurait dans la chambre voisine. Mais il était trop ému pour cela, il courut réveiller tout le monde dans la maison. La malade accueillit en souriant ses amis, ses domestiques, qui ne s'approchaient de son lit qu'en tremblant. Elle ne paraissait pas surprise des apprêts funéraires qui frappaient son regard : " Je sais que vous me croyiez morte, dit-elle ; je n'étais qu'endormie, cependant. Mais pendant ce temps mon âme s'est envolée vers les régions célestes ; un ange est venu me chercher, et nous avons franchi l'espace en quelques instants. Cet ange qui me conduisait, c'était la petite fille que nous avons perdue l'année dernière... Oh ! j'irai bientôt la rejoindre... A présent que j'ai goûté des joies du ciel, je ne voudrais plus vivre ici-bas. J'ai demandé à l'ange de venir embrasser encore une fois mon mari et mes enfants ; mais bientôt il reviendra me chercher. "

" A huit heures, après qu'elle eut tendrement pris congé de son mari, de ses enfants et d'une foule de personnes qui l'entouraient, madame Schwabenhaus expira réellement cette fois, ainsi qu'il fut constaté par les médecins de façon à ne laisser subsister aucun doute.

" Cette scène a vivement ému les habitants de Baltimore. "

L'Esprit de madame Schwabenhaus ayant été évoqué, dans la séance de la Société parisienne des études spirites, le 27 avril dernier, l'entretien suivant s'est établi avec lui.

1. Nous désirerions, dans le but de nous instruire, vous adresser quelques questions concernant votre mort ; aurez-vous la bonté de nous répondre ? - R. Comment ne le ferais-je pas, maintenant que je commence à toucher aux vérités éternelles, et que je sais le besoin que vous en avez ?

2. Vous rappelez-vous la circonstance particulière qui a précédé votre mort ? - R. Oui, ce moment a été le plus heureux de mon existence terrestre.

3. Pendant votre mort apparente entendiez-vous ce qui se passait autour de vous et voyiez-vous les apprêts de vos funérailles ? - R. Mon âme était trop préoccupée de son bonheur prochain.

Remarque. On sait que généralement les léthargiques voient et entendent ce qui se passe autour d'eux et en conservent le souvenir au réveil. Le fait que nous rapportons offre cette particularité que le sommeil léthargique était accompagné d'extase, circonstance qui explique pourquoi l'attention de la malade fut détournée.

4. Aviez-vous la conscience de n'être pas morte ? - R. Oui, mais cela m'était plutôt pénible.

5. Pourriez-vous nous dire la différence que vous faites entre le sommeil naturel et le sommeil léthargique ? - R. Le sommeil naturel est le repos du corps ; le sommeil léthargique est l'exaltation de l'âme.

6. Souffriez-vous pendant votre léthargie ? - R. Non.

7. Comment s'est opéré votre retour à la vie ? - R. Dieu a permis que je revinsse consoler les coeurs affligés qui m'entouraient.

8. Nous désirerions une explication plus matérielle. - R. Ce que vous appelez le périsprit animait encore mon enveloppe terrestre.

9. Comment se fait-il que vous n'ayez pas été surprise à votre réveil des apprêts que l'on faisait pour vous enterrer ? - R. Je savais que je devais mourir, toutes ces choses m'importaient peu, puisque j'avais entrevu le bonheur des élus.

10. En revenant à vous, avez-vous été satisfaite d'être rendue à la vie ? - R. Oui, pour consoler.

11. Où avez-vous été pendant votre sommeil léthargique ? - R. Je ne puis vous dire tout le bonheur que j'éprouvais : les langues humaines n'expriment pas ces choses.

12. Vous sentiez-vous encore sur la terre ou dans l'espace ? - R. Dans les espaces.

13. Vous avez dit, en revenant à vous, que la petite fille que vous aviez perdue l'année précédente était venue vous chercher ; est-ce vrai ? - R. Oui, c'est un Esprit pur.

Remarque. Tout, dans les réponses de la mère, annonce en elle un Esprit élevé ; il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'un Esprit plus élevé encore se soit uni au sien par sympathie. Toutefois, il est nécessaire de ne pas prendre à la lettre la qualification de Pur Esprit que les Esprits se donnent quelquefois entre eux. On sait qu'il faut entendre par là ceux de l'ordre le plus élevé, ceux qui étant complètement dématérialisés et épurés ne sont plus sujets à la réincarnation ; ce sont les anges qui jouissent de la vie éternelle. Or ceux qui n'ont pas atteint un degré suffisant ne comprennent pas encore cet état suprême ; ils peuvent donc employer le mot de Pur Esprit pour désigner une supériorité relative, mais non absolue. Nous en avons de nombreux exemples, et madame Schwabenhaus nous paraît être dans ce cas. Les Esprits moqueurs s'attribuent aussi quelquefois la qualité de purs Esprits pour inspirer plus de confiance aux personnes qu'ils veulent tromper, et qui n'ont pas assez de perspicacité pour les juger à leur langage, dans lequel se trahit toujours leur infériorité.

14. Quel âge avait cette enfant quand elle est morte ? - R. Sept ans.

15. Comment l'avez-vous reconnue ? - R. Les Esprits supérieurs se reconnaissent plus vite.

16. L'avez-vous reconnue sous une forme quelconque ? - R. Je ne l'ai vue que comme Esprit.

17. Que vous disait-elle ? - R. " Viens, suis-moi vers l'Eternel. "

18. Avez-vous vu d'autres Esprits que celui de votre fille ? - R. J'ai vu une quantité d'autres Esprits, mais la voix de mon enfant et le bonheur que je pressentais faisaient mes seules préoccupations.

19. Pendant votre retour à la vie, vous avez dit que vous iriez bientôt rejoindre votre fille ; vous aviez donc conscience de votre mort prochaine ? - R. C'était pour moi une espérance heureuse.

20. Comment le saviez-vous ? - R. Qui ne sait qu'il faut mourir ? Ma maladie me le disait bien.

21. Quelle était la cause de votre maladie ? - R. Les chagrins.

22. Quel âge aviez-vous ? - R. Quarante-huit ans.

23. En quittant la vie définitivement avez-vous eu immédiatement une conscience nette et lucide de votre nouvelle situation ? - R. Je l'ai eue au moment de ma léthargie.

24. Avez-vous éprouvé le trouble qui accompagne ordinairement le retour à la vie spirite ? - R. Non, j'ai été éblouie, mais pas troublée.

Remarque. On sait que le trouble qui suit la mort est d'autant moins grand et moins long que l'Esprit s'est plus épuré pendant la vie. L'extase qui a précédé la mort de cette femme était d'ailleurs un premier dégagement de l'âme des liens terrestres.

25. Depuis votre mort avez-vous revu votre fille ? - R. Je suis souvent avec elle.

26. Etes-vous réunie à elle pour l'éternité ? - R. Non, mais je sais qu'après mes dernières incarnations je serai dans le séjour où les Esprits purs habitent.

27. Vos épreuves ne sont donc pas finies ? - R. Non, mais elles seront heureuses maintenant ; elles ne me laissent plus qu'espérer, et l'espérance c'est presque le bonheur.

28. Votre fille avait-elle vécu dans d'autres corps avant celui par lequel elle était votre fille ? - R. Oui, dans bien d'autres.

29. Sous quelle forme êtes-vous parmi nous ? - R. Sous ma dernière forme de femme.

30. Nous voyez-vous aussi distinctement que vous l'auriez fait étant vivante ? - R. oui.

31. Puisque vous êtes ici sous la forme que vous aviez sur la terre, est-ce par les yeux que vous nous voyez ? - R. Mais non, l'Esprit n'a pas d'yeux ; je ne suis sous ma dernière forme que pour satisfaire aux lois qui régissent les Esprits quand ils sont évoqués et obligés de reprendre ce que vous appelez périsprit.

32. Pouvez-vous lire dans nos pensées ? - R. Oui, je le puis : j'y lirai si vos pensées sont bonnes.

33. Nous vous remercions des explications que vous avez bien voulu nous donner ; nous reconnaissons à la sagesse de vos réponses que vous êtes un Esprit élevé, et nous espérons que vous jouirez du bonheur que vous méritez. - R. Je suis heureuse de contribuer à votre oeuvre ; mourir est une joie quand on peut aider aux progrès comme je puis le faire.

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Problèmes moraux. Suicide par amour. - Revue spirite septembre 1858



Depuis sept ou huit mois, le nommé Louis G..., ouvrier cordonnier, faisait la cour à une demoiselle Victorine R..., piqueuse de bottines, avec laquelle il devait se marier très prochainement, puisque les bans étaient en cours de publication. Les choses en étant à ce point, les jeunes gens se considéraient presque comme définitivement unis, et, par mesure d'économie, le cordonnier venait chaque jour prendre ses repas chez sa future.

Mercredi dernier, Louis étant venu, comme à l'ordinaire, souper chez la piqueuse de bottines, une contestation survint à propos d'une futilité ; on s'obstina de part et d'autre, et les choses en vinrent au point que Louis quitta la table et partit en jurant de ne plus jamais revenir.

Le lendemain pourtant, le cordonnier, tout penaud, venait mettre les pouces et demander pardon : la nuit porte conseil, on le sait ; mais l'ouvrière, préjugeant peut-être, d'après la scène de la veille, ce qui pourrait survenir quand il ne serait plus temps de se dédire, refusa de se réconcilier, et, protestations, larmes, désespoir, rien ne put la fléchir. Avant-hier au soir, cependant, comme plusieurs jours s'étaient écoulés depuis celui de la brouille, Louis, espérant que sa bien-aimée serait plus traitable, voulut tenter une dernière démarche : il arrive donc et frappe de façon à se faire connaître, mais on refuse de lui ouvrir ; alors nouvelles supplications de la part du pauvre évincé, nouvelles protestations à travers la porte, mais rien ne put toucher l'implacable prétendue. " Adieu donc, méchante ! s'écrie enfin le pauvre garçon, adieu pour toujours ! Tâchez de rencontrer un mari qui vous aime autant que moi ! " En même temps la jeune fille entend une sorte de gémissement étouffé, puis comme le bruit d'un corps qui tombe en glissant le long de sa porte, et tout rentre dans le silence ; alors elle s'imagine que Louis s'est installé sur le seuil pour attendre sa première sortie, mais elle se promet bien de ne pas mettre le pied dehors tant qu'il sera là.

Il y avait à peine un quart d'heure que ceci avait eu lieu, lorsqu'un locataire qui passait sur le palier avec de la lumière, pousse une exclamation et demande du secours. Aussitôt les voisins arrivent, et Mlle Victorine, ayant également ouvert sa porte, jette un cri d'horreur en apercevant étendu sur le carreau son prétendu pâle et inanimé. Chacun s'empresse de lui porter secours, on s'enquiert d'un médecin, mais on s'aperçoit bientôt que tout est inutile, et qu'il a cessé d'exister. Le malheureux jeune homme s'était plongé son tranchet dans la région du coeur, et le fer était resté dans la plaie.

Ce fait, que nous trouvons dans le Siècle du 7 avril dernier, a suggéré la pensée d'adresser à un Esprit supérieur quelques questions sur ses conséquences morales. Les voici, ainsi que les réponses qui nous ont été données par l'Esprit de saint Louis dans la séance de la Société du 10 août 1858.

1. La jeune fille, cause involontaire de la mort de son amant, en a-t-elle la responsabilité ? - R. Oui, car elle ne l'aimait pas.

2. Pour prévenir ce malheur devait-elle l'épouser malgré sa répugnance ? - R. Elle cherchait une occasion pour se séparer de lui ; elle a fait au commencement de sa liaison ce qu'elle aurait fait plus tard.

3. Ainsi sa culpabilité consiste à avoir entretenu chez lui des sentiments qu'elle ne partageait pas, sentiments qui ont été la cause de la mort du jeune homme ? - R. Oui, c'est cela.

4. Sa responsabilité, dans ce cas, doit être proportionnée à sa faute ; elle ne doit pas être aussi grande que si elle eût provoqué volontairement la mort ? - R. Cela saute aux yeux.

5. Le suicide de Louis trouve-t-il une excuse dans l'égarement où l'a plongé l'obstination de Victorine ? - R. Oui, car son suicide, qui provient de l'amour, est moins criminel aux yeux de Dieu que le suicide de l'homme qui veut s'affranchir de la vie par un motif de lâcheté.

Remarque. En disant que ce suicide est moins criminel aux yeux de Dieu, cela signifie évidemment qu'il y a criminalité, quoique moins grande. La faute consiste dans la faiblesse qu'il n'a pas su vaincre. C'était sans doute une épreuve sous laquelle il a succombé ; or, les Esprits nous apprennent que le mérite consiste à lutter victorieusement contre les épreuves de toutes sortes qui sont l'essence même de notre vie terrestre.

L'Esprit de Louis C... ayant été évoqué une autre fois, on lui adressa les questions suivantes :

1. Que pensez-vous de l'action que vous avez commise ? - R. Victorine est une ingrate ; j'ai eu tort de me tuer pour elle, car elle ne le méritait pas.

2. Elle ne vous aimait donc pas ? - R. Non ; elle l'a cru d'abord ; elle se faisait illusion ; la scène que je lui ai faite lui a ouvert les yeux ; alors elle a été contente de ce prétexte pour se débarrasser de moi.

3. Et vous, l'aimiez-vous sincèrement ? - R. J'avais de la passion pour elle ; voilà tout, je crois ; si je l'avais aimée d'un amour pur, je n'aurais pas voulu lui faire de la peine.

4. Si elle avait su que vous vouliez réellement vous tuer, aurait-elle persisté dans son refus ? - R. Je ne sais ; je ne crois pas, car elle n'est pas méchante ; mais elle aurait été malheureuse ; il vaut encore mieux pour elle que cela se soit passé ainsi.

5. En arrivant à sa porte aviez-vous l'intention de vous tuer en cas de refus ? - R. Non ; je n'y pensais pas ; je ne croyais pas qu'elle serait si obstinée ; ce n'est que quand j'ai vu son obstination, qu'alors un vertige m'a pris.

6. Vous semblez ne regretter votre suicide que parce que Victorine ne le méritait pas ; est-ce le seul sentiment que vous éprouvez ? - R. En ce moment, oui ; je suis encore tout troublé ; il me semble être à sa porte ; mais je sens autre chose que je ne puis définir.

7. Le comprendrez-vous plus tard ? - R. Oui, quand je serai débrouillé... C'est mal ce que j'ai fait ; j'aurais dû la laisser tranquille... J'ai été faible et j'en porte la peine... Voyez-vous, la passion aveugle l'homme et lui fait faire bien des sottises. Il les comprend quand il n'est plus temps.

8. Vous dites que vous en portez la peine ; quelle peine souffrez-vous ? - R. J'ai eu tort d'abréger ma vie ; je ne le devais pas ; je devais tout supporter plutôt que d'en finir avant le temps ; et puis je suis malheureux ; je souffre ; c'est toujours elle qui me fait souffrir ; il me semble être encore là, à sa porte ; l'ingrate ! Ne m'en parlez plus ; je n'y veux plus penser ; cela me fait trop de mal. Adieu.

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Meurtre de cinq enfants par un enfant de douze ans. - RS Octobre 1858

On lit dans la Gazette de Silésie :

" On écrit de Bolkenham, 20 octobre 1857, qu'un crime épouvantable vient d'être commis par un jeune garçon de douze ans. Dimanche dernier, 25 du mois, trois enfants de M. Hubner, cloutier, et deux enfants de M. Fritche, bottier, jouaient ensemble dans le jardin de M. Fritche. Le jeune H..., connu par son mauvais caractère, s'associe à leurs jeux et leur persuade d'entrer dans un coffre déposé dans une maisonnette du jardin, et qui servait au cordonnier à transporter ses marchandises à la foire. Les cinq enfants y peuvent tenir à peine, mais ils s'y pressent et se mettent les uns sur les autres en riant. Sitôt qu'ils y sont entrés, le monstre ferme le coffre, s'assied dessus et reste trois quarts d'heure à écouter d'abord leurs cris, puis leurs gémissements.

" Quand enfin leurs râles ont cessé, qu'il les croit morts, il ouvre le coffre ; les enfants respiraient encore. Il referme le coffre, le verrouille et s'en va jouer au cerf-volant. Mais il fut vu en sortant du jardin par une petite fille. On conçoit l'anxiété des parents, quand ils s'aperçurent de la disparition de leurs enfants, et leur désespoir, quand après de longues recherches, ils les trouvèrent dans le coffre. Un des enfants vivait encore, mais il ne tarda pas à rendre l'âme. Dénoncé par la petite fille qui l'avait vu sortir du jardin, le jeune H... avoua son crime avec le plus grand sang-froid et sans manifester aucun repentir. Les cinq victimes, un garçon et quatre filles de quatre à neuf ans, ont été enterrées ensemble aujourd'hui. "

Remarque. - L'Esprit interrogé est celui de la soeur du médium, morte à douze ans, mais qui a toujours montré de la supériorité comme Esprit.

1. Avez-vous entendu le récit que nous venons de lire du meurtre commis en Silésie par un enfant de douze ans sur cinq autres enfants ? - R. Oui ; ma peine exige que j'écoute encore les abominations de la terre.

2. Quel motif a pu pousser un enfant de cet âge à commettre une action aussi atroce et avec autant de sang-froid ? - R. La méchanceté n'a pas d'âge ; elle est naïve dans un enfant ; elle est raisonnée chez l'homme fait.

3. Lorsqu'elle existe chez un enfant, sans raisonnement, cela ne dénote-t-il pas l'incarnation d'un Esprit très inférieur ? - R. Elle vient alors directement de la perversité du coeur ; c'est son Esprit à lui qui le domine et le pousse à la perversité.

4. Quelle avait pu être l'existence antérieure d'un pareil Esprit ? - R. Horrible.

5. Dans son existence antérieure, appartenait-il à la terre ou à un monde encore plus inférieur ? - R. Je ne le vois pas assez ; mais il devait appartenir à un monde bien plus inférieur que la terre : il a osé venir sur la terre ; il en sera doublement puni.

6. A cet âge l'enfant avait-il bien conscience du crime qu'il commettait, et en a-t-il la responsabilité comme Esprit ? - R. Il avait l'âge de la conscience, c'est assez.

7. Puisque cet esprit avait osé venir sur la terre, qui est trop élevée pour lui, peut-il être contraint de retourner dans un monde en rapport avec sa nature ? - R. La punition est justement de rétrograder ; c'est l'enfer lui-même. C'est la punition de Lucifer, de l'homme spirituel abaissé jusqu'à la matière, c'est-à-dire le voile qui lui cache désormais les dons de Dieu et sa divine protection. Efforcez-vous donc de reconquérir ces biens perdus ; vous aurez regagné le paradis que le Christ est venu vous ouvrir. C'est la présomption, l'orgueil de l'homme qui voulait conquérir ce que Dieu seul pouvait avoir.

Remarque. - Une observation est faite à propos du mot osé dont s'est servi l'Esprit, et des exemples sont cités concernant la situation d'Esprits qui se sont trouvés dans des mondes trop élevés pour eux et qui ont été obligés de revenir dans un monde plus en rapport avec leur nature. Une personne fait remarquer, à ce sujet, qu'il a été dit que les Esprits ne peuvent rétrograder. A cela il est répondu qu'en effet les Esprits ne peuvent rétrograder en ce sens qu'ils ne peuvent perdre ce qu'ils ont acquis en science et en moralité ; mais ils peuvent déchoir comme position. Un homme qui usurpe une position supérieure à celle que lui confèrent ses capacités ou sa fortune peut être contraint de l'abandonner et de revenir à sa place naturelle ; or, ce n'est pas là ce qu'on peut appeler déchoir, puisqu'il ne fait que rentrer dans sa sphère, d'où il était sorti par ambition ou par orgueil. Il en est de même à l'égard des Esprits qui veulent s'élever trop vite dans les mondes où ils se trouvent déplacés.

Des Esprits supérieurs peuvent également s'incarner dans des mondes inférieurs, pour y accomplir une mission de progrès ; cela ne peut s'appeler rétrograder, car c'est du dévouement.

8. En quoi la terre est-elle supérieure au monde auquel appartient l'Esprit dont nous venons de parler ? - R. On y a une faible idée de la justice ; c'est un commencement de progrès.

9. Il en résulte que, dans ces mondes inférieurs à la terre, on n'a aucune idée de la justice ? - R. Non ; les hommes n'y vivent que pour eux, et n'ont pour mobile que la satisfaction de leurs passions et de leurs instincts.

10. Quelle sera la position de cet Esprit dans une nouvelle existence ? - R. Si le repentir vient effacer, sinon entièrement, du moins en partie, l'énormité de ses fautes, alors il restera sur terre ; si, au contraire, il persiste dans ce que vous appelez l'impénitence finale, il ira dans un séjour où l'homme est au niveau de la brute.

11. Ainsi il peut trouver, sur cette terre, les moyens d'expier ses fautes sans être obligé de retourner dans un monde inférieur ? - R. Le repentir est sacré aux yeux de Dieu ; car c'est l'homme qui se juge lui-même, ce qui est rare sur votre planète.

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Phénomène d'apparition. - Extrait le Revue Spirite d'Octobre 1858



Le Constitutionnel et la Patrie ont rapporté, il y a quelque temps, le fait suivant, d'après les journaux des Etats-Unis :

" La petite ville de Lichtfield, dans le Kentucky, compte de nombreux adeptes aux doctrines de spiritualisme magnétique. Un fait incroyable, qui vient de s'y passer, ne contribuera pas peu, sans doute, à augmenter le nombre des partisans de la religion nouvelle.

" La famille Park, composée du père, de la mère et de trois enfants qui ont déjà l'âge de raison, était fortement imbue des croyances spiritualistes. Par contre, une soeur de madame Park, miss Harris, n'ajoutait aucune foi aux prodiges surnaturels dont on l'entretenait sans cesse. C'était pour la famille tout entière un véritable sujet de chagrin, et plus d'une fois la bonne harmonie des deux soeurs en fut troublée.

" Il y a quelques jours, madame Park fut atteinte tout à coup d'un mal subit que les médecins déclarèrent dès l'abord ne pouvoir pas conjurer. La patiente était en proie à des hallucinations, et une fièvre affreuse la tourmentait constamment. Miss Harris passait toutes les nuits à la veiller. Le quatrième jour de sa maladie, madame Park se leva subitement sur son séant, demanda à boire, et commença à causer avec sa soeur. Circonstance singulière, la fièvre l'avait quittée tout à coup, son pouls était régulier, elle s'exprimait avec la plus grande facilité, et miss Harris, tout heureuse, crut que sa soeur était désormais hors de danger.

" Après avoir parlé de son mari et de ses enfants, madame Park se rapproche encore plus près de sa soeur et lui dit :

" Pauvre soeur, je vais te quitter ; je sens que la mort s'approche. Mais au moins mon départ de ce monde servira à te convertir. Je mourrai dans une heure et l'on m'enterrera demain. Aie grand soin de ne pas suivre mon corps au cimetière, car mon Esprit, revêtu de sa dépouille mortelle, t'apparaîtra encore une fois avant que mon cercueil soit recouvert de terre. Alors tu croiras enfin au spiritualisme. "

" Après avoir achevé ces paroles, la malade se recoucha tranquillement. Mais une heure après, comme elle l'avait annoncé, miss Harris s'apercevait avec douleur que le coeur avait cessé de battre.

" Vivement émue par la coïncidence étonnante qui existait entre cet événement et les paroles prophétiques de la défunte, elle se décida à suivre l'ordre qui lui avait été donné, et le lendemain elle resta seule à la maison pendant que tout le monde prenait le chemin du cimetière. Après avoir fermé les volets de la chambre mortuaire, elle s'établit sur un fauteuil placé près du lit que venait de quitter le corps de sa soeur.

" Cinq minutes étaient à peine écoulées, - raconta plus tard miss Harris, - lorsque je vis comme un nuage blanc se détacher au fond de l'appartement. Peu à peu cette forme se dessina mieux : c'était celle d'une femme à demi voilée ; elle s'approchait lentement de moi ; je discernais le bruit de pas légers sur le plancher ; enfin, mes yeux étonnés se trouvèrent en présence de ma soeur...

" Sa figure, loin d'avoir cette pâleur mate qui frappe si péniblement chez les morts, était radieuse ; ses mains, dont je sentis bientôt la pression sur les miennes, avaient conservé toute la chaleur de la vie. Je fus comme transportée dans une sphère nouvelle par cette merveilleuse apparition. Croyant faire partie déjà du monde des Esprits, je me tâtai la poitrine et la tête pour m'assurer de mon existence ; mais il n'y avait rien de pénible dans cette extase.

" Après être ainsi demeurée devant moi, souriante mais muette, l'espace de quelques minutes, ma soeur, semblant faire un violent effort, me dit d'une voix douce :

" Il est temps que je parte : mon ange conducteur m'attend. Adieu ! J'ai rempli ma promesse. Crois et espère ! "

" Le journal, ajoute la Patrie, auquel nous empruntons ce merveilleux récit, ne dit pas que miss Harris se soit convertie aux doctrines du spiritualisme. Supposons-le, cependant, car beaucoup de gens se laisseraient convaincre à moins. "

Nous ajoutons, pour notre propre compte, que ce récit n'a rien qui doive étonner ceux qui ont étudié les effets et les causes des phénomènes spirites. Les faits authentiques de ce genre sont assez nombreux, et trouvent leur explication dans ce que nous avons dit à ce sujet en maintes circonstances ; nous aurons occasion d'en citer qui viennent de moins loin que celui-ci.

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Le docteur Muhr. - Extrait le Revue Spirite de Novembre 1858

Mort au Caire le 4 juin 1857. - Evoqué sur la prière de M. Jobard. C'était, dit-il, un Esprit très élevé de son vivant ; médecin-homéopathe ; un véritable apôtre spirite ; il doit être au moins dans Jupiter.

1. Evocation. - R. Je suis là.

2. Auriez-vous la bonté de nous dire où vous êtes ? - R. Je suis errant.

3. Est-ce le 4 juin de cette année que vous êtes mort ? - R. C'est l'année passée.

4. Vous rappelez-vous votre ami M. Jobard ? - R. oui, et je suis souvent près de lui.

5. Lorsque je lui transmettrai cette réponse, cela lui fera plaisir, car il a toujours pour vous une grande affection. - R. Je le sais ; cet Esprit m'est des plus sympathiques.

6. Qu'entendiez-vous de votre vivant par les gnomes ? - R. J'entendais des êtres qui pouvaient se matérialiser et prendre des formes fantastiques.

7. Y croyez-vous toujours ? - R. Plus que jamais ; j'en ai la certitude maintenant ; mais gnome est un mot qui peut sembler tenir trop de la magie ; j'aime mieux dire maintenant Esprit que gnome.

Remarque. De son vivant il croyait aux Esprits et à leurs manifestations ; seulement il les désignait sous le nom de gnomes, tandis que maintenant il se sert de l'expression plus générique d'Esprit.

8. Croyez-vous encore que ces Esprits, que vous appeliez gnomes de votre vivant, puissent prendre des formes matérielles fantastiques ? - R. Oui, mais je sais que cela ne se fait pas souvent, car il y a des gens qui pourraient devenir fous s'ils voyaient les apparences que ces Esprits peuvent prendre.

9. Quelles apparences peuvent-ils prendre ? - R. Animaux, diables.

10. Est-ce une apparence matérielle tangible, ou une pure apparence comme dans les rêves ou les visions ? - R. Un peu plus matérielle que dans les rêves ; les apparitions qui pourraient trop effrayer ne peuvent pas être tangibles ; Dieu ne le permet pas.

11. L'apparition de l'Esprit de Bergzabern, sous forme d'homme ou d'animal, était-elle de cette nature ? - R. Oui, c'est dans ce genre.

Remarque. Nous ne savons si, de son vivant, il croyait que les Esprits pouvaient prendre une forme tangible ; mais il est évident que maintenant il entend parler de la forme vaporeuse et impalpable des apparitions.

12. Croyez-vous que lorsque vous vous réincarnerez vous irez dans Jupiter ? - R. J'irai dans un monde qui n'égale pas encore Jupiter.

13. Est-ce de votre propre choix que vous irez dans un monde inférieur à Jupiter, ou est-ce parce que vous ne méritez pas encore d'aller dans cette planète ? - R. J'aime mieux croire ne pas le mériter, et remplir une mission dans un monde moins avancé. Je sais que j'arriverai à la perfection, c'est ce qui fait que j'aime mieux être modeste.

Remarque. Cette réponse est une preuve de la supériorité de cet Esprit ; elle concorde avec ce que nous a dit le P. Ambroise : qu'il y a plus de mérite à demander une mission dans un monde inférieur qu'à vouloir avancer trop vite dans un monde supérieur.

14. M. Jobard nous prie de vous demander si vous êtes satisfait de l'article nécrologique qu'il a écrit sur vous ? - R. Jobard m'a donné une nouvelle preuve de sympathie en écrivant cela ; je le remercie bien, et désire que le tableau, un peu exagéré, des vertus et des talents qu'il a fait, puisse servir d'exemple à ceux d'entre vous qui suivent les traces du progrès.

15. Puisque, de votre vivant, vous étiez homéopathe, que pensez-vous maintenant de l'homéopathie ? - R. L'homéopathie est le commencement des découvertes des fluides latents. Bien d'autres découvertes aussi précieuses se feront et formeront un tout harmonieux qui conduira votre globe à la perfection.

16. Quel mérite attachez-vous à votre livre intitulé : le Médecin du peuple ? - R. C'est la pierre de l'ouvrier que j'ai apportée à l'oeuvre.

Remarque. - La réponse de cet Esprit sur l'homéopathie vient à l'appui de l'idée des fluides latents qui nous a déjà été donnée par l'Esprit de M. Badel, au sujet de son image photographiée. Il en résulterait qu'il y a des fluides dont les propriétés nous sont inconnues ou passent inaperçues parce que leur action n'est pas ostensible, mais n'en est pas moins réelle ; l'humanité s'enrichit de connaissances nouvelles à mesure que les circonstances lui font connaître ses propriétés.

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Madame de Staël. - RS de novembre 1858

Dans la séance de la Société parisienne des études spirites, du 28 septembre 1858, l'Esprit de madame de Staël se communique spontanément et sans être appelé, sous la main de mademoiselle E..., médium écrivain ; il dicte le passage suivant :

Vivre c'est souffrir ; oui, mais l'espérance ne suit-elle pas la souffrance ? Dieu n'a-t-il pas mis dans le coeur des plus malheureux la plus grande dose d'espérance ? Enfant, le chagrin et la déception suivent la naissance ; mais devant lui marche l'Espérance qui lui dit : Avance, au but est le bonheur : Dieu est clément.

Pourquoi, disent les esprits forts, pourquoi venir nous enseigner une nouvelle religion, quand le Christ a posé les bases d'une charité si grandiose, d'un bonheur si certain ? Nous n'avons pas l'intention de changer ce que le grand réformateur a enseigné. Non : nous venons seulement raffermir notre conscience, agrandir nos espérances. Plus le monde se civilise, plus il devrait avoir confiance, et plus aussi nous avons besoin de le soutenir. Nous ne voulons pas changer la face de l'univers, nous venons aider à le rendre meilleur ; et si dans ce siècle on ne vient pas en aide à l'homme, il serait trop malheureux par le manque de confiance et d'espérance. Oui, homme savant qui lis dans les autres, qui cherches à connaître ce qui t'importe peu, et rejettes loin de toi ce qui te concerne, ouvre les yeux, ne désespère pas ; ne dis pas : Le néant peut être possible, quand, dans ton coeur, tu devrais sentir le contraire. Viens t'asseoir à cette table et attends : tu t'y instruiras de ton avenir, tu seras heureux. Ici, il y a du pain pour tout le monde : esprit, vous vous développerez ; corps, vous vous nourrirez ; souffrances, vous vous calmerez ; espérances, vous fleurirez et embellirez la vérité pour la faire supporter.

STAEL.

Remarque. L'Esprit fait allusion à la table où sont assis les médiums.

Questionnez-moi, je répondrai à vos questions.

1. N'étant pas prévenus de votre visite, nous n'avons pas de sujet préparé. - R. Je sais très bien que des questions particulières ne peuvent être résolues par moi ; mais que de choses générales on peut demander, même à une femme qui a eu un peu d'esprit et a maintenant beaucoup de coeur !

A ce moment, une dame qui assistait à la séance paraît défaillir ; mais ce n'était qu'une sorte d'extase qui, loin d'être pénible, lui était plutôt agréable. On offre de la magnétiser : alors l'Esprit de madame de Staël dit spontanément : " Non, laissez-la tranquille ; il faut laisser agir l'influence. " Puis, s'adressant à la dame : " Ayez confiance, un coeur veille près de vous ; il veut vous parler ; un jour viendra... ne précipitons pas les émotions. "

L'Esprit qui se communiquait à cette dame, et qui était celui de sa soeur, écrit alors spontanément : " Je reviendrai. "

Madame de Staël, s'adressant de nouveau d'elle-même à cette dame, écrit : " Un mot de consolation à un coeur souffrant. Pourquoi ces larmes de femme à soeur ? ces retours vers le passé, quand toutes vos pensées ne devraient aller que vers l'avenir ? Votre coeur souffre, votre âme a besoin de se dilater. Eh bien ! que ces larmes soient un soulagement et non produites par les regrets ! Celle qui vous aime et que vous pleurez est heureuse de son bonheur ! et espérez la rejoindre un jour. Vous ne la voyez pas ; mais pour elle il n'y a pas de séparation, car constamment elle peut être près de vous. "

2. Voudriez-vous nous dire ce que vous pensez actuellement de vos écrits ? - R. Un seul mot vous éclairera. Si je revenais et que je pusse recommencer, j'en changerais les deux tiers et ne garderais que l'autre tiers.

3. Pourriez-vous signaler les choses que vous désapprouvez ? - R. Pas trop d'exigence, car ce qui n'est pas juste, d'autres écrivains le changeront : je fus trop homme pour une femme.

4. Quelle était la cause première du caractère viril que vous avez montré de votre vivant ? - R. Cela dépend de la phase de l'existence où l'on est.

Dans la séance suivante, du 12 octobre, on lui adressa les questions suivantes par l'intermédiaire de M. D..., médium écrivain.

5. L'autre jour, vous êtes venue spontanément parmi nous, par l'intermédiaire de mademoiselle E... Auriez-vous la bonté de nous dire quel motif a pu vous engager à nous favoriser de votre présence sans que nous vous ayons appelée ? - R. La sympathie que j'ai pour vous tous ; c'est en même temps l'accomplissement d'un devoir qui m'est imposé dans mon existence actuelle, ou plutôt dans mon existence passagère, puisque je suis appelée à revivre : c'est du reste la destinée de tous les Esprits.

6. Vous est-il plus agréable de venir spontanément ou d'être évoquée ? - R. J'aime mieux être évoquée, parce que c'est une preuve qu'on pense à moi ; mais vous savez aussi qu'il est doux pour l'Esprit délivré de pouvoir converser avec l'Esprit de l'homme : c'est pourquoi vous ne devez pas vous étonner de m'avoir vue venir tout à coup parmi vous.

7. Y a-t-il de l'avantage à évoquer les Esprits plutôt qu'à attendre leur bon plaisir ? - R. En évoquant on a un but ; en les laissant venir, on court grand risque d'avoir des communications imparfaites sous beaucoup de rapports, parce que les mauvais viennent tout aussi bien que les bons.

8. Vous êtes-vous déjà communiquée dans d'autres cercles ? - R. Oui ; mais on m'a souvent fait paraître plus que je ne l'aurais voulu ; c'est-à-dire que l'on a souvent pris mon nom.

9. Auriez-vous la bonté de venir quelquefois parmi nous nous dicter quelques-unes de vos belles pensées, que nous serons heureux de reproduire pour l'instruction générale ? - R. Bien volontiers : je vais avec plaisir parmi ceux qui travaillent sérieusement pour s'instruire : mon arrivée de l'autre jour en est la preuve.

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Un Esprit au convoi de son corps. - Extrait le Revue Spirite de Décembre 1858



Etat de l'âme au moment de la mort.

Les Esprits nous ont toujours dit que la séparation de l'âme et du corps ne se fait pas instantanément ; elle commence quelquefois avant la mort réelle pendant l'agonie ; quand la dernière pulsation s'est fait sentir, le dégagement n'est pas encore complet ; il s'opère plus ou moins lentement selon les circonstances, et jusqu'à son entière délivrance l'âme éprouve un trouble, une confusion qui ne lui permettent pas de se rendre compte de sa situation ; elle est dans l'état d'une personne qui s'éveille et dont les idées sont confuses. Cet état n'a rien de pénible pour l'homme dont la conscience est pure ; sans trop s'expliquer ce qu'il voit, il est calme et attend sans crainte le réveil complet ; il est au contraire plein d'angoisses et de terreur pour celui qui redoute l'avenir. La durée de ce trouble, disons-nous, est variable ; elle est beaucoup moins longue chez celui qui, pendant sa vie, a déjà élevé ses pensées et purifié son âme ; deux ou trois jours lui suffisent, tandis que chez d'autres il en faut quelquefois huit et plus. Nous avons souvent assisté à ce moment solennel, et toujours nous avons vu la même chose ; ce n'est donc pas une théorie, mais un résultat d'observations, puisque c'est l'Esprit qui parle et qui peint sa propre situation. En voici un exemple d'autant plus caractéristique et d'autant plus intéressant pour l'observateur qu'il ne s'agit plus d'un Esprit invisible écrivant par un médium, mais bien d'un Esprit vu et entendu en présence de son corps, soit dans la chambre mortuaire, soit dans l'église pendant le service funèbre.

M. X... venait d'être frappé d'une attaque d'apoplexie ; quelques heures après sa mort, M. Adrien, un de ses amis, se trouvait dans sa chambre avec la femme du défunt ; il vit distinctement l'Esprit de celui-ci se promener de long en large, regarder alternativement son corps et les personnes présentes, puis s'asseoir dans un fauteuil ; il avait exactement la même apparence que de son vivant ; il était vêtu de même, redingote noire, pantalon noir ; il avait les mains dans ses poches et l'air soucieux.

Pendant ce temps, sa femme cherchait un papier dans le secrétaire, son mari la regarde et dit : Tu as beau chercher, tu ne trouveras rien. Elle ne se doutait nullement de ce qui se passait, car M. X... n'était visible que pour M. Adrien.

Le lendemain, pendant le service funèbre, M. Adrien vit de nouveau l'Esprit de son ami errer à côté du cercueil, mais il n'avait plus le costume de la veille ; il était enveloppé d'une sorte de draperie. La conversation suivante s'engagea entre eux. Remarquons, en passant, que M. Adrien n'est point somnambule ; qu'à ce moment, comme le jour précédent, il était parfaitement éveillé, et que l'Esprit lui apparaissait comme s'il eut été un des assistants au convoi.

- D. Dis-moi un peu, cher Esprit, que ressens-tu maintenant. - R. Du bien et de la souffrance. - D. Je ne comprends pas cela. - R. Je sens que je suis vivant de ma véritable vie, et cependant je vois mon corps ici, dans cette boite ; je me palpe et ne me sens pas, et cependant je sens que je vis, que j'existe ; je suis donc deux êtres ? Ah ! laissez-moi me tirer de cette nuit, j'ai le cauchemar.

- D. En avez-vous pour longtemps à rester ainsi ? - R. Oh ! non ; Dieu merci, mon ami ; je sens que je me réveillerai bientôt ; ce serait horrible autrement ; j'ai les idées confuses ; tout est brouillard ; songe à la grande division qui vient de se faire... je n'y comprends encore rien.

- D. Quel effet vous fit la mort ? - R. La mort ! je ne suis pas mort, mon enfant, tu te trompes. Je me levais et fus frappé tout d'un coup par un brouillard qui me descendit sur les yeux ; puis, je me réveillai, et juge de mon étonnement, de me voir, de me sentir vivant, et de voir à côté, sur le carreau, mon autre ego couché. Mes idées étaient confuses ; j'errais pour me remettre, mais je ne pus ; je vis ma femme venir, me veiller, se lamenter, et je me demandais pourquoi ? Je la consolais, je lui parlais, et elle ne me répondait ni ne me comprenait ; c'est là ce qui me torturait et rendait mon Esprit plus troublé. Toi seul m'as fait du bien, car tu m'as entendu et tu comprends ce que je veux ; tu m'aides à débrouiller mes idées, et tu me fais grand bien ; mais pourquoi les autres ne font-ils pas de même ? Voilà ce qui me torture... Le cerveau est écrasé devant cette douleur... Je m'en vais la voir, peut-être m'entendra-t-elle maintenant... Au revoir, cher ami ; appelle-moi et j'irai te voir... Je te ferai même visite en ami... Je te surprendrai... au revoir.

M. Adrien le vit ensuite aller près de son fils qui pleurait : il se pencha vers lui, resta un moment dans cette situation et partit rapidement. Il n'avait pas été entendu, et se figurait sans doute produire un son ; moi, je suis persuadé, ajoute M. Adrien, que ce qu'il disait arrivait au coeur de l'enfant ; je vous prouverai cela. Je l'ai revu depuis, il est plus calme.

Remarque. Ce récit est d'accord avec tout ce que nous avions déjà observé sur le phénomène de la séparation de l'âme ; il confirme avec des circonstances toutes spéciales, cette vérité qu'après la mort, l'Esprit est encore là présent. On croit n'avoir devant soi qu'un corps inerte, tandis qu'il voit et entend tout ce qui se passe autour de lui, qu'il pénètre la pensée des assistants, qu'il n'y a entre eux et lui que la différence de la visibilité et de l'invisibilité ; les pleurs hypocrites d'avides héritiers ne peuvent lui en imposer. Que de déceptions les Esprits doivent éprouver à ce moment !

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Une veuve du Malabar. - Extrait le Revue Spirite de Décembre 1858

Nous avions le désir d'interroger une de ces femmes de l'Inde qui sont dans l'usage de se brûler sur le corps de leur mari. N'en connaissant pas, nous avions demandé à saint Louis s'il voudrait nous en envoyer une qui fût en état de répondre à nos questions d'une manière un peu satisfaisante. Il nous répondit qu'il le ferait volontiers dans quelque temps. Dans la séance de la Société du 2 novembre 1858, M. Adrien, médium voyant, en vit une toute disposée à parler et dont il fit le portrait suivant :

Yeux grands, noirs, teinte jaune dans le blanc ; figure arrondie ; joues rebondies et grasses ; peau jaune safran bruni ; cils longs, sourcils arqués, noirs, nez un peu fort et légèrement aplati ; bouche grande et sensuelle ; belles dents, larges et plates ; cheveux plats, abondants, noirs et épais de graisse. Corps assez gros, trapu et gras. Des foulards l'enveloppent en laissant la moitié de la poitrine nue. Bracelets aux bras et aux jambes.

1. Vous rappelez-vous à peu près à quelle époque vous viviez dans l'Inde, et où vous vous êtes brûlée sur le corps de votre mari ? - R. Elle fait signe qu'elle ne se le rappelle pas. - Saint Louis répond qu'il y a environ cent ans.

2. Vous rappelez-vous le nom que vous portiez ? - R. Fatime.

3. Quelle religion professiez-vous ? - R. Le mahométisme.

4. Mais le mahométisme ne commande pas de tels sacrifices ? - R. Je suis née musulmane, mais mon mari était de la religion de Brahma. J'ai dû me conformer à l'usage du pays que j'habitais. Les femmes ne s'appartiennent pas.

5. Quel âge aviez-vous quand vous êtes morte ? - R. J'avais, je crois environ vingt ans.

Remarque. - M. Adrien fait observer qu'elle en paraît avoir au moins vingt-huit à trente ; mais que dans ce pays les femmes vieillissent plus vite.

6. Vous êtes-vous sacrifiée volontairement ? - R. J'aurais préféré me marier à un autre. Réfléchissez bien, et vous concevrez que nous pensons toutes de même. J'ai suivi la coutume ; mais au fond j'aurais préféré ne pas le faire. J'ai attendu plusieurs jours un autre mari, et personne n'est venu ; alors j'ai obéi à la loi.

7. Quel sentiment a pu dicter cette loi ? - R. Idée superstitieuse. On se figure qu'en se brûlant on est agréable à la Divinité ; que nous rachetons les fautes de celui que nous perdons, et que nous allons l'aider à vivre heureux dans l'autre monde.

8. Votre mari vous a-t-il su gré de votre sacrifice ? - R. Je n'ai jamais cherché à revoir mon mari.

9. Y a-t-il des femmes qui se sacrifient ainsi de gaîté de coeur ? - R Il y en a peu ; une sur mille, et encore, au fond, elles ne voudraient pas le faire.

10. Que s'est-il passé en vous au moment où la vie corporelle s'est éteinte ? - R. Le trouble ; j'ai eu un brouillard, et puis je ne sais ce qui s'est passé. Mes idées n'ont été débrouillées que bien longtemps après. J'allais partout, et cependant je ne voyais pas bien ; et encore maintenant, je ne suis pas entièrement éclairée ; j'ai encore bien des incarnations à subir pour m'élever ; mais je ne brûlerai plus... Je ne vois pas la nécessité de se brûler, de se jeter au milieu des flammes pour s'élever..., surtout pour des fautes que l'on n'a pas commises ; et puis on ne m'en a pas su plus de gré... Du reste je n'ai pas cherché à le savoir. Vous me ferez plaisir en priant un peu pour moi ; car je comprends qu'il n'y a que la prière pour supporter avec courage les épreuves qui nous sont envoyées... Ah ! si j'avais la foi !

11. Vous nous demandez de prier pour vous ; mais nous sommes chrétiens, et nos prières pourraient-elles vous être agréables ? - R. Il n'y a qu'un Dieu pour tous les hommes.

Remarque. - Dans plusieurs des séances suivantes, la même femme a été vue parmi les Esprits qui y assistaient. Elle a dit qu'elle venait pour s'instruire. Il paraît qu'elle a été sensible à l'intérêt qu'on lui a témoigné, car elle nous a suivis plusieurs fois dans d'autres réunions et même dans la rue.

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La Belle Cordière - Extrait le Revue Spirite de Décembre 1858



Notice. - Louise Charly, dite Labé, surnommée la Belle Cordière, née à Lyon sous François I°. Elle était d'une beauté accomplie et reçut une éducation très soignée ; elle savait le grec et le latin, partait l'espagnol et l'italien avec une pureté parfaite, et faisait, dans ces langues, des poésies que n'auraient pas désavouées des écrivains nationaux. Formée à tous les exercices du corps, elle connaissait l'équitation, la gymnastique et le maniement des armes. Douée d'un caractère très énergique, elle se distingua, à côté de son père, parmi les plus vaillants combattants, au siège de Perpignan, en 1542, sous le nom du capitaine Loys. Ce siège n'ayant pas réussi, elle renonça au métier des armes et revint à Lyon avec son père. Elle épousa un riche fabricant de cordages, nommé Ennemond Perrin, et bientôt elle ne fut connue que sous le nom de la Belle Cordière, nom qui est resté à la rue qu'elle habitait, et sur l'emplacement de laquelle étaient les ateliers de son mari. Elle institua chez elle des réunions littéraires où étaient conviés les esprits les plus éclairés de la province. On a d'elle un recueil de poésies. Sa réputation de beauté et de femme d'esprit, en attirant chez elle l'élite des hommes, excita la jalousie des dames lyonnaises qui cherchèrent à s'en venger par la calomnie ; mais sa conduite a toujours été irréprochable.

L'ayant évoquée dans la séance de la société parisienne des études spirites du 26 octobre 1858, il nous fut dit qu'elle ne pouvait venir encore par des motifs qui n'ont pas été expliqués. Le 9 novembre elle se rendit à notre appel, et voilà le portrait qu'en fit M. Adrien, notre médium voyant :

Tête ovale ; teint pâle, mat ; yeux noirs, beaux et fiers, sourcils arqués ; front développé et intelligent, nez grec, mince ; bouche moyenne, lèvres indiquant la bonté d'esprit ; dents fort belles, petites, bien rangées ; cheveux noir de jais, légèrement crêpés. Beau port de tête ; taille grande et bien élancée. Vêtement de draperies blanches.

Remarque. - Rien sans doute ne prouve que ce portrait et le précédent ne sont pas dans l'imagination du médium, parce que nous n'avons pas de contrôle ; mais lorsqu'il le fait avec des détails aussi précis de personnes contemporaines qu'il n'a jamais vues et qui sont reconnues par des parents ou amis, on ne peut douter de la réalité ; d'où l'on peut conclure, que puisqu'il voit les uns avec une vérité incontestable, il peut en voir d'autres. Une autre circonstance qui doit être prise en considération, c'est qu'il voit toujours le même esprit, sous la même forme, et que, fût-ce à plusieurs mois d'intervalle, le portrait ne varie pas. Il faudrait supposer chez lui une mémoire phénoménale, pour croire qu'il pût se souvenir ainsi des moindres traits de tous les Esprits dont il a fait la description et que l'on compte par centaines.

1. Evocation. - R. Je suis là.

2. Voudriez-vous avoir la bonté de répondre à quelques questions que nous voudrions vous adresser ? - R. Avec plaisir.

3. Vous rappelez-vous l'époque où vous étiez connue sous le nom de la Belle Cordière ? - R. Oui.

4. D'où pouvaient provenir les qualités viriles qui vous ont fait embrasser la profession des armes qui est plutôt, selon les lois de la nature, dans les attributions des hommes ? - R. Cela souriait à mon esprit avide de grandes choses ; plus tard il se tourna vers un autre genre d'idée plus sérieux. Les idées avec lesquelles on naît viennent certainement des existences antérieures dont elles sont le reflet, cependant elles se modifient beaucoup, soit par de nouvelles résolutions, soit par la volonté de Dieu.

5. Pourquoi ces goûts militaires n'ont-ils pas persisté chez vous, et comment ont-ils pu si promptement céder la place à ceux de la femme ? - R. J'ai vu des choses que je ne vous souhaite pas de voir.

6. Vous étiez contemporaine de François I° et de Charles-Quint ; voudriez-vous nous dire votre opinion sur ces deux hommes et en faire le parallèle ? - R. Je ne veux point juger ; ils eurent des défauts, vous les connaissez ; leurs vertus sont peu nombreuses : quelques traits de générosité et c'est tout. Laissez cela, leur coeur pourrait saigner encore : ils souffrent assez !

7. Quelle était la source de cette haute intelligence qui vous a rendue apte à recevoir une éducation si supérieure à celle des femmes de votre temps ? - R. De pénibles existences et la volonté de Dieu !

8. Il y avait donc chez vous un progrès antérieur ? - R. Cela ne peut être autrement.

9. Cette instruction vous a-t-elle fait progresser comme Esprit ? - R. Oui.

10. Vous paraissez avoir été heureuse sur la terre : l'êtes-vous davantage maintenant ? - R. Quelle question ! Si heureuse que l'on soit sur la terre, le bonheur du Ciel est bien autre chose ! Quels trésors et quelles richesses que vous connaîtrez un jour, et dont vous ne vous doutez pas ou que vous ignorez complètement !

11. Qu'entendez-vous par Ciel ? - R. J'entends par Ciel les autres mondes.

12. Quel monde habitez-vous maintenant ? - R. J'habite un monde que vous ne connaissez pas ; mais j'y suis peu attachée : la matière nous lie peu.

13. Est-ce Jupiter ? - R. Jupiter est un monde heureux ; mais pensez-vous que seul entre tous il soit favorisé de Dieu ? Ils sont aussi nombreux que les grains de sable de l'Océan.

14. Avez-vous conservé le génie poétique que vous aviez ici-bas ? - R. Je vous répondrais avec plaisir, mais je craindrais de choquer d'autres Esprits, ou je me porterais au-dessous de ce que je suis : ce qui fait que ma réponse vous deviendrait inutile, tombant à faux.

15. Pourriez-vous nous dire quel rang nous pourrions vous assigner parmi les Esprits ?

- Pas de réponse.

(A Saint-Louis). Saint-Louis pourrait-il nous répondre à ce sujet ? - R. Elle est là : je ne puis dire ce qu'elle ne veut pas dire. Ne voyez-vous pas qu'elle est des plus élevées, parmi les Esprits que vous vous évoquez ordinairement ? Au reste, nos Esprits ne peuvent apprécier exactement les distances qui les séparent : elles sont incompréhensibles pour vous, et pourtant elles sont immenses !

16. (A Louise-Charly). Sous quelle forme êtes-vous, parmi eux ? - R. Adrien vient de me dépeindre.

17. Pourquoi cette forme plutôt qu'une autre ? Car enfin, dans le monde où vous êtes, vous n'êtes pas telle que vous étiez sur la terre ? - R. Vous m'avez évoquée poète, je viens poète.

18. Pourriez-vous nous dicter quelques poésies ou un morceau quelconque de littérature. Nous serions heureux d'avoir quelque chose de vous ? - R. Cherchez à vous procurer mes anciens écrits. Nous n'aimons pas ces épreuves, et surtout en public : je le ferai pourtant une autre fois.

Remarque. On sait que les Esprits n'aiment pas les épreuves, et les demandes de cette nature ont toujours plus ou moins ce caractère, c'est sans doute pourquoi ils n'y obtempèrent presque jamais. Spontanément et au moment où nous nous y attendons le moins, ils nous donnent souvent les choses les plus surprenantes, les preuves que nous aurions sollicitées en vain ; mais il suffit presque toujours qu'on leur demande une chose pour qu'on ne l'obtienne pas, si surtout elle dénote un sentiment de curiosité. Les Esprits, et principalement les Esprits élevés, veulent nous prouver par là qu'ils ne sont pas à nos ordres.

La belle cordière fit spontanément écrire le lendemain ce qui suit, par le médium écrivain qui lui avait servi d'interprète.

" Je vais te dicter ce que je t'ai promis ; ce ne sont pas des vers, je n'en veux plus faire ; d'ailleurs je ne me souviens plus de ceux que je fis, et vous ne les goûteriez pas : ce sera de la plus modeste prose.

" Sur la terre j'ai vanté l'amour, la douceur et les bons sentiments : je parlais un peu de ce que je ne connaissais pas. Ici, ce n'est pas de l'amour qu'il faut, c'est une charité large, austère, éclairée ; une charité forte et constante qui n'a qu'un exemple sur la terre.

" Pensez, ô hommes ! qu'il dépend de vous d'être heureux et de faire de votre monde l'un des plus avancés du ciel : vous n'avez qu'à faire taire haines et inimitiés, qu'à oublier rancunes et colères, qu'à perdre orgueil et vanité. Laissez tout cela comme un fardeau qu'il vous faudra abandonner tôt ou tard. Ce fardeau est pour vous un trésor sur la terre, je le sais ; c'est pourquoi vous auriez du mérite à le délaisser et à le perdre, mais dans le ciel ce fardeau devient un obstacle à votre bonheur. Croyez-moi donc : hâtez vos progrès, le bonheur qui vient de Dieu est la vraie félicité. Où trouverez-vous des plaisirs qui vaillent les joies qu'il donne à ses élus, à ses anges ?

" Dieu aime les hommes qui cherchent à avancer dans sa voie, comptez donc sur son appui. N'avez-vous pas confiance en lui ? Le croyez-vous donc parjure, que vous ne vous livrez pas à lui entièrement, sans restriction ? Malheureusement vous ne voulez pas entendre, ou peu d'entre vous entendent ; vous préférez le jour au lendemain ; votre vue bornée borne vos sentiments, votre coeur et votre âme, et vous souffrez pour avancer, au lieu d'avancer naturellement et facilement par le chemin du bien, par votre propre volonté, car la souffrance est le moyen que Dieu emploie pour vous moraliser. Que n'évitez-vous cette route sûre, mais terrible pour le voyageur. Je finirai en vous exhortant à ne plus regarder la mort comme un fléau, mais comme la porte de la vraie vie et du vrai bonheur.

LOUISE CHARLY.

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28 - A la France, communication spirite (Message d'un Esprit élevé reçu par le Médium Adrien)

Préface.

On prétend généralement que les manifestations spirites ne servent à rien ; je désire; en faisant connaître celle-ci, donner un aperçu des conseils que l'on peut obtenir des esprits qui veulent bien se manifester et prouver qu'en suivant leurs de morale, l'homme ne peut que s'élever.

Cette manifestation a été donnée d'un seul trait par un esprit chargé de veiller au cours des évènements.

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J'ai vu le monde à sa naissance, j'ai vu les hommes à leur début. J'ai parcouru la terre dans tous les sens ; du Nord au Midi, de l'Est à l'Ouest, et partout j'ai vu les passions régner en maîtresses.

J'ai traversé les siècles sans que mes cheveux aient blanchi. Mon existance a été celle du papillon, un jour chrysalide, le lendemain déplayant mes ailes et recommençant ma course aventureuse ; étudiant les moeurs, les habitudes des peuples qui, sur la surface du globe, ne cessent de s'agiter et de travailler à s'entre-détruire les uns les autres.

J'ai suivi les grandes migrations des différents peuples, j'ai assisté à leurs combats, à leurs travaux ; et toujours le même mobile de leurs faits a frappé mes yeux et mon esprit.

L'ambition et l'égoïsme ont toujours provoqué leurs grands mouvements.

J'ai vu des heures terribles ; j'ai senti cette fièvre qui, dans des jours graves, saisit les nations et les remplit d'effervescence ; fièvre brûlante qui les pousse vers un but qu'elles appellent liberté, et qui n'est que l'esclavage.

J'ai vu le sang couler à flots, j'ai vu dans de sombres jours de deuil et de désespoir, des mères dévorer leurs enfants. J'ai vu des pères égarger leurs fils, des hommes briser les statues de leurs dieux, profaner leurs temples ; et tout cela ? pour avoir la liberté. Tous mus par cette ardeur, par cette soif de feu, de sang, que donne ce cauchemar qui est l'agonie des principes d'ordre, de morale.

J'ai vu dans ces jours de souffrance et de terreur, des hommes animés d'un esprit élevé, prêcher aux autres hommes des paroles d'amour et de paix ; s'efforcer, par une éloquence puisée dans des sentiments élevés, de ramener les hommes égarés, ces brebis abandonnées aux loups. Mais, partout, à leurs courageuses paroles, à leur éloquence sublime, il était répondu par les injures, par les blasphèmes ; et la mort venait achever d'abattre ces t^tes d'élite faites pour des mondes meilleurs.

Depuis les traditions les plus reculées, les prophètes envoyés par Dieu, ont, sous différentes formes, sous différentes figures, cherché à donner à l'humanité ces grands principes d'ordre, d'amour et de fraternité sans lesquels les nations dégénèrent et finissent par succomber.

Aux peuples envahisseurs succèdent d'autres peuples, dont le triomphe lui-m^me avance le terme de leur carrière ; ainsi en sera-t-il des peuples qui, ne voulant écouter que leurs désirs ambitieux, tenteront de s'élever sur les ruines des autres peuples, leurs frères.

Dieu leur enverra des jours brûlants, et, dans sa colère, il lancera les hommes dans le chemin de l'abîme et les laissera s'engloutir dans ce vaste chaos qui est la mort des nations, l'Anarchie, jusqu'à ce qu'ils aient expié, après avoir passé par toutes les péripéties de la guerre civile, par leurs pertes et leurs souffrances, les heures de folie et de débordement.

J'ai assisté aux grandes luttes de 93, j'étais partout, et toutes les heures, toutes les minutes ont été remplies par mon travail, et j'ai pu voir un grand peuple rentrer dans ses droits, dans les prérogatives qui lui étaient dues. Mais là ne devait pas s'arrêter mon ouvrage ; d'autres évènements devaient agiter le monde, et il m'était donné de m'y associer.

Je devais participer activement à toutes les phases qui, par un enchaînement providentiel, conduisaient la France, ce pays où s'était fixé mon esprit, où devait s'accomplir ma mission, vers la gloire et le règne de l'intelligence.

J'assistai à tous les grands combats qui illustrèrent nos armes sur le vaste champ de l'Europe. J'aidai et je coopérai à tout.

J'usai largement de ce pouvoir qui m'a été donné et le monde s'est ressenti de mon influence. Dieu, dans sa bonté infinie, m'a fixé pour tâche, ainsi qu'à beaucoup d'autres esprits, de suivre le cours des évènements qui agitent les peuples, de leur prêter secours et de les aider à sortir des ténèbres pour les conduire vers la civilisation et la lumière.

J'ai vu dans des jours encore peu éloignés, des hommes, poussés par le délire, faire revivre sur leurs drapeaux, sur leurs monuments, des mots qu'ils ont mal interprétés de tout temps.

Dans les grandes crises, aux heures de troubles, alors que les cerveaux brûlent du feu de l'exaltation, l'homme s'égare et cherche ce qu'il peut et pourrait avoir sans lutte ni coup férir. Le moment est arrivé de lui dessiler les yeux et de lui faire voir au grand jour ce qu'il n'avait vu jusqu'alors qu'à travers un voile.

J'en appelle aux peuples éclairés, aux cerveaux non exaltés, à tous les esprits qui raisonnent.

Dieu vous a donné, après de longs jours d'orage, un ciel serein. Vous avez vu le bonheur et le calme rentrer dans vos familles ; vous avez enfin compris que les révolutions n'apporteraient avec elles que le désordre et le malheur, car ce n'est pas vous, hommes d'élite, qui, dans un moment d'enthousiasme, profitez des fleurons que vous gagnez en versant à flots votre sang, en sacrifiant vos familles et vos biens ; non, non, ce sont quelques esprits ambitieux, mais non de cette ambition qui doit faire le bonheur de ceux qu'ils auront soumis à leur coeur ou à leurs armes ; mais de cette soif d'honneurs et de fortune achetés au prix du sang des autres.

Vous avez enfin trouvé le seul remède à tous ces maux, à cette lèpre hideuse que l'on appelle guerre civile ; vous avez su mettre dans un gouvernement fort et sage votre confiance ; car là seulement est le bonheur de votre intérieur ; là seulement est la paix qui garantit vos biens, vos familles, votre pain de chaque jour ; là encore est la sauvegarde de votre honneur, de cet honneur dont le Gaulois et plus tard le Français ont toujours été si jaloux.

Oui ! je vous le dis et vous le répète, c'est dans un gouvernement bien conduit et dirigé par une main ferme, qu'une grande nation trouvera la paix et le bonheur intérieur, et c'est là que vous trouverez ce qui a toujours fait le sujet de vos révolutions, de vos guerres civiles, la Liberté, l'Egalité et la Fraternité. Car, sachez-le bien, la liberté vous l'aurez toutes les fois que vous pourrez suivre toutes les règles de l'honneur, au point de vue moral, et non du monde qui le comprend mal souvent ; la liberté, lorsque vous pourrez faire le bien à votre guise et vous conduire comme tout homme animé d'un esprit élevé, moral et réfléchi doit le faire. La liberté s'obtient par le travail en se montrant supérieur à la paresse, en s'élevant par les qualités de l'esprit et du coeur.

L'Egalité : en ayant la Liberté, vous obtenez l'Egalité ; cela ne dépend que de vous ; car, qui vous empêche de briguer par votre talent, par vos travaux, les honneurs que beaucoup d'esprits étroits prétendent n'appartenir qu'aux classes élevées. Or, sachez-le bien, il n'y a de classes élevées que là où réside le vrai mérite, celui que donne le coeur et l'instruction ; qui vous empêche d'y arriver ?

A vous, honnête artisan, que vous manque-t-il ? n'avez-vous pas l'estime de vos amis ? ne pouvez-vous pas donner votre voix partout ? ne pouvez-vous faire élever vos enfants et les amener, s'ils le veulent, à prétendre aux plus hauts emplois ? vous voyez donc bien que du petit au grand règne l'Egalité.

Laissez, laissez faire et dire ces gens de peu, qui, se targuant de titres, ne peuvent y ajouter ce que vous possédez, l'honneur et le coeur ; car alors, je vous le dis, l'inégalité sera de leur côté, car vous serez cent fois au-dessus de ceux-là.

La fraternité ne découle-t-elle pas des deux premières vertus ? Ayez l'esprit élevé, le coeur noble et dirigé vers de belles aspirations, ne comprendrez-vous pas que l'union entre les hommes fait la force ? ne comprendrez-vous pas que vous ne trouverez cette concorde que dans un gouvernement qui réunira tous les éléments : ordre, force et honneur ? Si, vous le comprendrez et le comprenez.

Rappelez-vous ces mémorables paroles du Christ : Aimez-vous les uns les autres. N'est-ce pas là cette Fraternité que vous devez avoir ? elle ne demande pas de sang, celle-là ; elle ne veut que de l'amour.

Jésus-Christ vous a encore dit : Soyez unis et par phalanges serrées ; cela ne voulait-il pas dire ? ayez la Fraternité pour être forts ? et vous aurez, étant unis, la Liberté pour agir comme une grande nation. Pour vous protéger contre les autres nations, vous aurez cette Egalité qui est nécessaire pour maintenir l'union et par conséquent la force. Vous formerez ainsi un corps compacte et serré, et, aves un homme de génie à la t^te de ces masses, s'il est bien soutenu par des hommes d'élite pris dans ces masses mêmes, qui pourra vous entamer ? Personne.

Vous êtes forts parce que vous êtes unis dans ce moment.

Souvenez-vous que là est votre garantie de bonheur. Restez ce que vous êtes ; soutenez celui qui vous unit tous dans une même étreinte : et vos enfants pourront caresser vos cheveux blancs, et votre âme ira en paix rejoindre ceux qu'elle aura aimés ici-bas.

ADRIEN, médium.

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Le Follet de Bayonne. - Extrait le Revue Spirite de Janvier 1859

Dans notre dernier numéro nous avons dit quelques mots de cette étrange manifestation. Ces renseignements nous avaient été donnés de vive voix et très succinctement par un de nos abonnés, ami de la famille où les faits se sont accomplis. Il nous avait promis des détails plus circonstanciés, et nous devons à son obligeance la communication des lettres qui en contiennent un récit plus détaillé.

Cette famille habite près de Bayonne, et ces lettres ont été écrites par la mère même de la jeune fille, enfant d'une dizaine d'années, à son fils qui demeure à Bordeaux, pour lui rendre compte de ce qui se passait dans sa maison. Ce dernier a bien voulu se donner la peine de les transcrire pour nous, afin que l'authenticité n'en pût être contestée ; c'est une attention dont nous lui sommes infiniment reconnaissant. On conçoit la réserve à laquelle nous sommes tenu à l'égard des noms propres, réserve que nous nous sommes toujours fait une loi d'observer, à moins d'une autorisation formelle. Tout le monde ne se soucie pas d'attirer chez soi la foule des curieux. A ceux pour qui cette réserve serait un motif de suspicion, nous dirons qu'il faut faire une différence entre un journal éminemment sérieux et ceux qui n'ont en vue que d'amuser le public. Notre but n'est pas de raconter des faits pour remplir notre cadre, mais d'éclairer la science ; si nous étions trompé, nous le serions de bonne foi : quand, à nos yeux, une chose n'est pas formellement avérée, nous la donnons sous bénéfice d'inventaire ; il n'en saurait être ainsi quand elle émane de personnes graves dont l'honorabilité nous est connue, et qui, loin d'avoir aucun intérêt à nous induire en erreur, veulent elles-mêmes s'instruire.

La première lettre est celle du fils à notre abonné en lui adressant celles de sa mère.

Saint-Esprit, 20 novembre 1858.

Mon cher ami,

" Appelé dans ma famille par la mort d'un de mes petits frères, que Dieu vient de nous enlever, cette circonstance, qui m'a tenu éloigné depuis quelque temps de chez moi, est cause du retard que j'ai apporté à vous répondre. Je serais très peiné de vous faire passer pour un faiseur de contes auprès de M. Allan Kardec, aussi vais-je vous donner quelques détails sommaires sur les faits accomplis dans ma famille. Je crois vous avoir déjà dit que les apparitions ont cessé depuis longtemps et ne se manifestent plus à ma soeur. Voici les lettres que ma mère m'écrivait à ce sujet. Je dois observer que beaucoup de faits y sont omis, et ce ne sont pas les moins intéressants. Je vous écrirai de nouveau pour compléter l'histoire si, par vous-même, vous ne pouvez le faire en vous souvenant de ce que je vous ai dit de vive voix.

23 avril 1855.

Il y a environ trois mois qu'un soir ta soeur X. eut besoin de sortir pour faire une emplette. Le corridor de la maison qui est très long, tu le sais, n'est jamais éclairé, et la grande habitude que nous avons de le parcourir sans lumière fait que nous évitons de trébucher sur les marches de l'escalier. X. nous avait déjà dit que chaque fois qu'elle sortait elle entendait une voix qui lui tenait des discours dont elle ne comprit pas tout d'abord le sens, mais qui, plus tard, sont devenus intelligibles. Quelque temps après elle vit une ombre, et ne cessait, durant le trajet, d'entendre la même voix. Les discours tenus par cet être invisible tendaient toujours à la rassurer et à lui donner des conseils très sages. Une bonne morale était le fond de ses paroles. X. fut très troublée, et souvent, nous a-t-elle dit, elle n'eut pas la force de continuer son chemin. Mon enfant, lui disait l'invisible, chaque fois qu'elle était troublée, ne crains rien, car je ne te veux que du bien. Il lui enseigna un endroit où pendant plusieurs jours elle trouva quelques pièces de monnaie ; d'autres fois elle ne trouvait rien. X. s'est conformée à la recommandation qui lui était faite, et pendant très longtemps elle a trouvé, si ce n'est des pièces de monnaie, quelques joujoux que tu verras. Ces dons sans doute ne lui étaient faits que pour l'encourager. Tu n'étais pas oublié dans les conversations de cet être ; il parlait souvent de toi et nous donnait de tes nouvelles par l'intermédiaire de ta soeur. Plusieurs fois il nous a rendu compte de l'emploi de tes soirées ; il t'a vu lisant dans ta chambre ; d'autres fois il nous disait que tes amis étaient réunis chez toi ; enfin il nous rassurait toujours quand la paresse t'empêchait de nous écrire.

Depuis quelque temps X. a des rapports presque continuels avec l'invisible. Dans le jour elle ne voit rien ; elle entend toujours la même voix qui lui tient des discours très sages, qui ne cesse de l'encourager au travail et à l'amour de Dieu. La nuit elle voit, dans la direction d'où part la voix, une lumière rose qui n'éclaire pas, mais qui d'après elle pourrait être comparée à l'éclat d'un diamant dans l'ombre. Maintenant toute crainte a disparu chez elle ; si je lui manifeste des doutes : " Maman, me dit-elle, c'est un ange qui me parle, et si pour te convaincre, tu veux t'armer de courante, il me prie de te dire que ce soir il te fera lever. S'il te parle, tu devras répondre. Vas où il te dira d'aller ; tu verras devant toi des personnes, n'aie aucune peur. " Je n'ai pas voulu mettre mon courage à l'épreuve : j'ai eu peur, et l'impression que cela m'a fait m'a empêchée de dormir. Très souvent, dans la nuit, il me semblait entendre un souffle au chevet de mon lit. Mes chaises se mouvaient sans qu'aucune main y touchât. Mes frayeurs ont complètement disparu depuis quelque temps, et j'ai grand regret de ne m'être pas soumise à l'épreuve qui m'était proposée pour avoir des rapports directs avec l'invisible, et aussi pour n'avoir pas continuellement à lutter contre des doutes.

J'ai engagé X. à interroger l'invisible sur sa nature ; voici l'entretien qu'ils ont eu ensemble :

X. Qui es-tu ?

Inv. Je suis ton frère Elysée.

X. Mon frère est mort il y a douze ans.

Inv. C'est vrai ; ton frère est mort il y a douze ans ; mais il y avait en lui comme en tous les êtres une âme qui ne meurt pas et qui est devant toi à l'instant même, qui t'aime et te protège tous.

X. Je voudrais te voir.

Inv. Je suis devant toi.

X. Je ne vois rien, cependant.

Inv. Je prendrai une forme visible pour toi. Après l'office religieux tu descendras, tu me verras alors et je t'embrasserai.

X. Maman voudrait te connaître aussi.

Inv. Ta mère est la mienne ; elle me connaît. J'aurais plutôt voulu me manifester à elle qu'à toi : c'était mon devoir ; mais je ne puis me montrer à plusieurs personnes, car Dieu me le défend ; je regrette que maman ait manqué de courage. Je te promets de donner des preuves de mon existence et alors tous les doutes disparaîtront.

Le soir, au moment marqué, X. se rendit à la porte du temple. Un jeune homme s'est présenté à elle et lui a dit : " Je suis ton frère. Tu as demandé à me voir ; te voilà satisfaite. Embrasse-moi, car je ne puis conserver longtemps la forme que j'ai prise. "

Comme tu le penses bien, la présence de cet être dût étonner X. au point de l'empêcher de faire aucune observation. Aussitôt qu'il l'eut embrassée, il disparut dans l'air.

Le lendemain matin l'invisible, profitant du moment où X. a été obligée de sortir, s'est manifesté de nouveau à elle et lui a dit : " Tu as dû être bien surprise de ma disparition. Eh bien ! je veux t'apprendre à t'enlever dans les airs, et il te sera possible de me suivre. " Toute autre que X. eut sans doute été épouvantée de la proposition. Elle accepta l'offre avec empressement et aussitôt elle se sentit enlever comme une hirondelle. Elle est arrivée en peu de temps à un endroit où il y avait une foule considérable. Elle a vu, nous a-t-elle dit, de l'or, des diamants, et tout ce qui, sur cette terre, satisfait notre imagination. Personne ne considérait ces choses plus que nous ne le faisons des pavés sur lesquels nous marchons. Elle a reconnu plusieurs enfants de son âge qui habitaient la même rue que nous et qui étaient morts depuis longtemps. Dans un appartement richement décoré, et où il n'y avait personne, ce qui frappa surtout son attention, c'est une grande table où de distance en distance il y avait du papier. Devant chaque cahier se trouvait un encrier ; elle voyait les plumes s'humecter elles-mêmes et tracer des caractères sans qu'aucune main les fit mouvoir.

A son retour je lui ai reproché de s'être absentée sans mon autorisation, et lui ai expressément défendu de recommencer de pareilles excursions. L'invisible lui a témoigné beaucoup de regret de m'avoir mécontentée, et lui a formellement promis que dorénavant il ne l'engagerait plus à faire d'absence sans m'en prévenir.

26 avril.

L'invisible s'est transformé sous les yeux de X. Il a pris ta forme, si bien que ta soeur a cru que tu étais dans le salon ; pour s'en assurer elle lui dit de reprendre sa forme primitive ; aussitôt tu disparus et tu fus remplacé par moi. Son étonnement fut grand ; elle me demanda comment je me trouvais là, la porte du salon étant fermée à clef. Alors une nouvelle transformation eut lieu ; il prit la forme du frère mort et dit à X : " Ta mère et tous les membres de ta famille ne voient point sans étonnement, et même sans un sentiment de crainte, tous les faits qui s'accomplissent par mon intervention. Mon désir n'est point d'occasionner de la frayeur ; cependant, je veux prouver mon existence, et te mettre à l'abri de l'incrédulité de tous, parce qu'on pourrait prendre pour un mensonge de ta part ce qui ne serait de la leur qu'une obstination à ne pas se rendre à l'évidence. Madame C. est une mercière ; tu sais qu'on a besoin d'acheter des boutons ; nous irons tous les deux les acheter. Je me transformerai en ton petit frère (il avait alors 9 ans) et quand tu seras de retour à la maison, tu prieras maman d'envoyer chez Madame C. demander avec qui tu te trouvais au moment où l'on t'a vendu les boutons. " X. n'a pas manqué de se conformer à ces instructions. J'ai envoyé chez Madame C. ; elle m'a fait répondre que ta soeur était avec son frère, dont elle a fait un grand éloge, disant qu'on ne pouvait pas se figurer qu'à son âge il fût possible d'avoir la répartie si facile, et surtout si peu de timidité. Il est bon de dire que le petit frère était en classe depuis le matin et ne devait revenir que le soir vers sept heures, et qu'en outre il est très timide et n'a pas cette facilité qu'on voulait bien lui accorder. C'est fort curieux, n'est-ce pas ? Je crois que la main de Dieu n'est point étrangère à ces choses inexplicables.

7 mai 1855.

Je ne suis pas plus crédule qu'on ne doit l'être et ne me laisse pas dominer par des idées superstitieuses. Je ne puis cependant pas me refuser à croire à des faits qui s'accomplissent sous mes yeux. Il me fallait des preuves bien évidentes pour ne plus infliger à ta soeur les punitions que je lui donnais quelquefois à regret, dans la crainte qu'elle ne voulût se jouer de nous en abusant de notre confiance.

Hier il était cinq heures environ, quand l'invisible dit à X : " Il est probable que maman va t'envoyer quelque part faire une commission. Dans ta course tu seras agréablement surprise par l'arrivée de la famille de ton oncle. " X me transmet aussitôt ce que l'invisible avait dit, j'étais bien loin de m'attendre à cette arrivée, et plus surprise encore de l'apprendre de cette façon. Ta soeur est sortie et les premières personnes qu'elle a rencontrées étaient effectivement mon frère, sa femme et ses enfants, qui venaient nous voir. X. s'empressa de me dire que je devais avoir une preuve de plus de la véracité de tout ce qu'elle me disait.

10 mai 1855.

Je ne puis plus douter aujourd'hui de quelque chose d'extraordinaire dans la maison ; je vois accomplir tous ces faits singuliers sans frayeur, mais n'en puis retirer aucun enseignement, car ces mystères sont inexplicables pour moi.

Hier après avoir établi l'ordre dans tous les appartements, et tu sais que c'est une chose à laquelle je tiens essentiellement, l'invisible dit à X, que malgré les preuves qu'il avait données de son intervention dans tous les faits curieux que je t'ai racontés, j'avais toujours des doutes qu'il voulait faire complètement cesser. Sans qu'aucun bruit se soit fait entendre, une minute a suffi pour mettre le plus grand désordre dans les appartements. Sur les parquets une matière rouge avait été répandue ; je crois que c'était du sang. Si c'eût été quelques gouttes seulement, j'aurais cru que X. s'était piquée ou avait saigné au nez, mais figure-toi que le plancher était inondé. Cette preuve bizarre nous a donné un travail considérable pour rendre au salon son luisant primitif.

Avant de décacheter les lettres que tu nous adresses, X en connaît le contenu. L'invisible le lui transmet.

16 mai 1855.

X n'a pas accepté une observation que sa soeur lui a faite, je ne sais à propos de quoi ; elle fit une réponse d'autant moins convenable que le reproche était fondé. Je lui infligeai une punition et elle alla se coucher sans souper. Avant de se coucher elle a l'habitude de prier Dieu. Ce soir là elle l'oublia ; mais peu d'instants après qu'elle fut au lit l'invisible lui apparut ; il lui présenta un flambeau et un livre de prières pareil à celui dont elle a l'habitude de se servir, et lui dit que malgré la punition qu'elle avait si bien méritée, elle ne devait pas oublier de remplir son devoir. Alors elle se leva, fit ce qui lui était ordonné, et sitôt sa prière achevée, tout disparut.

Le lendemain matin, X, après m'avoir embrassée, m'a demandé si le chandelier qui se trouvait sur la table à un étage au-dessus de sa chambre avait été enlevé. Or ce flambeau, semblable à celui qui lui avait été présenté la veille, n'avait pas bougé de sa place, non plus que son livre de prières.

4 juin 1855.

Depuis quelque temps aucun fait bien saillant ne s'est accompli, si ce n'est le suivant. J'étais enrhumée ces jours-ci ; avant hier toutes tes soeurs étaient occupées et je ne pouvais disposer de personne pour envoyer acheter de la pâte pectorale. Je dis à X que quand elle aurait achevé son ouvrage elle ferait bien d'aller me chercher quelque chose chez le pharmacien le plus près. Elle oublia ma recommandation, et moi-même n'y pensai plus. Je suis certaine qu'elle n'est pas sortie et n'a quitté son travail que pour aller prendre une soupière dont nous avions besoin. Sa surprise fut grande en ôtant le couvercle d'y trouver un paquet de sucre d'orge que l'invisible y avait déposé pour lui épargner une course, et aussi pour satisfaire mon désir que l'on avait perdu de vue.

Nous avons évoqué cet Esprit dans une des séances de la Société et lui avons adressé les questions suivantes. M. Adrien l'a vu sous les traits d'un enfant de 10 à 12 ans ; jolie tête, cheveux noirs et ondoyants, oeil noir et vif, teint pâle, bouche moqueuse, caractère léger, mais bon. L'Esprit dit ne pas trop savoir pourquoi on l'a évoqué.

Notre correspondant qui était présent à la séance dit que ce sont bien là les traits sous lesquels la jeune fille l'a dépeint en plusieurs circonstances.

1. Nous avons entendu raconter l'histoire de tes manifestations dans une famille de Bayonne et nous désirons t'adresser à ce sujet quelques questions. - R. Faites et je répondrai ; faites vite, je suis pressé, je veux m'en aller.

2. Où as-tu été prendre l'argent que tu donnais à la jeune fille ? - R. J'ai été puiser dans l'escarcelle des autres ; vous comprenez bien que je ne vais pas m'amuser à frapper monnaie. Je prends à ceux qui peuvent donner.

3. Pourquoi t'es-tu attaché à cette jeune fille ? - R. Grande sympathie.

4. Est-il vrai que tu aies été son frère mort à l'âge de 4 ans ? - R. Oui.

5. Pourquoi étais-tu visible pour elle et non pour sa mère ? - R. Ma mère doit être privée de ma vue ; mais ma soeur n'avait pas besoin de punition ; du reste c'est par permission spéciale que je lui ai apparu.

6. Pourrais-tu nous expliquer comment tu te rends visible ou invisible à volonté ? - R. Je ne suis pas assez élevé, et suis trop préoccupé de ce qui m'attire, pour répondre à cette question.

7. Pourrais-tu, si tu le voulais, paraître ici au milieu de nous, comme tu t'es montré à la mercière ? - R. Non.

8. Dans cet état, serais-tu sensible à la douleur si l'on te frappait ? - R. Non.

9. Que serait-il arrivé si la mercière eut voulu te frapper ? - R. Elle n'eut frappé que dans le vide.

10. Sous quel nom pouvons-nous te désigner quand nous parlerons de toi ? - R. Appelez-moi Follet si vous voulez. Laissez-moi, il faut que je m'en aille.

11. (A Saint-Louis). Serait-il utile d'avoir à ses ordres un esprit semblable ? - R. Vous en avez souvent autour de vous qui vous assistent sans que vous vous en doutiez.

Considérations sur le Follet de Bayonne.

Si nous rapprochons ces faits de ceux de Bergzabern, dont nos lecteurs n'ont sans doute pas perdu le souvenir, on y verra une différence capitale. Là c'était plus qu'un Esprit frappeur ; c'était, et c'est encore en ce moment, un Esprit perturbateur dans toute l'acception du mot. Sans faire de mal, c'est un commensal fort incommode et fort désagréable, sur lequel nous reviendrons, dans notre prochain numéro, ayant eu des nouvelles de ses récentes prouesses. Celui de Bayonne, au contraire, est éminemment bienveillant et obligeant ; c'est le type de ces bons Esprits servants dont les légendes allemandes nous racontent les hauts faits, preuve nouvelle qu'il peut y avoir, dans les histoires légendaires, un fond de vérité. On conviendra, du reste, que l'imagination aurait peu de choses à faire pour mettre ces faits à la hauteur d'une légende, et qu'on pourrait les prendre pour un conte du moyen âge, s'ils ne s'étaient passés, pour ainsi dire, sous nos yeux.

Un des traits les plus saillants de l'Esprit auquel nous avons donné le nom de follet de Bayonne, ce sont ses transformations. Que dira-t-on maintenant de la fable de Protée ? Il y a encore cette différence entre lui et l'Esprit de Bergzabern que ce dernier ne s'est jamais montré autrement qu'en rêve, tandis que notre petit lutin se rendait visible et tangible, comme une personne réelle, non seulement à sa soeur, mais à des étrangers : témoin l'achat des boutons chez la mercière. Pourquoi ne se montrait-il pas à tout le monde et à toute heure ? c'est ce que nous ne savons pas ; il paraît que ce n'était pas en son pouvoir, et qu'il ne pouvait même pas rester longtemps en cet état. Il fallait peut être pour cela un travail intime, une puissance de volonté au-dessus de ses forces.

De nouveaux détails nous étant promis sur ces étranges phénomènes, nous aurons occasion d'y revenir.

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Paul Gaimard. Médecin de la marine et voyageur naturaliste, décédé le 11 décembre 1858 ; évoqué le 24 du même mois, à l'âge de 64 ans, par un de ses amis, M. Sardou. - Extrait le Revue Spirite de mars 1859

1. Evocation.

- R. Je suis là ; que veux-tu ?

2. Quel est ton état actuel ? - R. J'erre comme les Esprits qui quittent la terre et qui ont le désir de s'avancer dans les voies du bien. Nous cherchons, nous étudions, et puis nous choisissons.

3. Tes idées sur la nature de l'homme sont-elles modifiées ? - R. Beaucoup ; tu peux le penser.

4. Quel jugement portes-tu maintenant sur le genre de vie que tu as menée pendant l'existence que tu viens de terminer ici-bas ? - R. J'en suis content, car j'ai travaillé.

5. Tu croyais que, pour l'homme, tout finit à la tombe : de là ton épicurisme et le désir que tu exprimais quelquefois de vivre des siècles pour bien jouir de la vie. Que penses-tu des vivants qui n'ont pas d'autre philosophie que celle-là ? - R. Je les plains, mais cela leur sert néanmoins : avec un tel système, ils peuvent apprécier froidement tout ce qui enthousiasme les autres hommes, et cela leur permet de juger sainement de bien des choses qui fascinent les crédules à trop bon compte.

Remarque. - C'est l'opinion personnelle de l'esprit ; nous la donnons comme telle et non comme maxime.

6. L'homme qui s'efforce moralement plutôt qu'intellectuellement, fait-il mieux que celui qui s'attache surtout au progrès intellectuel et néglige le progrès moral ? - R. Oui ; le moral passe avant. Dieu donne l'esprit comme récompense aux bons, tandis que le moral nous devons l'acquérir.

7. Qu'entends-tu par esprit que Dieu donne ? - R. Une vaste intelligence.

8. Il y a cependant beaucoup de méchants qui ont une vaste intelligence. - R. Je l'ai dit. Vous avez demandé lequel il valait mieux chercher à acquérir ; je vous ai dit que le moral est préférable ; mais celui qui travaille à perfectionner son Esprit peut acquérir un haut degré d'intelligence. Quand donc entendrez-vous à demi-mot ?

9. Es-tu complètement dégagé de l'influence matérielle du corps ? - R. Oui ; ce qui vous en a été dit ne comprend qu'une certaine classe de l'humanité.

Remarque. Il est arrivé plusieurs fois que des Esprits évoqués, même quelques mois après leur mort, ont déclaré être encore sous l'influence de la matière ; mais ces Esprits avaient tous été des hommes qui n'avaient progressé ni moralement ni intellectuellement. C'est de cette classe de l'humanité que veut parler l'Esprit qui fut Paul Gaimard.

10. As-tu eu sur cette terre d'autres existences que la dernière ? - R. Oui.

11. Cette dernière est-elle la conséquence de la précédente ? - R. Non, il y a eu un grand espace de temps entre les deux.

12. Malgré ce long intervalle ne pourrait-il pas y avoir cependant un certain rapport entre ces deux existences ? - R. Chaque minute de notre vie est la conséquence de la minute précédente, si tu l'entends ainsi.

Remarque. Le docteur B..., qui assistait à cet entretien, exprime l'opinion que certains penchants, certains instincts qui parfois s'éveillent en nous, pourraient bien être comme un reflet d'une existence antérieure. Il cite plusieurs faits parfaitement constatés de jeunes femmes qui, dans la grossesse, ont été poussées à des actes féroces, comme, par exemple, celle qui se jeta sur le bras d'un garçon boucher et le mordit à belles dents ; une autre qui coupa la tête à un petit enfant, et porta elle-même cette tête au commissaire de police ; une troisième qui tua son mari, le coupa en petits morceaux qu'elle sala et dont elle se nourrit pendant plusieurs jours. Le docteur demande si, dans une existence antérieure, ces femmes n'avaient pas été anthropophages.

13. Tu as entendu ce que vient de dire le docteur B... ; est-ce que ces instincts désignés sous le nom d'envies de femmes grosses sont des conséquences d'habitudes contractées dans une existence antérieure ? - R. Non ; folie transitoire ; passion à son plus haut degré ; l'Esprit est éclipsé par la volonté.

Remarque. Le docteur B... fait observer qu'effectivement les médecins considèrent ces actes comme des cas de folie transitoire. Nous partageons cette opinion, mais non par les mêmes motifs, attendu que ceux qui ne sont pas familiarisés avec les phénomènes spirites, sont généralement portés à les attribuer aux seules causes qu'ils connaissent. Nous sommes persuadés que nous devons avoir des réminiscences de certaines dispositions morales antérieures ; nous ajoutons même qu'il est impossible qu'il en soit autrement, le progrès ne pouvant s'accomplir que graduellement ; mais ce ne peut être ici le cas, et ce qui le prouve, c'est que les personnes dont on vient de parler ne donnaient aucun signe de férocité en dehors de leur état pathologique : il n'y avait évidemment chez elles qu'une perturbation momentanée des facultés morales. On reconnaît le reflet des dispositions antérieures à d'autres signes en quelque sorte non équivoques et que nous développerons dans un article spécial, avec des faits à l'appui.

14. Chez toi, dans ta dernière existence, y a-t-il eu à la fois progrès moral et progrès intellectuel ? - R. Oui ; intellectuel surtout.

15. Pourrais-tu nous dire quel était le genre de ton avant-dernière existence ? - R. Oh ! je fus obscur. J'eus une famille que je rendis malheureuse ; je l'ai bien expié plus tard. Mais pourquoi me demander cela ? C'est bien passé, et je suis maintenant dans de nouvelles phases.

Remarque. P. Gaimard est mort célibataire à l'âge de 64 ans. Plus d'une fois il a pu regretter de ne pas avoir de foyer domestique.

16. Espères-tu être bientôt réincarné ? - R. Non, je veux chercher avant. Nous aimons cet état d'erraticité, parce que l'âme se possède mieux ; l'Esprit a plus conscience de sa force ; la chair charge, obscurcit, entrave.

Remarque. Tous les Esprits disent qu'à l'état errant ils cherchent, étudient, observent pour faire leur choix. N'est-ce pas la contrepartie de la vie corporelle ? Ne cherchons-nous pas souvent pendant des années avant de fixer notre choix sur la carrière que nous croyons la plus propre à nous faire faire notre chemin ? N'en changeons-nous pas quelquefois à mesure que nous avançons en âge ? Chaque jour n'est-il pas employé à chercher ce que nous ferons le lendemain ?

Or, qu'est-ce que les différentes existences corporelles pour l'Esprit, sinon des phases, des périodes, des jours de la vie spirite qui est, comme nous le savons, la vie normale, la vie corporelle n'étant que transitoire et passagère ? Quoi de plus sublime que cette théorie ? N'est-elle pas en rapport avec l'harmonie grandiose de l'univers ? Encore une fois ce n'est pas nous qui l'avons inventée, et nous regrettons de n'en avoir pas le mérite ; mais plus nous l'approfondissons, plus nous la trouvons féconde en solutions de problèmes jusqu'alors inexpliqués.

17. Sur quelle planète penses-tu, ou désires-tu être réincarné ? - R. Je ne sais pas ; donne-moi le temps de chercher.

18. Quel genre d'existence demanderas-tu à Dieu ? - R. La continuation de cette dernière ; le plus grand développement possible des facultés intellectuelles.

19. Tu parais toujours placer en première ligne le développement des facultés intellectuelles, faisant moins de cas des facultés morales, malgré ce que tu as dit précédemment - R. Mon coeur n'est pas encore assez formé pour bien apprécier les autres.

20. Vois-tu d'autres Esprits, et es-tu en relation avec eux ? - R. Oui.

21. Parmi ces Esprits y en a-t-il que tu aies connu sur cette terre ? - R. Oui ; Dumont-d'Urville.

22. Vois-tu aussi l'Esprit de Jacques Arago, avec lequel tu as voyagé ? - R. Oui.

23. Ces Esprits sont-ils dans la même condition que toi ? - R. Non ; les uns plus haut, les autres plus bas.

24. Nous voulons parler de l'Esprit de Dumont-d'Urville et de Jacques Arago. - R. Je ne veux pas spécialiser.

25. Es-tu satisfait que nous t'ayons évoqué ? - R. Oui, surtout par une personne.

26. Pouvons-nous faire quelque chose pour toi ? - R. Oui.

27. Si nous t'évoquions dans quelques mois, voudrais-tu bien répondre encore à nos questions ? - R. Avec plaisir. Adieu.

28. Tu nous dis adieu ; fais-nous le plaisir de nous dire où tu vas. - R. Je vais de ce pas (pour parler comme j'aurais fait il y a quelques jours) traverser un espace mille fois plus considérable que le chemin que je fis sur terre dans mes voyages que je croyais si lointains ; et cela, en moins d'une seconde, d'une pensée. Je vais dans une réunion d'Esprits où je prendrai des leçons, et où je pourrai apprendre ma nouvelle science, ma nouvelle vie. Adieu.

Remarque. Quiconque a parfaitement connu M. Paul Gaimard, avouera que cette communication est bien marquée du cachet de son individualité. Apprendre, voir, connaître, était sa passion dominante : c'est ce qui explique ses voyages autour du monde et dans les régions du pôle nord, ainsi que ses excursions en Russie et en Pologne, à la première apparition du choléra en Europe. Dominé par cette passion et par le besoin de la satisfaire, il conservait un rare sang-froid dans les plus grands dangers ; c'est ainsi que par son calme et par sa fermeté, il sut se tirer des mains d'une troupe d'anthropophages qui l'avaient surpris dans l'intérieur d'une île de l'Océanie.

Une parole de lui caractérise parfaitement cette avidité de voir des faits nouveaux, d'assister au spectacle d'accidents imprévus. " Quel bonheur ! S'écria-t-il un jour pendant la période la plus dramatique de 1848, quel bonheur de vivre à une époque si fertile en événements extraordinaires et inattendus ! "

Son esprit, tourné presque uniquement vers les sciences qui traitent de la matière organisée, avait trop négligé les sciences philosophiques : aussi serait-on en droit de dire qu'il manquait d'élévation dans les idées. Cependant aucun acte de sa vie ne prouve qu'il ait jamais méconnu les grandes lois morales imposées à l'humanité. En somme, M. Paul Gaimard avait une belle intelligence : essentiellement probe et honnête, naturellement obligeant, il était incapable de faire le moindre tort à personne. On ne peut lui reprocher peut-être que d'avoir été un peu trop ami des plaisirs ; mais le monde et les plaisirs ne corrompirent ni son jugement ni son coeur : aussi M. Paul Gaimard a-t-il mérité les regrets de ses amis et de tous ceux qui le connaissaient.

SARDOU.

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Mme Reynaud, Somnambule, décédée à Annonay, il y a environ un an - Extrait le Revue Spirite de mars 1859

Mme Reynaud,

Somnambule, décédée à Annonay, il y a environ un an ; sa lucidité était surtout remarquable pour les questions médicales, quoique illettrée dans son état naturel.

Un de nos correspondants, qui l'avait connue de son vivant, pensant qu'on pourrait en obtenir des renseignements utiles, nous adressa quelques questions qu'il nous pria de lui faire, si nous jugions à propos de l'interroger, ce que nous fîmes dans la séance de la Société du 28 janvier 1859. Aux questions de notre correspondant, nous avons ajouté toutes celles qui nous ont paru avoir quelque intérêt.

1. Evocation. - R. Je suis là : que me voulez-vous ?

2. Avez-vous un souvenir exact de votre existence corporelle ? - R. Oui, très précis.

3. Pouvez-vous nous dépeindre votre situation actuelle ? - R. C'est la même que celle de tous les Esprits qui habitent notre terre : généralement ils possèdent l'intuition du bien, et pourtant ne peuvent pas obtenir le bonheur parfait, réservé seulement à plus de perfection.

4. De votre vivant, vous étiez somnambule lucide ; pourriez-vous nous dire si votre lucidité d'alors était analogue à celle que vous avez maintenant, comme Esprit ? - R. Non : elle différait en ce qu'elle n'avait pas la promptitude et la justesse que mon Esprit possède aujourd'hui.

5. La lucidité somnambulique est-elle une anticipation de la vie spirite, c'est-à-dire un isolement de l'Esprit, par rapport à la matière ? - R. C'est une des phases de la vie terrestre ; mais la vie terrestre est la même que la vie céleste.

6. Qu'entendez-vous, en disant que la vie terrestre est la même que la vie céleste ? - R. Que la chaîne des existences est formée d'anneaux suivis et continus : aucune interruption n'en vient arrêter le cours. On peut donc dire que la vie terrestre est la suite de la vie céleste précédente et le prélude de la vie céleste future, et ainsi de suite, pour toutes les incarnations qu'un Esprit peut avoir à subir : ce qui fait qu'il n'y a pas entre ces deux existences une séparation aussi absolue que vous le croyez.

Remarque. - Pendant la vie terrestre l'Esprit ou l'âme peut agir indépendamment de la matière, et l'homme jouit, dans certains moments, de la vie spirite, soit pendant le sommeil, soit même à l'état de veille. Les facultés de l'Esprit s'exerçant malgré la présence des corps, il y a entre la vie terrestre et celle d'outre-tombe une corrélation constante qui a fait dire à Mme Reynaud que c'est la même : la réponse subséquente a clairement défini sa pensée.

7. Pourquoi alors tout le monde n'est-il pas somnambule ? - R. Vous ignorez donc encore que vous l'êtes tous, même sans sommeil et très éveillés, à des degrés différents.

8. Nous concevons que nous le soyons tous plus ou moins pendant le sommeil, puisque l'état de rêve est une sorte de somnambulisme imparfait ; mais qu'entendez-vous en disant que nous le sommes, même à l'état de veille ? - R. N'avez-vous pas les intuitions dont on ne se rend pas compte, et qui ne sont autre chose qu'une faculté de l'Esprit ? Le poète est un médium, un somnambule.

9. Votre faculté somnambulique a-t-elle contribué à votre développement comme Esprit après la mort ? - R. Peu.

10. Au moment de la mort, avez-vous été longtemps dans le trouble ? - R. Non ; je me reconnus bientôt : j'étais entourée d'amis.

11. Attribuez-vous à votre lucidité somnambulique votre prompt dégagement ? - R. Oui, un peu. Je connaissais d'avance le sort des mourants mais cela ne m'eût servi de rien, si je n'eusse possédé une âme capable de trouver une vie meilleure par plus de bonnes facultés.

12. Peut-on être bon somnambule sans posséder un Esprit d'un ordre élevé ? - R. Oui. Les facultés sont toujours en rapport : seulement vous vous vous trompez, en croyant que telles facultés demandent de bonnes dispositions ; non, ce que vous croyez bon est souvent mauvais : je développerai cela, si vous ne comprenez pas.

Il y a des somnambules qui possèdent l'avenir, qui racontent des faits arrivés et dont ils n'ont aucune connaissance dans leur état normal ; il y en a d'autres qui savent parfaitement dépeindre les caractères de ceux qui les interrogent, indiquer exactement un nombre d'années, une somme d'argent, etc. : cela ne demande aucune supériorité réelle ; c'est simplement l'exercice de la faculté que possède l'Esprit et qui se manifeste chez la somnambule endormie. Ce qui demande une réelle supériorité, c'est l'usage qu'elle peut en faire pour le bien ; c'est la conscience du bien et du mal ; c'est de connaître Dieu mieux que les hommes ne le connaissent ; c'est de pouvoir donner des conseils propres à faire progresser dans la voie du bien et du bonheur.

13. L'usage qu'un somnambule fait de sa faculté influe-t-il sur son état d'esprit, après la mort ? - R. Oui, beaucoup, comme l'usage bon ou mauvais de toutes les facultés que Dieu nous a données.

14. Veuillez nous expliquer comment vous aviez des connaissances médicales sans avoir fait aucune étude ? - R. Toujours faculté spirituelle : d'autres Esprits me conseillaient ; j'étais médium : c'est l'état de tous les somnambules.

15. Les médicaments que prescrit un somnambule lui sont-ils toujours indiqués par d'autres Esprits, ou bien le sont-ils aussi par l'instinct, comme chez les animaux qui vont chercher l'herbe qui leur est salutaire ? - R. On les lui indique s'il demande des conseils, dans le cas où son expérience ne suffit pas. Il les connaît à leurs qualités.

16. Le fluide magnétique est-il l'agent de la lucidité des somnambules, comme la lumière pour nous ? - Non, il est l'agent du sommeil.

17. Le fluide magnétique est-il l'agent de la vue, à l'état d'Esprit ? - R. Non.

18. Nous voyez-vous ici aussi clairement que si vous étiez vivante, avec votre corps ? - R. Mieux, maintenant : ce que je vois de plus c'est l'homme intérieur.

19. Nous verriez-vous de même, si nous étions dans l'obscurité ? - R. Aussi bien.

20. Nous voyez-vous aussi bien, mieux ou moins bien que vous ne nous auriez vus de votre vivant, mais en somnambulisme ? - R. Mieux encore.

21. Quel est l'agent ou l'intermédiaire qui vous sert à nous voir ? - R. Mon Esprit. Je n'ai ni oeil, ni prunelle, ni rétine, ni cils, et pourtant je vous vois mieux qu'aucun de vous ne voit son voisin : c'est par l'oeil que vous voyez, mais c'est votre Esprit qui voit.

22. Avez-vous conscience de l'obscurité ? - R. Je sais qu'elle existe pour vous ; pour moi il n'y en a pas.

Remarque. Ceci confirme ce qui nous a été dit de tout temps que la faculté de voir est une propriété inhérente à la nature même de l'Esprit et qui réside dans tout son être ; dans le corps elle est localisée.

23. La double vue peut-elle être comparée à l'état somnambulique ? - R. Oui : faculté qui ne vient point du corps.

24. Le fluide magnétique émane-t-il du système nerveux ou est-il répandu dans la masse atmosphérique ? - R. Système nerveux ; mais le système nerveux le puise dans l'atmosphère, foyer principal. L'atmosphère ne le possède pas par elle-même ; il vient des êtres qui peuplent l'univers : ce n'est pas le néant qui le produit, c'est au contraire l'accumulation de la vie et de l'électricité que dégage cette foule d'existences.

25. Le fluide nerveux est-il un fluide propre, où serait-il le résultat d'une combinaison de tous les autres fluides impondérables qui pénètrent dans le corps, tels que le calorique, la lumière, l'électricité ? - R. Oui et non : vous ne connaissez pas assez ces phénomènes pour en parler ainsi ; vos termes n'expriment pas ce que vous voulez dire.

26. D'où vient l'engourdissement produit par l'action magnétique ? - R. Agitation produite par la surcharge du fluide qui encombre le magnétisé.

27. La puissance magnétique, chez le magnétiseur, dépend-elle de sa constitution physique ? - R. Oui, mais beaucoup de son caractère : en un mot, de lui-même.

28. Quelles sont les qualités morales qui, chez un somnambule, peuvent aider au développement de sa faculté ? - R. Les bonnes : vous me demandez ce qui peut aider.

29. Quels sont les défauts qui lui nuisent le plus ? - R. La mauvaise foi.

30. Quelles sont les qualités les plus essentielles, chez le magnétiseur ? - R. Le coeur ; les bonnes intentions toujours soutenues ; le désintéressement.

31. Quels sont les défauts qui lui nuisent le plus ? - R. Les mauvais penchants, ou plutôt le désir de nuire.

32. De votre vivant voyiez-vous les Esprits dans votre état somnambulique ? - R. Oui.

33. Pourquoi tous les somnambules ne les voient-ils pas ? - R. Tous les voient par moments et à différents degrés de clarté.

34. D'où vient à certaines personnes non somnambules la faculté de voir les Esprits à l'état de veille ? - R. Cela est donné par Dieu, comme à d'autres l'intelligence ou la bonté.

35. Cette faculté vient-elle d'une organisation physique spéciale ? - R. Non.

36. Cette faculté peut-elle se perdre ? - R. Oui, comme elle peut s'acquérir.

37. Quelles sont les causes qui peuvent la faire perdre ? - R. Les intentions mauvaises, nous l'avons dit. Pour première condition il faut chercher à se proposer réellement d'en faire un bon usage ; cela une fois défini, jugez si vous méritez cette faveur, car elle n'est pas donnée inutilement. Ce qui nuit à ceux qui la possèdent, c'est qu'il s'y mêle presque toujours cette malheureuse passion humaine que vous connaissez si bien (l'orgueil), même avec le désir d'amener les meilleurs résultats ; on se glorifie de ce qui n'est l'oeuvre que de Dieu, et souvent on veut en faire son profit. - Adieu.

38. Où allez-vous en nous quittant ? - R. A mes occupations.

39. Pourriez-vous nous dire quelles sont vos occupations ? - R. J'en ai comme vous ; je tâche d'abord de m'instruire, et pour cela je me mêle aux sociétés meilleures que moi ; comme délassement je fais le bien, et ma vie se passe dans l'espérance d'atteindre à un plus grand bonheur. Nous n'avons aucun besoin matériel à satisfaire, et par conséquent toute notre activité se porte vers notre progrès moral.

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Hitoti, chef tahitien. (Revue Spirite de mars 1859)

Un officier de marine, présent à la séance de la Société du 4 février dernier, témoigna le désir d'évoquer un chef tahitien, nommé Hitoti, qu'il avait personnellement connu pendant son séjour dans l'Océanie.

1. Evocation. - R. Que voulez-vous ?

2. Pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez embrassé de préférence la cause française dans l'Océanie ? - R. J'aimais cette nation ; du reste, mon intérêt me le commandait.

3. Avez-vous été satisfait du voyage que nous avons fait faire en France à votre petit-fils, et des soins que nous lui avons donnés ? - R. Oui, et non. Ce voyage a peut-être beaucoup perfectionné son esprit, mais cela l'a complètement rendu étranger à sa patrie, en lui donnant des idées qui n'auraient jamais dû naître en lui.

4. Des récompenses que vous avez reçues du gouvernement français, quelles sont celles qui vous ont le plus satisfait ? - R. Les décorations.

5. Et parmi les décorations, laquelle préfériez-vous ? - R. La Légion d'honneur.

Remarque. Cette circonstance était ignorée du médium et de tous les assistants ; elle a été confirmée par la personne qui faisait l'évocation. Quoique le médium qui servait d'intermédiaire fut intuitif, et non mécanique, comment cette pensée aurait-elle pu être la sienne propre ? On le concevrait pour une question banale, mais cela n'est pas admissible quand il s'agit d'un fait positif dont rien ne pouvait lui donner l'idée.

6. Etes-vous plus heureux maintenant que de votre vivant ? - R. Oui, beaucoup plus.

7. Dans quel état est votre Esprit ? - R. Errant, devant me réincarner bientôt.

8. Quelles sont vos occupations dans votre vie errante ? - R. M'instruire.

Remarque. Cette réponse est presque générale chez tous les Esprits errants ; ceux qui sont plus avancés moralement ajoutent qu'ils s'occupent à faire le bien, et assistent ceux qui ont besoin de conseils.

9. De quelle manière vous instruisez-vous, car vous ne devez pas le faire de la même manière que de votre vivant ? - R. Non ; je travaille mon esprit ; je voyage. Je comprends que cela est peu intelligible pour vous ; vous serez au fait plus tard.

10. Quelles sont les contrées que vous fréquentez le plus volontiers ? - R. Contrées ? Je ne voyage plus sur votre terre, soyez-en bien persuadés ; je vais plus haut, plus bas, au-dessus, au-dessous, moralement et physiquement. J'ai vu et examiné avec le plus grand soin des mondes à votre orient et à votre couchant qui sont encore dans un état de barbarie affreuse, et d'autres qui sont puissamment élevés au-dessus de vous.

11. Vous avez dit que vous seriez bientôt réincarné, savez-vous dans quel monde ? - R. Oui, j'y ai été souvent.

12. Pouvez-vous le désigner ? - R. Non.

13. Pourquoi, dans vos voyages négligez-vous la terre ? - R. Je la connais.

14. Quoique vous ne voyagiez plus sur cette terre, pensez-vous encore à quelques-unes des personnes que vous y avez pu aimer ? - R. Peu.

15. Vous ne vous occupez donc plus de ceux qui vous ont témoigné de l'affection ? - R. Peu.

16. Vous les rappelez-vous ? - R. Très-bien ; mais nous nous reverrons, et je compte payer tout cela. On me demande si je m'en occupe ? non, mais je ne les oublie pas pour cela.

17. N'avez-vous pas revu cet ami auquel je faisais allusion tout à l'heure et qui est mort comme vous ? - R. Oui, mais nous nous reverrons plus matériellement ; nous serons incarnés dans une même sphère, et nos existences se toucheront.

18. Nous vous remercions d'avoir bien voulu répondre à notre appel. - R. Adieu ; travaillez et pensez.

Remarque. La personne qui a fait l'évocation et qui connaît les moeurs de ces peuples, déclare que cette dernière phrase est conforme à leurs habitudes ; c'est chez eux une locution d'usage en quelque sorte banale, et que ne pouvait deviner le médium. Il reconnaît également que tout l'entretien est en rapport avec le caractère de l'Esprit évoqué, et que son identité est évidente pour lui.

La réponse à la question 17 offre une particularité remarquable : Nous serons incarnés dans une même sphère, et nos existences se toucheront. Il est avéré que les êtres qui se sont aimés se retrouvent dans le monde des Esprits, mais il paraît en outre, d'après beaucoup de réponses analogues, qu'ils peuvent se suivre quelquefois dans une autre existence corporelle où les circonstances les rapprochent sans qu'ils s'en doutent, soit par des liens de parenté, soit par des relations amicales. Ceci nous donne la raison de certaines sympathies.

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Un Esprit follet. (Revue Spirite de mars 1859)

M. J..., un de nos collègues de la Société, avait vu à plusieurs reprises des flammes bleues se promener sur son lit. Ayant acquis la certitude que c'était une manifestation, nous eûmes l'idée, le 20 janvier dernier, d'évoquer un de ces Esprits, afin de nous édifier sur sa nature.

1. Evocation. - R. Et que me veux-tu ?

2. Dans quel but t'es-tu manifesté chez M. J... ? - R. Que t'importe ?

3. A moi, cela importe peu, c'est vrai ; mais cela n'est pas indifférent pour M. J... - R. Ah ! la belle raison !

Remarque. Ces premières questions ont été faites par M. Kardec. M. J... poursuit l'interrogatoire.

4. C'est que je ne reçois pas volontiers tout le monde chez moi. - R. Tu as tort ; je suis très bon.

5. Fais-moi donc le plaisir de me dire ce que tu venais faire chez moi ? - R. Crois-tu, par hasard, que, parce que je suis bon, je doive t'obéir ?

6. Il m'a été dit que tu es un Esprit très léger. - R. On m'a fait une bien mauvaise réputation mal à propos.

7. Si c'est une calomnie, prouve-le. - R. Je n'y tiens pas.

8. Je pourrais bien employer un moyen pour te faire connaître. - R. Cela ne pourra que me divertir, ma foi, un peu.

9. Je te somme de me dire ce que tu venais faire chez moi. - R. Je n'avais qu'un but, celui de me divertir.

10. Ceci n'est pas en rapport avec ce qui m'a été dit par des Esprits supérieurs. - R. J'ai été envoyé chez toi, tu en connais la raison. Es-tu content ?

11. Tu as donc menti ? - R. Non.

12. Tu n'avais donc pas de mauvaises intentions ? - R. Non ; on te l'a dit ainsi que moi.

13. Pourrais-tu me dire quel est ton rang parmi les Esprits ? - R. Ta curiosité me plaît.

14. Puisque tu prétends être bon, pourquoi me réponds-tu d'une manière aussi peu convenable ? - R. Est-ce que je t'aurais insulté ?

15. Non ; mais pourquoi réponds-tu d'une manière évasive, et te refuses-tu à me donner les renseignements que je te demande ? - R. Je suis libre de faire ce que je veux, sous le commandement cependant de certains Esprits.

16. Allons, je vois avec plaisir que tu commences à devenir plus convenable, et j'en augure que je vais avoir avec toi des rapports plus aimables. - R. Mets tes phrases de côté ; tu feras beaucoup mieux.

17. Sous quelle forme es-tu ici ? - R. De forme, je n'en ai pas.

18. Sais-tu ce que c'est que le périsprit ? - R. Non ; à moins que ce soit du vent.

19. Que pourrais-je faire qui te soit agréable ? - R. Je te l'ai dit : tais-toi.

20. La mission que tu es venu remplir chez moi t'a-t-elle fait avancer comme Esprit ? - R. Ceci est une autre affaire ; ne m'adresse pas de telles questions. Tu sais que j'obéis à certains Esprits ; adresse-toi à eux ; quant à moi, je demande à m'en aller.

21. Aurions-nous eu de mauvais rapports, dans une autre existence, et serait-ce la cause de ta mauvaise humeur ? - R. Tu ne te rappelles pas le mal que tu as dit de moi, et cela à qui voulait l'entendre. Tais-toi, je te dis.

22. Je n'ai dit de toi que ce qui m'a été dit par des Esprits supérieurs à toi. - R. Tu as dit aussi que je t'avais obsédé.

23. As-tu été satisfait du résultat que tu as obtenu ? - R. Ceci est mon affaire.

24. Tu tiens donc toujours à ce que je conserve de toi une mauvaise opinion ? - R. C'est possible ; je m'en vais.

Remarque. On peut voir, par les entretiens que nous rapportons, la diversité extrême qu'il y a dans le langage des Esprits, selon le degré de leur élévation. Celui des Esprits de cette nature est presque toujours caractérisé par la brusquerie et l'impatience ; quand ils sont appelés dans des réunions sérieuses, on sent qu'ils n'y viennent pas de bon gré ; ils ont hâte de s'en aller, et cela parce qu'ils n'y sont pas à leur aise, au milieu de leurs supérieurs et de gens qui les mettent en quelque sorte sur la sellette. Il n'en est pas de même dans les réunions frivoles, où l'on s'amuse de leurs facéties ; ils sont dans leur centre et s'en donnent à coeur joie.

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Benvenuto Cellini. - Extrait le Revue Spirite d'avril 1859

(Séance de la Société parisienne des études spirites du 11 mars 1859.)

1. Evocation.

- R. Interrogez-moi, je suis prêt ; soyez aussi longs que vous voudrez : j'ai du temps à vous donner.

2. Vous rappelez-vous l'existence que vous avez eue sur la Terre dans le XVI° siècle, de 1500 à 1570 ?

- R. Oui, oui.

3. Quelle est actuellement votre situation comme Esprit ?

- R. J'ai vécu dans plusieurs autres mondes, et je suis assez content du rang que j'occupe aujourd'hui ; ce n'est pas un trône, mais je suis sur les marches.

4. Avez-vous eu d'autres existences corporelles sur la Terre depuis celle que nous vous connaissons ?

- R. Corporelles, oui ; sur la Terre, non.

5. Combien de temps êtes-vous resté errant ?

- R. Je ne puis chiffrer : quelques années.

6. Quelles étaient vos occupations à l'état errant ?

- R. Je me travaillais.

7. Revenez-vous quelquefois sur la Terre ?

- Peu.

8. Avez-vous assisté au drame où vous êtes représenté, et qu'en pensez-vous ?

- R. J'y suis allé plusieurs fois ; j'en ai été flatté en tant que Cellini, mais peu comme Esprit qui avait progressé.

9. Avant l'existence que nous vous connaissons, en aviez-vous eu d'autres sur la Terre ?

- R. Non, aucune.

10. Pourriez-vous nous dire ce que vous étiez dans votre précédente existence ?

- R. Mes occupations étaient tout autres que celles que j'eus sur votre terre.

11. Quel monde habitez-vous ?

- R. Il n'est pas connu de vous, et vous ne le voyez point.

12. Pourriez-vous nous en donner une description au physique et au moral ?

- R. Oui, facilement.

Au physique, mes chers amis, j'y ai trouvé mon contentement en beauté plastique : là, rien ne choque les yeux ; toutes les lignes s'harmonisent parfaitement ; la mimique y est à l'état constant ; les parfums nous entourent, et nous ne saurions que souhaiter pour notre bien-être physique, car les nécessités peu nombreuses auxquelles nous sommes soumis sont aussitôt satisfaites.

Pour le moral, la perfection est moins grande, car là encore on peut voir des consciences troublées et des Esprits portés au mal ; ce n'est pas la perfection, tant s'en faut, mais, comme je vous l'ai dit, c'en est le chemin, et tous nous espérons y arriver un jour.

13. Quelles sont vos occupations dans le monde que vous habitez ?

- R. Nous travaillons les arts. Je suis artiste.

14. Dans vos mémoires, vous relatez une scène de sorcellerie et de diablerie qui se serait passée au Colisée, à Rome, et à laquelle vous auriez pris part ; vous la rappelez-vous ?

- Peu clairement.

15. Si nous en faisions la lecture, cela rappellerait-il vos souvenirs ?

- R. Oui, cela m'en donnerait connaissance.

(Lecture est donnée du fragment ci-après de ses mémoires.)

" Au milieu de cette vie étrange, je me liai avec un prêtre Sicilien, d'un esprit très distingué, et qui était profondément versé dans les lettres grecques et latines. Un jour que je causais avec lui, la conversation tomba sur la nécromancie, et je lui dis que toute ma vie j'avais ardemment désiré voir et apprendre quelque chose de cet art. Pour aborder une semblable entreprise, il faut une âme ferme et intrépide, me répondit le prêtre...

" Un soir donc, le prêtre fit ses préparatifs et me dit de chercher un compagnon ou deux. Il s'adjoignit un homme de Pistoia, qui s'occupait lui-même de nécromancie. Nous nous rendîmes au Colysée. Là, le prêtre se vêtit à la manière des nécromants, puis se mit à dessiner sur le sol des cercles, avec les plus belles cérémonies que l'on puisse imaginer. Il avait apporté des parfums précieux, des drogues fétides et du feu. Lorsque tout fut en ordre, il pratiqua une porte au cercle et nous y introduisit en nous prenant l'un après l'autre par la main. Il distribua ensuite les rôles. Il remit le talisman entre les mains de son ami le nécromant, chargea les autres de veiller au feu et aux parfums, et enfin commença ses conjurations. Cette cérémonie dura plus d'une heure et demie. Le colysée se remplit de légions d'esprits infernaux. Lorsque le prêtre vit qu'ils étaient assez nombreux, il se tourna vers moi, qui avais soin des parfums, et il me dit : Benvenuto, demande-leur quelque chose. Je répondis que je désirais qu'ils me réunissent à ma Sicilienne Angélica. Cette nuit-là nous n'eûmes point de réponse ; je fus néanmoins enchanté de ce que j'avais vu. Le nécromant me dit qu'il fallait y retourner une seconde fois, que j'obtiendrais tout ce que je demanderais pourvu que j'amenasse un jeune garçon qui eût encore sa virginité. Je choisis un de mes apprentis et je pris encore avec moi deux de mes amis...

" Il me mit en main le talisman, en me disant de le tourner vers les endroits qu'il me désignerait. Mon apprenti était placé sous le talisman. Le nécromant commença ses terribles évocations, appela par leur nom une multitude de chefs de légions infernales, et leur exprima des ordres en hébreu, en grec et en latin, au nom du Dieu incréé, vivant et éternel. Bientôt le Colysée fut rempli d'un nombre de démons cent fois plus considérable que la première fois. Par le conseil du nécromant, je demandai de nouveau à me trouver avec Angélica. Il se retourna vers moi et me dit : Ne les as-tu pas entendus t'annoncer que dans un mois tu serais avec elle ? Et il me pria de tenir ferme, parce qu'il y avait mille légions de plus qu'il n'en avait appelé. Il ajouta qu'elles étaient les plus dangereuses, et que, puisqu'elles avaient répondu à mes questions, il fallait les traiter avec douceur et les renvoyer tranquillement. D'un autre côté, l'enfant s'écriait avec épouvante qu'il apercevait un million d'hommes terribles qui nous menaçaient, et quatre énormes géants, armés de pied en cap, qui semblaient vouloir entrer dans notre cercle. Pendant ce temps, le nécromant, tremblant de peur, essayait de les conjurer, en prenant la voix la plus douce. L'enfant s'était fourré la tête entre ses genoux et criait : Je veux mourir ainsi ! Nous sommes morts ! Je lui dis alors : " Ces créatures sont toutes au-dessous de nous, et ce que tu vois n'est que de la fumée et de l'ombre ; ainsi, lève les yeux. " A peine m'eut-il obéi qu'il reprit : Tout le Colysée brûle et le feu vient sur nous. Le nécromant ordonna de brûler de l'assa-foetida. Agnolo, chargé des parfums, était à demi-mort de peur.

" A ce bruit et à cette affreuse puanteur, l'enfant se hasarda à lever la tête. En m'entendant rire, il se rassura un peu, et dit que les démons commençaient à opérer leur retraite. Nous restâmes ainsi jusqu'au moment où matines sonnèrent. L'enfant nous dit qu'il n'apercevait plus que quelques démons, et à une grande distance. Enfin, dès que le nécromant eut accompli le reste de ses cérémonies et quitté son costume, nous sortîmes tous du cercle. Pendant que nous cheminions vers la rue des Banchi pour regagner nos demeures, il assurait que deux des démons gambadaient devant nous, et couraient tantôt sur les toits, tantôt sur le sol.

" Le nécromant jurait que depuis qu'il avait mis le pied dans un cercle magique il ne lui était jamais arrivé rien d'aussi extraordinaire. Il essaya ensuite de me déterminer à me joindre à lui pour consacrer un livre qui devait nous procurer des richesses incalculables, et nous fournir les moyens de forcer les démons à nous indiquer les endroits où sont cachés les trésors que la terre recèle dans son sein...

" Après différents récits qui ont plus ou moins de rapport avec ce qui précède, Benvenuto raconte comment au bout de trente jours, c'est-à-dire dans le délai fixé par les démons, il retrouva son Angélica. "

16. Pourriez-vous nous dire ce qu'il y a de vrai dans cette scène ?

- R. Le nécromant était un charlatan, j'étais un romancier et Angelica était ma maîtresse.

17. Avez-vous revu François I°, votre protecteur ?

- R. Certainement ; il en a revu bien d'autres qu'il n'avait pas protégés.

18. Comment le jugiez-vous de votre vivant, et comment le jugez-vous maintenant ?

- R. Je vous dirai comment je le jugeais : comme un prince, et en cette qualité, aveuglé par son éducation et son entourage.

19. Et maintenant, qu'en dites-vous ?

- R. Il a progressé.

20. Etait-ce par amour sincère de l'art qu'il protégeait les artistes ?

- R. Oui, et par plaisir et par vanité.

21. Où est-il maintenant ?

- R. Il vit.

22. Est-ce sur la Terre ?

- R. Non.

23. Si nous l'évoquions en ce moment, pourrait-il venir et causer avec vous ?

- R. Oui, mais ne pressez pas ainsi les Esprits ; que vos évocations soient préparées de longue main, et alors vous aurez peu de chose à demander à l'Esprit. Vous risquerez ainsi beaucoup moins d'être trompés, car on l'est quelquefois. (Saint Louis).

24. (A saint Louis) : Pourriez-vous faire venir deux Esprits qui se parleraient ?

- R. Oui.

24. Dans ce cas, serait-il utile d'avoir deux médiums ?

- R. Oui, nécessaire.

Nota. Ce dialogue a eu lieu dans une autre séance ; nous le rapporterons dans notre prochain numéro.

25. (A Cellini) : D'où vous venait le sentiment de l'art qui était en vous ; tenait-il à un développement spécial antérieur ?

- R. Oui ; j'avais été longtemps attaché à la poésie et à la beauté du langage. Sur la Terre, je m'attachai à la beauté comme reproduction, aujourd'hui je m'occupe de la beauté comme invention.

26. Vous aviez aussi des talents militaires, puisque le pape Clément VII vous confia la défense du château Saint-Ange. Cependant, vos talents d'artiste ne devaient pas vous donner beaucoup d'aptitude pour la guerre ?

- R. J'avais du talent et je savais l'appliquer. En tout, il faut du jugement, surtout pour l'art militaire d'alors.

27. Pourriez-vous dicter quelques conseils aux artistes qui cherchent à marcher sur vos traces ?

- R. Oui ; je leur dirai simplement de s'attacher plus qu'ils ne le font, et que je ne l'ai fait moi-même, à la pureté et à la vraie beauté ; ils me comprendront.

28. La beauté n'est-elle pas relative et de convention ? L'Européen se croit plus beau que le nègre, et le nègre plus beau que le blanc. S'il y a une beauté absolue, quel en est le type ? Veuillez nous donner votre opinion à ce sujet.

- R. Volontiers. Je n'ai pas entendu faire allusion à une beauté de convention : bien au contraire ; le beau est partout, c'est le reflet de l'Esprit sur le corps, et non la forme corporelle seule. Comme vous le dites, un nègre peut être beau, d'une beauté qui sera appréciée seulement par ses pareils, il est vrai. De même, notre beauté terrestre est difformité pour le Ciel, comme pour vous, Blancs, le beau nègre vous parait presque difforme. La beauté, pour l'artiste, c'est la vie, le sentiment qu'il sait donner à son oeuvre ; avec cela il donnera de la beauté aux choses les plus vulgaires.

29. Pourriez-vous guider un médium dans l'exécution d'un modelage, comme Bernard de Palissy en a guidé pour des dessins ?

- R. Oui.

30. Pourriez-vous faire faire quelque chose au médium qui vous sert actuellement d'interprète ?

- R. Comme d'autres, mais je préférerais un artiste qui connût les trucs.

Remarque. L'expérience prouve que l'aptitude d'un médium pour tel ou tel genre de production tient à la flexibilité qu'il présente à l'Esprit, et cela abstraction faite du talent. La connaissance du métier et des moyens matériels d'exécution n'est pas le talent, mais on conçoit que l'Esprit qui dirige le médium y trouve une difficulté mécanique de moins à vaincre. On voit pourtant des médiums faire des choses admirables dont ils n'ont pas les premières notions, telles que de la poésie, des dessins, des gravures, de la musique, etc. ; mais c'est qu'alors il y a en eux une aptitude innée, tenant sans doute à un développement antérieur dont ils n'ont conservé que l'intuition.

31. Pourriez-vous diriger Mme G. S., ici présente, qui elle-même est artiste, mais n'a jamais réussi à produire quelque chose comme médium ?

- R. J'essaierai, si elle veut bien.

32. (Mme G. S.) Quand veux-tu commencer ?

- R. Quand tu voudras, dès demain.

33. Mais comment saurai-je que l'inspiration vient de toi ?

- R. La conviction vient avec les preuves ; laissez-la venir lentement.

34. Pourquoi n'ai-je pas réussi jusqu'à présent ?

- R. Peu de persistance et de bonne volonté chez l'Esprit prié.

35. Je te remercie de l'assistance que tu me promets.

- R. Adieu ; au revoir à ma compagne de travail.

Nota. Mme G. S. a dû se mettre à l'oeuvre, mais nous ne savons encore ce qu'elle a obtenu.

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M. Girard de Codemberg, ancien élève de l'Ecole polytechnique, membre de plusieurs sociétés savantes, auteur d'un livre intitulé : Le Monde spirituel, ou science chrétienne de communiquer intimement avec les puissances célestes et les âmes heureuses. Mort en novembre 1858 ; évoqué dans la Société le 14 janvier suivant. - Extrait le Revue Spirite d'avril 1859

1. Evocation.

- R. Je suis là ; que me voulez-vous ?

2. Venez-vous volontiers à notre appel ?

- R. Oui.

3. Voulez-vous nous dire ce que vous pensez actuellement du livre que vous avez publié ?

- R. J'ai commis quelques erreurs, mais il y a du bon, et je suis très porté à croire que vous-mêmes approuverez ce que je dis-là, sans flatterie.

4. Vous dites notamment que vous avez eu des communications avec la mère du Christ ; voyez-vous maintenant si c'était réellement elle ?

- R. Non, ce n'était pas elle, mais un Esprit qui prenait son nom.

5. Dans quel but cet Esprit prenait-il ce nom ?

- R. Il me voyait prendre le chemin de l'erreur, et il en profitait pour m'y engager davantage ; c'était un Esprit de trouble, un être léger ; plus propre au mal qu'au bien ; il était heureux de voir ma fausse joie ; j'étais son jouet, comme vous autres hommes l'êtes souvent de vos semblables.

6. Comment vous, doué d'une intelligence supérieure, ne vous êtes-vous pas aperçu du ridicule de certaines communications ?

- R. J'étais fasciné, et je croyais bon tout ce qui m'était dit.

7. Ne pensez-vous pas que cet ouvrage peut faire du mal en ce sens qu'il prête au ridicule à l'égard des communications d'outre-tombe ?

- R. Dans ce sens là, oui ; mais j'ai dit aussi qu'il y a du bon et du vrai ; et à un autre point de vue il frappe les yeux des masses ; dans ce qui nous paraît mauvais, souvent vous trouvez un bon germe.

8. Etes-vous plus heureux maintenant que de votre vivant ?

- R. Oui, mais j'ai bien besoin de m'éclairer, car je suis encore dans les brouillards qui suivent la mort ; je suis comme l'écolier qui commence à épeler.

9. De votre vivant connaissiez-vous le Livre des Esprits ?

- R. Je n'y avais jamais fait attention ; j'avais mes idées arrêtées ; en cela je péchais, car on ne saurait trop approfondir et étudier toutes choses ; mais l'orgueil est toujours là qui nous fait illusion ; c'est du reste le propre des ignorants en général ; ils ne veulent étudier que ce qu'ils préfèrent, et n'écoutent que ceux qui les flattent.

10. Mais vous n'étiez pas un ignorant ; vos titres en sont la preuve ?

- R. Qu'est-ce que le savant de la terre devant la science du ciel ? D'ailleurs, n'y a-t-il pas toujours l'influence de certains Esprits intéressés à écarter de nous la lumière.

Remarque. Ceci corrobore ce qui a déjà été dit que certains Esprits inspirent de l'éloignement pour les personnes dont on peut recevoir d'utiles conseils et qui peuvent les déjouer. Cette influence n'est jamais celle d'un bon Esprit.

11. Et maintenant que pensez-vous de ce livre ?

- R. Je ne puis le dire sans flatterie, or nous ne flattons pas : vous devez me comprendre.

12. Votre opinion sur la nature des peines futures s'est elle modifiée ?

- R. Oui ; je croyais aux peines matérielles ; je crois maintenant aux peines morales.

13. Pouvons-nous faire quelque chose qui vous soit agréable ?

- R. Toujours ; dites chacun une petite prière ce soir à mon intention ; je vous en serai reconnaissant ; surtout ne l'oubliez pas.

Remarque. Le livre de M. de Codemberg a fait une certaine sensation, et nous devons le dire, une sensation pénible parmi les partisans éclairés de spiritisme, à cause de l'étrangeté de certaines communications qui prêtent trop au ridicule. Son intention était louable, parce que c'était un homme sincère ; mais il est un exemple de l'empire que certains Esprits peuvent prendre en flattant et en exagérant les idées et les préjugés de ceux qui ne pèsent pas avec assez de sévérité le pour et le contre des communications spirites. Il nous montre surtout le danger de les répandre trop légèrement dans le public, parce qu'elles peuvent être un motif de répulsion, fortifier certaines gens dans leur incrédulité, et faire ainsi plus de mal que de bien en donnant des armes aux ennemis de la chose. On ne saurait donc être trop circonspect à cet égard.

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M. Poitevin, aéronaute. Mort, il y a deux mois environ, d'une fièvre typhoïde contractée à la suite d'une descente qu'il fit en pleine mer. Séance de la Société parisienne des études spirites du 11 février 1859

1. Evocation.

- R. Me voilà ; parlez.

2. Regrettez-vous la vie terrestre ?

- R. Non.

3. Etes-vous plus heureux que de votre vivant ?

- R. Beaucoup.

4. Quel motif a pu vous porter vers les expériences aéronautiques ?

- R. La nécessité.

5. Aviez-vous la pensée de servir la science ?

- R. Aucunement.

6. Voyez-vous maintenant la science aéronautique à un autre point de vue que de votre vivant ?

- R. Non ; je la voyais comme je la vois maintenant, parce que je la voyais bien. Je voyais beaucoup de perfectionnements à amener que je ne pouvais développer faute de science ; mais attendez ; des hommes viendront qui lui donneront le relief qu'elle mérite et qu'elle méritera un jour.

7. Croyez-vous que la science aéronautique devienne un jour un objet d'utilité publique ?

- R. Oui, certainement.

8. La grande préoccupation de ceux qui s'occupent de cette science est la recherche des moyens de diriger les ballons ; pensez-vous qu'on y arrive ?

- R. Oui, certainement.

9. Quelle est, selon vous, la plus grande difficulté que présente la direction des ballons ?

- R. Le vent, les orages.

10. Ainsi ce n'est pas la difficulté de trouver un point d'appui ?

- R. Si l'on conduisait les vents, on conduirait les ballons.

11. Pourriez-vous signaler le point vers lequel il conviendrait de diriger les recherches sous ce rapport ?

- R. Laissez faire.

12. De votre vivant avez-vous étudié les différents systèmes proposés ?

- R. Non.

13. Pourriez-vous donner des conseils à ceux qui s'occupent de ces sortes de recherches ?

- R. Pensez-vous qu'on suivrait vos avis ?

14. Ce ne serait pas les nôtres, mais les vôtres.

- R. Voulez-vous un traité ? je le ferai faire.

15. Par qui ?

- R. Par des amis qui m'ont guidé moi-même.

16. Il y a ici deux inventeurs distingués en fait d'aérostation, M. Sanson et M. Ducroz qui ont obtenu des rapports scientifiques très honorables. Vous faites-vous une idée de leur système ?

- R. Non ; il y a beaucoup à dire ; je ne les connais pas.

17. Admettant le problème de la direction résolu, croyez-vous à la possibilité d'une navigation aérienne sur une grande échelle comme sur mer ?

- R. Non, jamais comme par le télégraphe.

18. Je ne parle pas de la rapidité des communications qui ne peuvent jamais être comparées à celles du télégraphe, mais du transport d'un grand nombre de personnes et d'objets matériels. Quel résultat peut-on espérer sous ce rapport ?

- R. Peu et promptitude.

19. Quand vous étiez dans un péril imminent, pensiez-vous à ce que vous seriez après votre mort ?

- R. Non ; j'étais tout à mes manoeuvres.

20. Quelle impression faisait sur vous la pensée du danger que vous couriez ?

- R. L'habitude avait émoussé la crainte.

21. Quelle sensation éprouviez-vous quand vous étiez perdu dans l'espace ?

- R. Trouble, mais bonheur ; mon esprit semblait s'échapper de votre monde ; cependant les besoins de la manoeuvre me rappelaient souvent à la réalité, et me faisaient retomber à la froide et dangereuse position dans laquelle je me trouvais.

22. Voyez-vous avec plaisir votre femme suivre la même carrière aventureuse que vous ?

- R. Non.

23. Quelle est votre situation comme Esprit ?

- R. Je vis comme vous, c'est-à-dire que je puis pourvoir à ma vie spirituelle comme vous pourvoyez à votre vie matérielle.

Remarque. Les curieuses expériences de M. Poitevin, son intrépidité, sa remarquable habileté dans la manoeuvre des ballons, nous faisaient espérer trouver en lui plus d'élévation et de grandeur dans les idées. Le résultat n'a pas répondu à notre attente ; l'aérostation n'était pour lui, comme on a pu le voir, qu'une industrie, une manière de vivre par un genre particulier de spectacle ; toutes ses facultés étaient concentrées sur les moyens de piquer la curiosité publique. C'est ainsi que, dans ces entretiens d'outre-tombe, les prévisions sont souvent déroutées ; tantôt elles sont dépassées, tantôt on trouve moins qu'on ne s'y attendait, preuve évidente de l'indépendance des communications.

Dans une séance particulière, et par l'intermédiaire du même médium, Poitevin a dicté les conseils suivants pour réaliser la promesse qu'il venait de faire : chacun pourra en apprécier la valeur ; nous les donnons comme sujet d'étude sur la nature des Esprits, et non pour leur mérite scientifique plus que contestable.

" Pour conduire un ballon plein de gaz vous rencontrerez toujours les plus grandes difficultés : l'immense surface qu'il offre en proie aux vents, la petitesse du poids que le gaz peut porter, la faiblesse de l'enveloppe que réclame cet air subtil ; toutes ces causes ne permettront jamais de donner au système aérostatique la grande extension que vous voudriez lui voir prendre. Pour que l'aérostat ait une utilité réelle, il faut qu'il soit un mode de communications puissant et doué d'une certaine promptitude, mais surtout puissant. Nous avons dit qu'il tiendrait le milieu entre l'électricité et la vapeur ; oui, et à deux points de vue :

1° Il doit transporter plus vite que les chemins de fer les voyageurs, moins vite que le télégraphe les messages.

2° Ne tient-il pas le milieu entre ces deux systèmes, car il participe à la fois de l'air et de la terre, tous deux lui servent de chemin : il est entre le ciel et le monde.

" Vous ne m'avez pas demandé si vous parviendriez à aller, par ce moyen, visiter les autres planètes. Cependant cette pensée est celle qui a inquiété bien des cerveaux, et dont la solution comblerait d'étonnement tout votre monde. Non, vous n'y parviendrez pas. Songez donc que pour traverser ces espaces inouïs pour vous, de millions, de millions de lieues, la lumière met des années ; voyez donc combien il faudrait de temps pour les atteindre, même portés par la vapeur ou par le vent.

" Pour en revenir au sujet principal, je vous disais en commençant qu'il ne fallait pas espérer beaucoup de votre système actuellement employé ; mais vous obtiendrez beaucoup plus en agissant sur l'air par compression forte et étendue ; le point d'appui que vous cherchez est devant vous, il vous entoure de tous côtés, vous vous y heurtez à chacun de vos mouvements, il entrave tous les jours votre route, et influe sur tout ce que vous touchez. Songez bien à cela, tirez de cette révélation tout ce que vous pourrez : les déductions en sont énormes. Nous ne pouvons vous prendre la main et vous faire forger les outils nécessaires à ce travail, nous ne pouvons vous donner mot à mot une induction ; il faut que votre Esprit travaille, qu'il mûrisse ses projets, sans cela vous ne comprendriez point ce que vous feriez et vous ne sauriez manier vos instruments ; nous serions obligés de tourner et d'ouvrir nous-mêmes tous vos pistons, et les circonstances imprévues qui viendraient un jour ou l'autre combattre vos efforts vous rejetteraient dans votre ignorance première.

" Travaillez donc et vous trouverez ce que vous aurez cherché ; conduisez votre Esprit vers le côté que nous vous indiquons, et apprenez par l'expérience que nous ne vous induisons pas en erreur. "


Remarque. Ces conseils, quoique renfermant d'incontestables vérités, n'en dénotent pas moins un Esprit peu éclairé à certains points de vue, puisqu'il paraît ignorer la véritable cause de l'impossibilité d'atteindre à d'autres planètes. C'est une preuve de plus de la diversité des aptitudes et des lumières que l'on rencontre dans le monde des Esprits comme ici-bas. C'est par la multiplicité des observations qu'on arrive à le connaître, à le comprendre et à le juger. C'est pourquoi nous donnons des spécimens de tous les genres de communications, en ayant soin d'en faire ressortir le fort et le faible. Celle de Poitevin est terminée par une considération fort juste qui nous semble avoir été suscitée par un Esprit plus philosophique que le sien ; au reste, il avait dit qu'il ferait rédiger ces conseils par ses amis qui, en définitive, ne nous apprennent rien.

Nous y trouvons encore une nouvelle preuve que les hommes qui ont eu une spécialité sur la terre, ne sont pas toujours les plus propres à nous éclairer comme Esprits, si, surtout, ils ne sont pas assez élevés pour se dégager de la vie terrestre.

Il est fâcheux, pour le progrès de l'aéronautique, que la plupart de ces hommes intrépides ne puissent mettre leur expérience à profit pour la science, tandis que les théoriciens sont étrangers à la pratique, et sont comme des marins qui n'auraient jamais vu la mer. Incontestablement il y aura un jour des ingénieurs en aérostatique, comme il y a des ingénieurs maritimes, mais ce ne sera que lorsqu'ils auront pu voir et sonder par eux-mêmes les profondeurs de l'océan aérien. Que d'idées ne leur donnerait pas le contact réel des éléments, idées qui échappent aux gens de métier ! car, quel que soit leur savoir, ils ne peuvent, du fond de leur cabinet, apercevoir tous les écueils ; et pourtant si cette science doit être un jour une réalité, ce ne sera que par eux. Aux yeux de beaucoup de gens c'est encore une chimère, et voilà pourquoi les inventeurs, qui ne sont pas en général des capitalistes, ne trouvent ni l'appui, ni les encouragements nécessaires. Quand l'aérostation donnera des dividendes, même en espérance, et pourra être cotée, les capitaux ne lui feront pas défaut ; jusque-là il ne faut compter que sur le dévouement de ceux qui voient le progrès avant la spéculation. Tant qu'il y aura parcimonie dans les moyens d'exécution, il y aura des échecs par l'impossibilité de faire les essais sur une assez vaste échelle ou dans des conditions convenables. On est forcé de faire mesquinement, et l'on fait mal, en cela, comme en toute chose. Le succès ne sera qu'au prix de sacrifices suffisants pour entrer largement dans la voie de la pratique, et qui dit sacrifice, dit exclusion de toute idée de bénéfice. Espérons que la pensée de doter le monde de la solution d'un grand problème, ne fût-ce qu'au point de vue de la science, inspirera quelque généreux désintéressement. Mais la première chose à faire serait de fournir aux théoriciens les moyens d'acquérir l'expérience de l'air, même par les moyens imparfaits que nous possédons. Si Poitevin eût été un homme de savoir, et qu'il eût inventé un système de locomotion aérienne, il eût inspiré, sans contredit, plus de confiance que ceux qui n'ont jamais quitté la terre, et eût probablement trouvé les ressources que l'on refuse aux autres.

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Pierre Le Flamand, Scènes de la vie privée spirite - Revue Spirite de mai 1859 - Extrait le Revue Spirite d

Dans notre dernier numéro nous avons présenté le tableau de la vie Spirite comme ensemble ; nous avons suivi les Esprits depuis l'instant où ils quittent leur corps terrestre, et nous avons rapidement esquissé leurs occupations. Nous nous proposons aujourd'hui de les montrer en action, en réunissant dans un même cadre diverses scènes intimes dont nos communications nous ont rendus témoins. Déjà, les nombreux entretiens familiers d'outre-tombe publiés dans cette revue ont pu donner une idée de la situation des Esprits selon le degré de leur avancement, mais ici il y a un caractère spécial d'activité qui nous fait mieux connaître encore le rôle qu'ils jouent parmi nous à notre insu. Le sujet d'étude dont nous allons rapporter les péripéties s'est offert spontanément ; il présente d'autant plus d'intérêt qu'il a pour héros principal, non un de ces Esprits supérieurs qui habitent des mondes inconnus, mais un de ceux qui, par leur nature même, sont encore attachés à notre terre, un contemporain qui nous a donné des preuves manifestes de son identité. C'est parmi nous que l'action se passe, et chacun de nous y joue son rôle.

Cette étude des moeurs spirites a, en outre, cela de particulier, qu'elle nous montre la progression des Esprits à l'état errant, et comment nous pouvons concourir à leur éducation.

Un de nos amis qui, après de longs essais infructueux, mais dont sa patience a triomphé, est tout à coup devenu excellent médium écrivain, et de plus médium auditif, était occupé à écrire, avec un autre médium de ses amis, lorsque, à une question adressée à un Esprit, il obtint une réponse assez bizarre et peu sérieuse dans laquelle il ne reconnaissait pas le caractère de l'Esprit évoqué. Ayant interpellé l'auteur de cette réponse, et après l'avoir sommé au nom de Dieu de se faire connaître, ce dernier signa Pierre Le Flamand, nom parfaitement inconnu du médium. C'est alors que s'établit entre eux, et plus tard entre cet Esprit et nous, une série d'entretiens que nous allons rapporter :

Premier entretien.

1. Qui es-tu ? Je ne connais personne de ce nom.

- R. Un de tes anciens camarades de collège.

2. Je n'en ai aucun souvenir.

- R. Te rappelles-tu avoir une fois été rossé ?

3. C'est possible ; entre écoliers cela arrive quelquefois. Je me souviens en effet de quelque chose comme cela, mais je me souviens aussi de lui avoir rendu la monnaie de sa pièce.

- R. C'était moi ; je ne t'en veux pas.

4. Merci ; autant que je me le rappelle, tu étais un assez mauvais garnement.

- R. Voilà la mémoire qui te revient ; je n'ai pas changé tant que j'ai vécu. J'étais mauvaise tête, mais pas méchant dans le fond ; je me battais avec le premier venu ; c'était comme un besoin chez moi ; puis, le dos tourné, je n'y pensais plus.

5. Quand et à quel âge es-tu mort ?

- R. Il y a quinze ans ; j'avais vingt ans à peu près.

6. De quoi es-tu mort ?

- R. Une étourderie de jeune homme..., une suite de ma mauvaise tête....

7. As-tu encore ta famille ?

- R. J'avais perdu depuis longtemps mon père et ma mère ; j'habitais chez un oncle, mon seul parent... ; si tu vas à Cambrai je t'engage à aller le voir... ; c'est un bien brave homme que j'aime beaucoup quoiqu'il m'ait assez durement mené ; mais je le méritais.

8. S'appelle-t-il comme toi ?

- R. Non ; il n'y a plus personne à Cambrai de mon nom ; il s'appelle W... ; il demeure rue... n... ; tu verras que c'est bien moi qui te parle.

Remarque. - Le fait a été vérifié par le médium lui-même dans un voyage qu'il fit quelque temps après. Il trouva M. W... à l'adresse indiquée ; celui-ci lui dit qu'en effet il avait eu un neveu de ce nom, un franc étourdi assez mauvais sujet, mort en 1844, peu de temps après avoir tiré à la conscription. Cette circonstance n'avait pas été indiquée par l'Esprit ; il l'a fait plus tard spontanément ; on verra à quelle occasion.

9. Par quel hasard es-tu venu chez moi ?

- R. Le hasard si tu veux ; mais moi je crois plutôt que c'est mon bon génie qui m'a poussé vers toi, car j'ai l'idée que nous gagnerons tous les deux à renouveler connaissance... J'étais ici à côté, chez ton voisin, occupé à considérer des tableaux..., pas des tableaux d'église... ; tout à coup je t'ai aperçu et je suis venu. Je t'ai vu occupé à causer avec un autre Esprit, j'ai voulu me mêler de la conversation.

10. Mais pourquoi as-tu répondu aux questions que je faisais à un autre Esprit ? Ceci n'est pas d'un bon camarade.

- R. J'étais en présence d'un Esprit sérieux qui ne me paraissait pas disposé à répondre ; en répondant pour lui je croyais lui faire la langue, mais cela n'a pas réussi ; je voulais, en ne disant pas la vérité, le faire parler.

11. Ceci est très mal, car il aurait pu en résulter des choses fâcheuses si je ne me fusse pas aperçu de la supercherie.

- R. Tu l'aurais toujours su, un peu plus tôt, un peu plus tard.

12. Dis-moi un peu comment tu es entré ici ?

- R. Belle question ! Est-ce que nous avons besoin de demander le cordon ?

13. Tu peux donc aller partout, entrer partout ?

- R. Mais !... sans dire gare ! encore... Nous ne sommes pas Esprits pour rien.

14. Je croyais cependant que certains Esprits n'avaient pas le pouvoir de pénétrer dans toutes les réunions ?

- R. Est-ce que, par hasard, tu crois que ta chambre est un sanctuaire, et que je suis indigne d'y pénétrer ?

15. Réponds sérieusement à ma question, et pas de mauvaises plaisanteries, je t'en prie ; tu vois que je ne suis pas d'humeur à les supporter, et que les Esprits mystificateurs sont mal reçus chez moi.

- R. Il y a des réunions d'Esprits où nous autres vauriens ne pouvons pénétrer, c'est vrai ; mais ce sont les Esprits supérieurs qui nous en empêchent, et non pas vous autres hommes ; d'ailleurs, quand nous allons quelque part nous savons bien nous taire et nous tenir à l'écart quand il le faut ; nous écoutons, et si cela nous ennuie nous nous en allons... Ah çà ! tu n'as pas l'air enchanté de ma visite.

16. C'est que je ne reçois pas volontiers le premier venu, et franchement je te sais mauvais gré d'être venu troubler un entretien sérieux.

- R. Ne te fâche pas..., je ne t'en veux pas..., je suis toujours bon garçon... ; une autre fois je me ferai annoncer.

17. Voilà quinze ans que tu es mort...

- R. Entendons-nous ; c'est mon corps qui est mort ; mais moi, qui te parle, je ne suis pas mort.

Remarque. On trouve souvent chez les Esprits, même légers et facétieux, des mots d'une grande profondeur. Ce MOI qui n'est pas mort est tout à fait philosophique.

18. C'est bien comme cela que je l'entends. A ce sujet, dis-moi si, tel que tu es maintenant, tu me vois avec autant de netteté que si tu avais ton corps ?

- R. Je te vois encore bien mieux ; j'étais myope ; c'est pour cela que j'ai voulu me faire exempter de la conscription.

19. Voilà, dis-je, quinze ans que tu es mort, et tu me parais tout aussi étourdi qu'auparavant ; tu n'as donc pas avancé ?

- R. Je suis ce que j'étais, ni mieux, ni pis.

20. A quoi passes-tu ton temps ?

- R. Je n'ai pas d'autres occupations que de me divertir ou de me renseigner sur les événements qui peuvent influencer ma destinée. Je vois beaucoup ; je passe une partie de mon temps, tantôt chez des amis, tantôt au spectacle... Je surprends quelquefois de drôles de choses... Si l'on savait que l'on a des témoins quand on croit être seul !... Enfin je fais en sorte que mon temps me soit à charge le moins possible... Dire combien cela durera, je n'en sais rien, et cependant je cours ainsi depuis un certain temps... As-tu assez d'explications comme cela ?

21. En somme, es-tu plus heureux que de ton vivant ?

- R. Non.

22. Qu'est-ce qui te manque ? Tu n'as plus besoin de rien ; tu ne souffres plus ; tu ne crains pas d'être ruiné ; tu vas partout, tu vois tout ; tu ne redoutes ni les soucis, ni les maladies, ni les infirmités de la vieillesse ; n'est-ce pas là une existence heureuse ?

- R. Il me manque la réalité des jouissances ; je ne suis pas assez avancé pour jouir d'un bonheur moral ; j'envie tout ce que je vois, et c'est ce qui me torture ; je m'ennuie et je tâche de tuer le temps comme je peux !... il est bien long le temps !... j'éprouve un malaise que je ne puis définir... ; j'aimerais mieux souffrir les misères de la vie que cette anxiété qui m'accable.

Remarque. N'est-ce pas là un éloquent tableau des souffrances morales des Esprits inférieurs ? Envier tout ce que l'on voit ; avoir les mêmes désirs et ne jouir de rien en réalité, ce doit être une véritable torture.

23. Tu as dis que tu allais voir tes amis ; n'est-ce pas une distraction ?

- R. Mes amis ne savent pas que je suis là, et d'ailleurs ils ne pensent plus à moi ; cela me fait mal.

24. N'en as-tu pas parmi les Esprits ?

- R. Des étourdis, des vauriens comme moi, qui s'ennuient comme moi ; leur société n'est pas très amusante ; ceux qui sont heureux et raisonnables s'éloignent de moi.

25. Pauvre garçon ! je te plains, et si je pouvais t'être utile, je le ferais avec plaisir.

- R. Si tu savais ce que cette parole me fait de bien ! c'est la première fois que je l'entends.

26. Ne pourrais-tu te procurer les occasions de voir et d'entendre des choses bonnes et utiles qui serviraient à ton avancement ?

- R. Oui, mais il faudrait pour cela que je sache profiter de ces leçons ; j'avoue que de préférence j'aime à assister à des scènes d'amour et de débauche qui n'ont pas influencé mon esprit dans le bien. Avant d'entrer chez toi, j'étais là, à considérer des tableaux qui réveillaient en moi certaines idées..., mais brisons là... J'ai su cependant résister à demander à me réincarner pour jouir des plaisirs dont j'ai tant abusé ; maintenant je vois combien j'aurais eu tort. En venant chez toi, je sens que je fais bien.

27. Eh bien ! à l'avenir, j'espère que tu me feras le plaisir, si tu tiens à mon amitié, de ne plus arrêter ton attention sur les tableaux qui peuvent te donner de mauvaises idées, et que tu penseras au contraire à ce que tu pourras entendre ici de bon et d'utile pour toi. Tu t'en trouveras bien ; crois-moi.

- R. Si c'est ton idée ce sera la mienne.

28. Quand tu vas au théâtre éprouves-tu les mêmes émotions que lorsque tu y allais de ton vivant ?

- R. Plusieurs émotions différentes ; celles-là d'abord ; puis je me mêle quelquefois à des conversations..., j'entends de singulières choses.

29. Quel est ton théâtre de prédilection ?

- R. Les Variétés ; mais il m'arrive souvent d'aller les voir tous dans la même soirée. Je vais aussi dans les bals, dans les réunions où l'on s'amuse.

30. De façon que, tout en t'amusant, tu peux t'instruire, car tu dois pouvoir observer beaucoup dans ta position ?

- R. Oui, mais ce que j'aime bien, ce sont certains colloques ; il est vraiment curieux de voir les manèges de certains individus, surtout de ceux qui veulent se faire croire encore jeunes. Dans tous ces bavardages personne ne dit la vérité : le coeur se farde comme le visage et c'est à n'y rien comprendre. J'ai fait une étude de moeurs là-dessus.

31. Eh bien ! ne vois-tu pas que nous pourrions avoir ensemble de bonnes petites causeries comme celle-ci dont nous pourrons l'un et l'autre tirer bon profit ?

- R. Toujours ; comme tu le dis, pour toi d'abord et pour moi ensuite. Tu as des occupations que nécessite ton corps ; moi je puis faire toutes les démarches possibles pour m'instruire sans nuire à mon existence.

32. Puisqu'il en est ainsi, tu continueras tes observations, ou, comme tu le dis, tes études de moeurs ; jusqu'à présent tu n'en as guère profité ; il faut qu'elles servent à t'éclairer, et pour cela il faut que tu les fasses dans un but sérieux et non pour t'amuser et tuer le temps. Tu me diras ce que tu as vu ; nous en raisonnerons, et nous en tirerons des conséquences pour notre instruction mutuelle.

- R. Ce sera même très attrayant ; oui, certainement, je suis à ton service.

33. Ce n'est pas tout ; je voudrais te procurer l'occasion de faire une bonne action ; le veux-tu ?

- R. De grand coeur ! Il sera donc dit que je pourrai être bon à quelque chose. Dis-moi tout de suite ce qu'il faut que je fasse.

34. Doucement ! Je ne confie pas ainsi des missions délicates à ceux dont je ne suis pas parfaitement sûr. Tu as de la bonne volonté, je n'en doute pas ; mais auras-tu la persévérance nécessaire ? c'est une question. Il faut donc que j'apprenne à te mieux connaître, pour savoir ce dont tu es capable et jusqu'à quel point je peux compter sur toi. Nous en causerons une autre fois.

- R. Tu le verras.

35. Adieu donc pour aujourd'hui.

- R. Au revoir.

Deuxième entretien.

36. Eh bien ! mon cher Pierre, as-tu réfléchi sérieusement à ce que nous avons dit l'autre jour ?

- R. Plus sérieusement que tu ne crois, car j'ai à coeur de te prouver que je vaux mieux que je n'en ai l'air. Je me sens plus à mon aise depuis que j'ai quelque chose à faire ; j'ai un but maintenant, et je ne m'ennuie plus.

37. J'ai parlé de toi à M. Allan Kardec ; je lui ai communiqué notre entretien, et il en a été très content ; il désire entrer en rapport avec toi.

- R. Je le sais, je suis allé chez lui.

38. Qui t'y a conduit ?

- R. Ta pensée. Je suis revenu ici depuis l'autre jour ; j'ai vu que tu voulais lui parler de moi, et je me suis dit : Allons-y le premier, j'y trouverai probablement quelque sujet d'observation et peut-être l'occasion d'être utile.

39. J'aime à te voir ces pensées sérieuses. Quelle impression as-tu reçue de ta visite ?

- R. Oh ! une bien grande ; j'y ai appris des choses dont je ne me doutais pas et qui m'ont éclairé sur mon avenir. C'est comme une lumière qui s'est faite en moi ; je comprends maintenant tout ce que j'ai à gagner à me perfectionner..., il le faut..., il le faut.

40. Puis-je, sans indiscrétion, te demander ce que tu as vu chez lui ?

- R. Assurément, chez lui comme chez d'autres, d'autant plus que je ne dirai toujours que ce que je voudrai... ou ce que je pourrai.

41. Comment entends-tu cela ? Est-ce que tu ne peux pas dire tout ce que tu veux ?

- R. Non ; depuis quelques jours je vois un Esprit qui semble me suivre partout, qui me pousse ou me retient ; on dirait qu'il me dirige ; je sens une impulsion dont je ne me rends pas compte, et à laquelle j'obéis malgré moi ; si je veux dire ou faire quelque chose de déplacé, il se pose devant moi..., me regarde..., et je me tais..., je m'arrête.

42. Quel est cet Esprit ?

- R. Je n'en sais rien ; mais il me domine.

43. Pourquoi ne le lui demandes-tu pas ?

- R. Je n'ose pas ; quand je veux lui parler, il me regarde, et ma langue est clouée.

Remarque. Il est évident que le mot langue est ici une figure, puisque les Esprits n'ont pas de langage articulé.

44. Tu dois voir s'il est bon ou mauvais ?

- R. Il doit être bon, puisqu'il m'empêche de dire des bêtises ; mais il est sévère... Il a quelquefois l'air courroucé, et d'autres fois il semble me regarder avec tendresse... Il m'est venu dans la pensée que ce pourrait bien être l'Esprit de mon père qui ne veut pas se faire connaître.

45. Cela me paraît probable ; il ne doit pas être fort content de toi. Ecoute-moi bien ; je vais te donner un avis à ce sujet. Nous savons que les parents ont pour mission d'élever leurs enfants et de les diriger dans la voie du bien ; ils sont en conséquence responsables du bien et du mal que font ces derniers d'après l'éducation qu'ils ont reçue, et ils en souffrent ou en sont heureux dans le monde des Esprits. La conduite des enfants influe donc jusqu'à un certain point sur le bonheur ou le malheur de leurs parents après la mort. Comme ta conduite sur la terre n'a pas été très édifiante, et que depuis que tu es mort tu n'as pas fait grand chose de bon, ton père doit en souffrir s'il a à se reprocher de ne t'avoir pas bien dirigé...

- R. Si je ne suis pas devenu bon sujet, ce n'est pas faute d'avoir été plus d'une fois corrigé d'importance.

46. Ce n'était peut-être pas le meilleur moyen de te ramener ; quoi qu'il en soit, son affection pour toi est toujours la même, et il te le prouve en se rapprochant de toi, si c'est lui, comme je le présume ; il doit être heureux de ton changement, c'est ce qui explique ses alternatives de tendresse et de courroux ; il veut t'aider dans la bonne voie dans laquelle tu viens d'entrer, et lorsqu'il t'y verra solidement engagé, je suis persuadé qu'il se fera connaître. Ainsi, en travaillant à ton propre bonheur, tu travailleras au sien. Je ne serais même pas étonné que ce fût lui qui t'ait poussé à venir chez moi. S'il ne l'a pas fait plus tôt, c'est qu'il a voulu te laisser le temps de comprendre le vide de ton existence désoeuvrée et d'en ressentir les désagréments.

- R. Merci ! merci... ! Il est là derrière toi... Il pose sa main sur ta tête, comme s'il te dictait les paroles que tu viens de dire.

47. Revenons à M. Allan Kardec.

- R. Je suis allé chez lui avant-hier soir ; il était occupé à écrire dans son cabinet..., il travaillait à un nouvel ouvrage qu'il prépare... Ah ! il nous arrange bien, nous autres pauvres Esprits ; si l'on ne nous connaît pas ce ne sera pas sa faute.

48. Etait-il seul ?

- R. Seul, oui, c'est-à-dire qu'il n'y avait personne avec lui ; mais il y avait autour de lui une vingtaine d'Esprits qui bourdonnaient au-dessus de sa tête.

49. Les entendait-il ?

- R. Il les entendait si bien qu'il regardait de tous côtés d'où venait ce bruit, pour voir si ce n'étaient pas des milliers de mouches ; puis il a ouvert sa fenêtre pour regarder si c'était le vent ou la pluie.

Remarque. Le fait était parfaitement exact.

50. Parmi tous ces Esprits en as-tu reconnu ?

- R. Non ; ce ne sont pas ceux dont je faisais ma société ; j'avais l'air d'un intrus et je me suis mis dans un coin pour observer.

51. Ces Esprits paraissaient-ils s'intéresser à ce qu'il écrivait ?

- R. Je le crois bien ! Il y en avait deux ou trois surtout qui lui soufflaient ce qu'il écrivait et qui avaient l'air de prendre l'avis des autres ; lui, il croyait tout bonnement que les idées étaient de lui, et il en paraissait content.

52. Est-ce tout ce que tu as vu ?

- R. Il est ensuite arrivé huit ou dix personnes qui se sont réunies dans une autre chambre avec Kardec ; on s'est mis à causer ; on le questionnait ; il répondait, il expliquait.

53. Connais-tu les personnes qui étaient là ?

- R. Non ; je sais seulement qu'il y avait de grands personnages, car à l'un d'eux on disait toujours : Prince, et à un autre, M. le Duc. Les Esprits sont aussi arrivés en masse ; il y en avait au moins une centaine, dont plusieurs avaient sur la tête comme des couronnes de feu ; les autres se tenaient à l'écart et écoutaient.

54. Et toi, que faisais-tu ?

- R. J'écoutais aussi, mais j'observais surtout ; alors il m'est venu dans l'idée de faire une démarche très utile pour Kardec ; je te dirai plus tard ce que c'était quand j'aurai réussi. J'ai donc quitté l'assemblée, et tout en cheminant dans les rues, je m'amusais à flâner devant les boutiques, à me mêler dans les groupes.

55. De sorte qu'au lieu d'aller à tes affaires, tu perdais ton temps.

- R. Je ne l'ai pas perdu, puisque j'ai empêché un vol.

56. Ah ! tu te mêles aussi de faire la police ?

- R. Pourquoi pas ? En passant devant une boutique fermée, je remarque qu'il se passe en dedans quelque chose de singulier ; j'entre ; je vois un jeune homme très agité et qui allait, venait et avait l'air d'en vouloir à la caisse du marchand. Il y avait avec lui deux Esprits, l'un qui lui soufflait à l'oreille : Va donc, poltron ! le tiroir est plein ; tu pourras t'amuser à ton aise, etc. ; l'autre avait une figure de femme, belle et pleine de noblesse, quelque chose de céleste et de bon dans le regard ; il lui disait : Va-t'en ! va-t'en ! ne te laisse pas tenter ; et il lui soufflait les mots : prison, déshonneur.

Le jeune homme hésitait. Au moment où il s'approche du comptoir, je me mets devant lui pour l'arrêter. Le mauvais Esprit me demande de quoi je me mêle. Je veux, lui dis-je empêcher ce jeune homme de commettre une mauvaise action, et peut-être d'aller aux galères. Alors le bon Esprit s'approche de moi et me dit : Il faut qu'il subisse la tentation ; c'est une épreuve ; s'il succombe, ce sera sa faute. Mon voleur allait triompher, lorsque son mauvais génie emploie une ruse abominable qui réussit ; il lui fait remarquer, sur une tablette, une bouteille : c'était de l'eau-de-vie ; il lui inspire l'idée d'en boire pour se donner du courage. Le malheureux est perdu, me dis-je..., tâchons au mois de sauver quelque chose. Je n'avais plus qu'une ressource, c'était d'avertir le patron... tôt ! me voilà chez lui au cinquième. Il était en train de faire une partie de cartes avec sa femme il fallait trouver le moyen de le faire descendre.

57. S'il avait été médium tu lui aurais fait écrire qu'on le volait. Croyait-il du moins aux Esprits ?

- R. Il n'avait pas assez d'esprit pour savoir seulement ce que c'est.

58. Je ne te connaissais pas le talent de faire des jeux de mots.

- R. Si tu m'interromps, je ne dis plus rien. Je lui donne un violent éternuement ; il veut prendre du tabac, et il s'aperçoit qu'il a oublié sa tabatière dans la boutique. Il appelle son petit garçon qui dormait dans un coin et lui dit d'aller la lui chercher..., ce n'était pas mon affaire... ; l'enfant se réveille en grognant... Je souffle à la mère de dire : Ne réveille donc pas cet enfant ; tu peux bien y aller toi-même. - Il se décide enfin..., je le suis, pour le faire aller plus vite. Arrivé à la porte il aperçoit de la lumière dans la boutique et entend du bruit. Voilà la peur qui le prend, les jambes lui tremblent ; je le pousse pour le faire avancer ; s'il était entré subitement, il prenait son voleur comme dans une trappe ; au lieu de cela, ce gros imbécile se met à crier : au voleur ! le voleur se sauve, mais dans sa précipitation, et troublé qu'il était par l'eau-de-vie, il oublie de ramasser sa casquette. Le marchand entre quand il n'y a plus personne... ; ce que fera la casquette, ce n'est pas mon affaire... : celui-là n'est pas dans de beaux draps. Grâce à moi , le vol n'a pas eu le temps de s'accomplir, et le marchand en a été quitte pour la peur ; ce qui ne l'a pas empêché de dire en remontant chez lui qu'il a terrassé un homme de six pieds. - Voyez un peu, dit-il, à quoi tiennent les choses ! si je n'avais pas eu l'idée de prendre du tabac !... - Si je ne t'avais pas empêché d'envoyer notre garçon ! dit la femme... - Il faut convenir que nous avons eu bon nez tous les deux ! - Ce que c'est que le hasard !

Voilà, mon cher, comment on nous remercie.

59. Tu es un brave garçon, mon cher Pierre, et je te félicite. Ne te décourage pas de l'ingratitude des hommes ; tu en trouveras bien d'autres, maintenant que tu te mets à leur rendre service, même parmi ceux qui croient à l'intervention des esprits.

- R. Oui, et je sais que les ingrats se préparent de cruels retours.

60. Je vois maintenant que je puis compter sur toi, et que tu deviens vraiment sérieux.

- R. Tu verras plus tard que ce sera moi qui te ferai de la morale.

61. J'en ai besoin tout comme un autre, et je reçois volontiers les bons conseils de quelque part qu'ils viennent. Je t'ai dit que je voulais te faire faire une bonne action ; es-tu disposé ?

- R. Peux-tu en douter ?

62. J'ai un de mes amis qui est menacé, je crois, de grandes déceptions s'il continue à suivre la mauvaise voie dans laquelle il est engagé ; les illusions qu'il se fait peuvent le perdre. Je voudrais que tu essayasses de le ramener dans la bonne route par quelque chose qui pût l'impressionner vivement ; comprends-tu ma pensée ?

- R. Oui ; tu voudrais que je lui fisse quelque bonne manifestation ; une apparition, par exemple ; mais cela n'est pas en mon pouvoir. Je puis cependant quelquefois, lorsque j'en ai la permission, donner des preuves sensibles de ma présence ; tu le sais.

Remarque. Le médium auquel cet Esprit semble s'être attaché est averti de sa présence par une impression très sensible, alors même qu'il ne songe pas à l'appeler. Il le reconnaît à une sorte de frôlement qu'il ressent sur les bras, sur le dos et sur les épaules ; mais les effets sont quelquefois plus énergiques. Dans une réunion qui avait lieu chez nous, le 24 mars dernier, cet Esprit répondait aux questions par l'entremise d'un autre médium. On parlait de sa puissance physique ; tout à coup, comme pour en donner une preuve, il saisit l'un des assistants par la jambe au moyen d'une violente secousse, le souleva de sa chaise et le jeta tout étourdi à l'autre bout de la chambre

63. Tu feras ce que tu voudras, ou mieux ce que tu pourras. Je t'avertis qu'il est un peu médium.

- R. Tant mieux ; j'ai mon plan.

64. Que comptes-tu faire ?

- R. Je vais d'abord étudier la position ; voir de quels Esprits il est entouré, et s'il y a moyen de faire quelque chose avec eux. Une fois chez lui, je m'annoncerai, comme je l'ai fait chez toi ; l'on m'interpellera ; je répondrai : " C'est moi, Pierre Le Flamand, messager en Esprit, qui vient se mettre à votre service et qui, par la même occasion, désirerait vous obliger. Il a entendu dire que vous étiez dans de certaines espérances qui vous tournent la tête et vous font déjà tourner le dos à vos amis ; je crois devoir, dans votre intérêt, vous avertir combien vos idées sont loin de profiter à votre bonheur futur. Foi de Leflamand, je puis vous attester que je viens vous voir dans de bonnes intentions. Craignez la colère des Esprits, et plus encore celle de Dieu, et croyez aux paroles de votre serviteur qui peut vous affirmer que sa mission est toute pour le bien. (Sic.)

Si l'on me renvoie, je reviendrai trois fois, et puis je verrai ce que j'aurai à faire. C'est-il cela ?

65. Très-bien, mon ami, mais n'en dis ni plus ni moins.

- R. Mot à mot.

66. Mais si l'on te demande qui t'a chargé de cette mission, que répondras-tu ?

- R. Des Esprits supérieurs. Je puis, pour le bien, ne pas dire tout à fait la vérité.

67. Tu te trompes ; du moment qu'on agit pour le bien, c'est toujours par l'inspiration des bons Esprits ; ainsi ta conscience peut être en repos, car les mauvais Esprits ne poussent jamais à faire de bonnes choses.

- R. C'est entendu.

68. Je te remercie et te félicite de tes bonnes dispositions. Quand veux-tu que je t'appelle pour que tu me fasses connaître le résultat de la mission ?

- R. Je t'avertirai.

(La suite au prochain numéro.)

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Musique d'outre-tombe - Extrait le Revue Spirite de mai 1859

L'Esprit de Mozart vient de dicter à notre excellent médium, M. Bryon-Dorgeval, un fragment de sonate. Comme moyen de contrôle, ce dernier le fit entendre à plusieurs artistes sans en indiquer la source, et en demandant simplement quelle couleur ils trouvaient à ce morceau ; chacun y reconnut sans hésitation le cachet de Mozart. Il a été exécuté dans la séance de la Société du 8 avril dernier, en présence de nombreux connaisseurs, par Mlle de Davans, élève de Choppin et pianiste distinguée, qui a bien voulu prêter son concours. Comme point de comparaison, Mlle de Davans a préalablement fait entendre une sonate composée par Mozart de son vivant. Il n'y a eu qu'une voix, non seulement sur la parfaite identité du genre, mais encore sur la supériorité de la composition spirite. Un morceau de Choppin a ensuite été exécuté par Mlle de Davans avec son talent habituel. On ne pouvait manquer cette occasion d'invoquer ces deux compositeurs avec lesquels on a eu l'entretien suivant :

Entretien avec Mozart.

1. Vous savez sans doute quel motif nous fait vous appeler ?

- R. Votre appel me fait plaisir.

2. Reconnaissez-vous le morceau qu'on vient de jouer comme étant dicté par vous ?

- R. Oui, très bien ; je le reconnais tout à fait. Le médium qui m'a servi d'interprète est un ami qui ne m'a pas trahi.

3. Lequel des deux morceaux préférez-vous ?

- R. Le second, sans parallèle.

4. Pourquoi ?

- R. La douceur, le charme y sont plus vifs et plus tendres à la fois.

Remarque. Ce sont en effet les qualités que l'on a reconnues dans ce morceau.

5. La musique du monde que vous habitez peut-elle se comparer à la nôtre ?

- R. Il vous serait difficile de la comprendre ; nous avons des sens que vous ne possédez pas.

6. Il nous a été dit que dans votre monde il y a une harmonie naturelle, universelle que nous ne connaissons pas ici-bas.

- R. C'est vrai ; sur votre Terre vous faites de la musique ; ici, toute la nature fait entendre des sons mélodieux.

7. Pourriez-vous jouer vous-même sur le piano ?

- R. Je le pourrais, sans doute, mais je ne le veux pas ; c'est inutile.

8. Ce serait pourtant un puissant motif de conviction.

- R. N'êtes-vous pas convaincus ?

Remarque. On sait que les Esprits ne se prêtent jamais aux épreuves ; ils font souvent spontanément ce qu'on ne leur demande pas ; celle-ci, d'ailleurs, rentre dans la catégorie des manifestations physiques dont les Esprits élevés ne s'occupent pas.

9. Que pensez-vous de la publication récente de vos lettres ?

- R. Elle a rappelé beaucoup mon souvenir.

10. Votre souvenir est dans la mémoire de tout le monde ; pourriez-vous préciser l'effet que ces lettres ont produit dans l'opinion ?

- R. Oui, mais on m'a aimé, et l'on s'est attaché beaucoup plus à moi comme homme qu'on ne le faisait auparavant.

Remarque. La personne, étrangère à la Société, qui a posé ces dernières questions, confirme que tel a été en effet l'impression produite par cette publication.

11. Nous désirons interroger Choppin ; le pouvons-nous ?

- R. Oui ; il est plus triste et plus sombre que moi.

Entretien avec Choppin.

12. (Après l'évocation.) Pourriez-vous nous dire dans quelle situation vous êtes comme Esprit ?

- R. Errant encore.

13. Regrettez-vous la vie terrestre ?

- R. Je ne suis pas malheureux.

14. Etes-vous plus heureux que vous ne l'étiez ?

- R. Oui, un peu.

15. Vous dites un peu, ce qui veut dire qu'il n'y a pas une grande différence ; que vous manque-t-il pour l'être davantage ?

- R. Je dis un peu, par rapport à ce que j'aurais pu être ; car avec mon intelligence, j'aurais pu m'avancer plus que je ne l'ai fait.

16. Le bonheur que vous n'avez pas maintenant, espérez-vous l'avoir un jour ?

- R. Assurément, cela viendra, mais il faudra de nouvelles épreuves.

17. Mozart dit que vous êtes sombre et triste ; pourquoi cela ?

- R. Mozart dit vrai. Je m'attriste, parce que j'avais entrepris une épreuve que je n'ai pas menée à bien, et je n'ai plus le courage de la recommencer.

18. Comment appréciez-vous vos oeuvres musicales ?

- R. Je les estime beaucoup, mais parmi nous on fait mieux ; on exécute mieux surtout ; on a plus de moyens.

19. Quels sont donc vos exécutants ?

- R. Nous avons sous nos ordres des légions d'exécutants qui suivent nos compositions avec mille fois plus d'art qu'aucun des vôtres ; ce sont des musiciens accomplis ; l'instrument dont ils se servent est leur gosier, pour ainsi dire, et ils sont aidés par des instruments, sortes d'orgues d'une précision et d'une mélodie que vous semblez ne pas devoir comprendre.

20. Etes-vous bien errant ?

- Oui ; c'est-à-dire que je n'appartiens à aucune planète exclusivement.

21. Et vos exécutants, sont-ils aussi errants ?

- R. Errants comme moi.

22. (A Mozart.) Auriez-vous la bonté de nous expliquer ce que vient de dire Choppin ? Nous ne comprenons pas cette exécution par des Esprits errants.

- R. Je conçois votre étonnement ; nous vous avons pourtant dit déjà qu'il y a des mondes particulièrement affectés aux êtres errants, mondes dans lesquels ils peuvent habiter temporairement ; sortes de bivouacs, de camps pour reposer leurs esprits fatigués par une trop longue erraticité, état toujours un peu pénible.

23. (A Choppin.) Reconnaissez-vous ici une de vos élèves ?

- R. Oui, il me semble.

24. Serez-vous bien aise d'assister à l'exécution d'un morceau de votre composition ?

- R. Cela me fera beaucoup de plaisir, surtout exécuté par une personne qui a gardé de moi un bon souvenir ; qu'elle accepte mes remerciements.

25. Veuillez nous donner votre jugement sur la musique de Mozart.

- R. Je l'aime beaucoup ; je regarde Mozart comme mon maître.

26. Partagez-vous son opinion relativement à la musique d'aujourd'hui ?

- R. Mozart a dit que la musique était mieux comprise de son temps qu'aujourd'hui : c'est la vérité ; j'objecterai pourtant qu'il y a encore de vrais artistes.

NOTA. - Le fragment de sonate dicté par l'Esprit de Mozart, vient d'être publié. On peut se le procurer, soit au Bureau de la Revue spirite, soit à la librairie spirite de M. Ledoyen, Palais royal, galerie d'Orléans, 31. - Prix net : 2 francs. - Il sera adressé franco contre la remise d'un mandat de cette somme.

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M. Alexandre de Humboldt, Décédé le 6 mai 1859 ; appelé dans la Société parisienne des Etudes spirites les 13 et 20 du même mois et François Arago ayant été appelé dans la séance du 27 mai(RS juin 1859)

(A saint Louis). Pouvons-nous appeler l'esprit de M. Alexandre de Humboldt qui vient de mourir ?

- R. Si vous voulez, amis.

1.

Evocation. - R. Me voilà ; que cela m'étonne !

2. Pourquoi cela vous étonne-t-il ?

- R. le suis loin de ce que j'étais, il y a à peine quelques jours.

3. Si nous pouvions vous voir, comment est-ce que nous vous verrions ?

- R. Comme homme.

4. Notre appel vous contrarie-t-il ?

- Non, non.

5. Avez-vous eu conscience de votre nouvel état aussitôt après votre mort ?

- R. Je l'attendais depuis longtemps.

Remarque. Chez les hommes qui, comme M. de Humboldt, meurent de mort naturelle et par l'extinction graduelle des forces vitales, l'Esprit se reconnaît bien plus promptement que chez ceux en qui la vie est brusquement interrompue par accident ou mort violente, attendu qu'il y a déjà eu un commencement de dégagement avant la cessation de la vie organique. Chez M. de Humboldt la supériorité de l'Esprit et l'élévation des pensées facilitaient ce dégagement toujours plus lent et plus pénible chez ceux dont la vie est toute matérielle.

6. Regrettez-vous la vie terrestre ?

- R. Non, du tout ; je me sens heureux ; je n'ai plus de prison ; mon Esprit est libre... Quelle joie même ! et quel doux moment que celui qui m'a apporté cette nouvelle grâce de Dieu !

7. Que pensez-vous de la statue qu'on va vous élever en France, quoique vous soyez étranger ?

- R. Mes remerciements personnels pour l'honneur qu'on me fait ; ce que j'estime surtout en cela, c'est le sentiment d'union que ce fait décèle, le désir de voir finir toutes les haines.

8. Vos croyances ont-elles changé ?

- Oui, beaucoup ; mais je n'ai point encore tout revu ; attendez encore pour me parler plus profondément.

Remarque. Cette réponse et ce mot revu sont caractéristiques de l'état où il se trouve ; malgré le prompt dégagement de son Esprit, il y a encore quelque confusion dans ses idées ; n'avant quitté son corps que depuis huit jours, il n'a pas encore eu le temps de comparer ses idées terrestres avec celles qu'il peut avoir maintenant.

9. Etes-vous satisfait de l'emploi de votre existence terrestre ?

- R. Oui ; j'ai rempli (à peu près) le but que je m'étais proposé. J'ai servi l'humanité, c'est pourquoi je suis heureux aujourd'hui.

10. Quand vous étiez-vous proposé ce but ?

- En venant sur la terre.

Remarque. Puisqu'il s'était proposé un but en venant sur la terre, c'est donc qu'il y avait eu chez lui un progrès antérieur, et que son âme n'avait pas pris naissance en même temps que son corps. Cette réponse spontanée ne peut avoir été provoquée par la nature de la question ou la pensée de l'interrogateur.

11. Aviez-vous choisi cette existence terrestre ?

- R. Il y avait de nombreux candidats pour cette oeuvre ; j'ai demandé à l'Etre par excellence de me l'accorder, et je l'ai obtenue.

12. Vous rappelez-vous l'existence qui a précédé celle que vous venez de quitter ?

- R. Oui ; elle eut lieu loin de chez vous et dans un monde bien différent du vôtre.

13. Ce monde est-il égal, inférieur ou supérieur à la terre ?

- R. Supérieur ; pardonnez-moi.

14. Nous savons que notre monde est loin de la perfection, et par conséquent nous ne sommes point humiliés qu'il y en ait au-dessus de nous ; mais alors comment êtes-vous venu dans un monde inférieur à celui où vous étiez ?

- R. Donne-t-on aux riches ? j'ai voulu donner : je suis descendu dans la cabane du pauvre.

15. Pouvez-vous nous donner une description des êtres animés du monde que vous habitiez ?

- R. J'avais ce désir en vous parlant tout à l'heure ; mais j'ai compris à temps que j'aurais de la peine à vous expliquer parfaitement cela. - Les êtres y sont bons, très bons ; comprenez déjà ce point qui est la base de tout le reste du système moral dans ces mondes ; rien n'y entrave l'essor des bonnes pensées ; rien ne rappelle les mauvaises ; tout est heureux, car chacun est content de soi-même et de tous ceux qui l'entourent. - Comme matière, comme sens, toute description est inutile. - Quelle simplification dans les rouages d'une société ! aujourd'hui que je suis à même de comparer les deux, je suis effrayé de la distance. Ne pensez pas que je vous dise cela pour vous décourager ; non, bien au contraire. Il faut que votre esprit soit bien convaincu de l'existence de ces mondes ; alors vous aurez un ardent désir d'y atteindre, et votre travail vous en ouvrira la route.

16. Ce monde fait-il partie de notre système planétaire ?

- R. Oui, il est très près de vous. Cependant on ne peut le voir, parce qu'il n'est point lui-même foyer de lumière, et qu'il ne reçoit et ne réfléchit point la lumière des soleils qui l'entourent.

17. Vous nous avez dit tout à l'heure que votre précédente existence avait eu lieu loin de nous, et maintenant vous dites que ce monde est très près ; comment concilier ces deux choses ?

- R. Il est loin de vous si vous consultez vos distances, vos mesures terrestres ; mais il en est proche si vous prenez le compas de Dieu, et si vous essayez d'embrasser d'un coup d'oeil toute la création.

Remarque. Il est évident qu'il peut être considéré comme loin si nous prenons comme terme de comparaison les dimensions de notre globe ; mais il est près par rapport aux mondes qui sont à des distances incalculables.

18. Pourriez-vous préciser la région du ciel où il se trouve ?

- R. C'est inutile ; les astronomes ne la connaîtront jamais.

19. La densité de ce monde est-elle la même que celle de notre globe ?

- R. Il s'en faut de mille à dix.

20. Serait-ce un monde de la nature des comètes ?

- R. Non, aucunement.

21. S'il n'est pas foyer de lumière et s'il ne reçoit ni ne réfléchit la lumière solaire, il y règne donc une obscurité perpétuelle ?

- R. Les êtres qui vivent là n'ont aucunement besoin de lumière : l'obscurité n'existe pas pour eux ; ils ne la comprennent pas. Vous pensez, parce que vous êtes aveugles, que personne ne peut avoir le sens de la vue.

22. La planète de Jupiter est, au dire de certains Esprits, bien supérieure à la terre ; cela est-il exact ?

- R. Oui ; tout ce qu'on vous en a dit est vrai.

23. Avez-vous revu Arago depuis votre rentrée dans le monde des Esprits ?

- R. C'est lui qui m'a tendu la main quand j'ai quitté le vôtre.

24. Connaissiez-vous le spiritisme de votre vivant ?

- R. Le spiritisme, non ; le magnétisme, oui.

25. Quelle est votre opinion sur l'avenir du spiritisme parmi les corps savants ?

- R. Grand ; mais son chemin sera pénible.

26. Pensez-vous qu'un jour il soit accepté par les corps savants ?

- R. Certainement ; mais croyez-vous donc que cela soit indispensable ? Occupez-vous plutôt d'en mettre les premiers préceptes au coeur des malheureux qui encombrent votre monde : c'est le baume qui calme les désespoirs et donne l'espérance.

Remarque. François Arago ayant été appelé dans la séance du 27 mai, et par l'intermédiaire d'un autre médium, répondit ainsi à des questions analogues :

Quelle était de votre vivant, votre opinion sur le spiritisme ?

- R. Je le connaissais très peu, et n'y attachais, par conséquent que peu d'importance ; je vous laisse à penser si j'ai changé d'avis.

Pensez-vous qu'il soit un jour accepté et reconnu par les corps savants ? j'entends la science officielle, car pour les savants il y en a beaucoup qui individuellement le reconnaissent.

- R. Non seulement je le pense, mais j'en suis sûr ; il subira le sort de toutes les découvertes utiles à l'humanité ; bafoué d'abord par les savants orgueilleux et les sots ignorants, il finira par être reconnu par tous.

27. Quelle est votre opinion sur le soleil qui nous éclaire ?

- R. Je n'ai encore rien appris ici comme science ; cependant, je crois toujours que le soleil n'est qu'un vaste centre électrique.

28. Cette opinion est-elle le reflet de celle que vous aviez comme homme, ou la vôtre comme Esprit ?

- R. Mon opinion de mon vivant, corroborée par ce que je sais maintenant.

29. Puisque vous venez d'un monde supérieur à la terre, comment se fait-il que vous n'ayez pas eu des connaissances précises sur ces choses, avant votre dernière existence, et dont vous vous souveniez aujourd'hui ?

- R. Je les avais certainement, mais ce que vous me demandez n'a aucun rapport à tout ce que j'ai pu apprendre dans des préexistences tellement différentes de celle que j'ai quittée ; l'astronomie, par exemple, fut pour moi une science toute nouvelle.

30. Nous avons vu beaucoup d'Esprits nous dire qu'ils habitaient ou avaient habité d'autres planètes, mais aucun ne nous a dit habiter le soleil ; pourquoi cela ?

- R. C'est un centre électrique, et non un monde ; c'est un instrument et non une demeure. - Il n'y a donc point d'habitants ?

- R. Habitants fixes, non ; visiteurs, oui.

31. Pensez-vous que dans quelque temps, quand vous aurez pu faire de nouvelles observations, vous pourrez mieux nous renseigner sur la nature du soleil ?

- R. Oui, peut-être et volontiers ; cependant, ne comptez pas trop sur moi, je ne serai pas longtemps errant.

32. Où croyez-vous aller quand vous ne serez plus errant ?

- R. Dieu me permet de me reposer quelques moments ; je vais jouir de cette liberté pour rejoindre des amis bien chers qui m'attendaient. Ensuite, je ne sais encore.

33. Nous vous demandons la permission de vous adresser encore quelques questions auxquelles vos connaissances en histoire naturelle vous mettent sans doute à même de répondre.

La sensitive et la dionée ont des mouvements qui accusent une grande sensibilité, et dans certains cas une sorte de volonté, comme la dernière, par exemple, dont les lobes saisissent la mouche qui vient se poser sur elle pour puiser son suc, et à laquelle elle semble tendre un piège pour ensuite la faire mourir. Nous demandons si ces plantes sont douées de la faculté de penser, si elles ont une volonté, et si elles forment une classe intermédiaire entre la nature végétale et la nature animale ; en un mot, sont-elles une transition de l'une à l'autre ?


- R. Tout est transition dans la nature, par le fait même que rien n'est semblable, et que pourtant tout se tient. Ces plantes ne pensent pas, et par conséquent n'ont pas de volonté. L'huître qui s'ouvre et tous les zoophytes n'ont point la pensée ; il n'y a qu'un instinct naturel.

34. Les plantes éprouvent-elles des sensations douloureuses quand on les mutile ?

- R. Non.

Remarque. Un membre de la société exprime l'opinion que, les mouvements des plantes sensitives sont analogues à ceux qui se produisent dans les fonctions digestives et circulatoires de l'organisme animal, et qui ont lieu sans la participation de la volonté. Ne voit-on pas, en effet, le pylore se contracter au contact de certains corps pour refuser le passage ? Il doit en être de même de la sensitive et de la dionée, chez lesquelles les mouvements n'impliquent nullement la nécessité d'une perception et encore moins d'une volonté.

35. Y a-t-il des hommes fossiles ?

- R. Le temps les a rongés.

36. Admettez-vous qu'il y ait eu des hommes sur la terre, avant le déluge géologique ?

- R. Tu ferais bien de t'expliquer plus clairement sur ce point, avant de poser la question. L'homme était sur la terre avant bien des déluges.

37. Adam n'était donc pas le premier homme ?

- R. Adam est un mythe ; où places-tu Adam ?



38. Mythe ou non, je parle de l'époque que l'histoire lui assigne.

- R. C'est peu calculable pour vous ; il est même impossible de supputer le nombre d'années que les premiers hommes sont restés dans un état sauvage et bestial qui n'a cessé que bien longtemps après leur première apparition sur le globe.

39. La géologie fera-t-elle trouver un jour des traces matérielles de l'existence de l'homme sur la terre avant la période adamique ?

- R. La géologie, non ; le bon sens, oui.

40. Le progrès du règne organique sur la terre est marqué par l'apparition successive des acotylédonées, des monocotylédonées et des dycotylédonées ; l'homme existait-il avant les dycotylédonées ?

- R. Non, sa phase suivit celle-là.

41. Nous vous remercions d'avoir bien voulu venir à notre appel, et des renseignements que vous nous avez fournis.

- R. C'est avec plaisir. Adieu ; au revoir.

Remarque. Cette communication se distingue par un caractère général de bonté, de bienveillance, et une grande modestie, signe incontestable de supériorité chez l'Esprit ; là, en effet, nulle trace de la jactance, de la forfanterie, de l'envie de dominer et de s'imposer, que l'on remarque chez ceux qui appartiennent à la classe des faux savants, Esprits toujours plus ou moins imbus de systèmes et de préjugés qu'ils cherchent à faire prévaloir ; tout, chez l'Esprit de Humboldt, même les plus belles pensées, respire la simplicité et dénote l'absence de prétention.

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